Samedi dernier, nous nous sommes promenés en ville mon mari, les enfants et moi-même - j'avais l'idée qu'une bonne marche ne pourrait que rapprocher le moment très attendu de la naissance. Alors que nous traversons un passage piéton en tenant par la main nos trois garçons, une voiture nous croise en sens inverse et le passager me lance, par la vitre baissée, sur un ton convaincu :
"Ca va être une fille, Madame !"
C'est à peine quelques heures plus tard, dimanche dernier dans la matinée, que j'ai saisi le nouveau-né poussant son tout premier cri. Je soulève l'enfant devant moi, m'apprêtant à connaître son sexe : c'est la quatrième fois que dans l'émotion d'une naissance je vis ces mêmes moments, mais c'est la toute première fois qu'en reposant sur moi le nourrisson, j'ai prononcé les mots suivants :
"C'est une fille !"
Si la joie a été immédiate, en revanche il m'aura fallu d'une part une deuxième vérification, et d'autre part deux ou trois jours pour ne plus sursauter en entendant le mot "elle" : "Elle se porte bien ?" – et pour employer moi-même avec naturel le féminin. Comme ses frères, comme tous les nouveaux-nés, elle pousse les mêmes cris, porte le même regard étonné sur le visage maternel, tète avec la même application concentrée ; elle a la même manière de sourire aux anges, de sursauter dans son sommeil, de relever ses petites mains à hauteur de son visage lorsqu'elle dort.
Rien ne semble différent – et pourtant rien n'est pareil. La joie n'est pas plus intense, mais la naissance d'une petite fille, après trois garçons, donne l'impression immédiate et inattendue d'être mère autrement, d'être la mère d'un petit être différent, d'un petit être à sa ressemblance.
Et avec sa naissance, c'est la promesse d'une maternité renouvelée, avec d'autres joies et d'autres découvertes, qui se dessine : la perspective de la voir porter les robes que j'ai portées, de la voir coucher ses poupées dans mon berceau de petite fille, jusqu'au jour, peut-être, où je lui rendrai visite dans une chambre semblable à celle où nous avons passé ses premiers jours, et où elle tiendra dans ses bras le nouveau-né à qui elle viendra de donner la vie.