Vous vous souvenez certainement de Xavier, de son air éternellement tracassé, de sa propension à se sentir chaque jour « comme un lundi », de ses contrariétés à l'approche des dernières fêtes de Noël, et surtout de l'incendie qui a ravagé sa maison en début d'année.
Au fur et à mesure que les semaines ont passé depuis le mois de janvier, j'ai trouvé à Xavier, que je croise régulièrement à l'école où deux de nos enfants fréquentent la même classe, l'air de plus en plus sombre, les traits de plus en plus tirés, la silhouette de plus en plus voûtée par les soucis et les retards dans les travaux de restauration de sa maison incendiée.
Il y a quelques jours, début septembre, je rencontre Xavier au parc où il surveille ses deux enfants après l'école.
Il fait beau, le week-end approche, je me souviens que Xavier et sa famille avaient le projet d'emménager dans leur maison peu après l'été, à une date qui me semble devoir approcher. Je risque un :
- Comment vas-tu, Xavier ?
Je n'aurais pas dû : Xavier a l'air exténué et totalement démoralisé. J'imagine que les travaux ont pris du retard et que, à l'heure actuelle, il désespère de pouvoir retourner chez lui avant la fin de l'année. En effet je l'entends soupirer :
- C'est-à-dire que nous ne sommes toujours pas chez nous...
- Ah bon, et il y en a pour combien de temps ?
- Deux semaines.
En fait, tout va bien, mais paradoxalement Xavier semble se sentir de plus en plus mal à mesure que l'heureux dénouement approche. Je prévois une crise d'angoisse le jour de l'emménagement. Mais Xavier continue.
- Au fait, tu es au courant pour le deuxième ?
J'acquiesce : je savais déjà qu'un second incendie avait débuté dans le logement provisoire que Xavier occupe avec sa famille depuis l'incendie de sa maison.
- On n'en a jamais parlé à mon père. Déjà qu'il n'a plus dit un mot pendant deux mois, quand il a appris pour le premier...
Xavier m'a expliqué les raisons de ce mutisme. Si je vous dis que le père de Xavier, à l'âge de dix-huit ans, a perdu ses propres parents dans l'incendie qui ravagea leur maison, vous ne me croiriez pas.
Et pourtant... c'est vrai.