jeudi 28 novembre 2013

Où il est question de chance

L'avantage, quand vous rencontrez une situation telle que celle de perdre un enfant (pendant vingt minutes), c'est que par la suite, vous voyez avec davantage de recul les menus incidents qui émaillent votre vie quotidienne, et vous trouvez, par exemple, que finalement il n'est pas si dramatique que votre cadet ait égaré son sac de goûter (fait main) ou que votre aîné ait perdu son sac de billes et tout son précieux contenu.

Justement, hier après midi, ce dernier, de retour à la maison, me montre son manteau d'hiver maculé d'une drôle de tache marron, positionnée juste sur la poche, et dont je devine l'origine en respirant son parfum caractéristique : une des nombreuses crottes de chiens qui ponctuent agréablement notre chemin de la maison à l'école. Comment a-t-elle pu se retrouver là, sur la poche droite, je l'ignore, la faute sans doute au traîné-de-manteau-par-terre-dans-l'entrée, art dans lequel mes enfants sont passés maîtres.

Je m'en vais frotter la tache dans la salle de bain ; cela tombe bien, en général, comme beaucoup de mères de famille, je n'ai guère d'occupation précise entre 17 et 20 heures.

Je commence par vider la poche en question, retirant les gants qui y sont rangés et je commence mon entreprise de nettoyage. Un cliquetis se fait entendre. Pourtant la poche est bien vide, je le vérifie. Mais le bruit se reproduit. J'avise alors, derrière l'ouverture principale, une discrète fermeture éclair que je m'empresse d'ouvrir, découvrant une poche secrète d'où j'extirpe le fameux sac de billes perdu par mon fils depuis déjà deux mois.

Vous imaginez la joie de ce dernier.

Comme quoi, s'il est bien connu que marcher dedans porte chance, je suis convaincue que se rouler dedans peut, plus encore, apporter le bonheur. A condition de prévoir une bonne éponge.



Tandis que se rouler dans un champ de trèfles à quatre feuilles, c'est plus rare
 
 
Rendez-vous sur Hellocoton !

dimanche 24 novembre 2013

Le jour où mon fils est devenu le héros de l'école

Je ne prétends pas que mes enfants soient exceptionnels (comme tout parent, je dois me défendre contre cette idée fausse hélas trop naturelle), mais, l'autre soir, en l'espace de quelques heures, mon fils aîné est devenu le héros de l'école.

Comme pour tous les héros, cela lui est tombé dessus malgré lui, plutôt comme une malédiction que comme un privilège, dans la douleur et dans les larmes, dans la solitude et l'affliction, un peu comme quand Superman découvre qu'il vient de la planète Krypton et qu'il ne sera jamais semblable aux autres hommes, ou quand Peter Parker se fait piquer par l'araignée mutante qui le transformera en Spiderman.

Pourtant, quelle gloire dès le lendemain dans son école ! Pas de Une tapageuse au Daily Planet ou au journal de 20 heures, mais le récit s'est propagé comme une traînée de poudre dans la petite école que fréquentent mes enfants. « C'est vrai ce qu'il a fait Xxxx ? » m'a demandé, pleine d'admiration, la jeune Aglaé qui pourtant n'a peur de rien ni de personne. La grand-mère qui, à côté de moi, venait chercher ses enfants, a failli s'évanouir d'effroi quand elle a entendu ma réponse affirmative et m'a lancé un regard horrifié. « J'ai appris ce qui s'est passé hier pour ton fils ! » se sont exclamées aussi une dizaine de mamans de ma connaissances, informées par leurs propres enfants. Quant aux enseignants et au personnel de l'école, beaucoup m'ont demandé des détails sur l'événement, et la directrice elle-même est venue dans la classe de mon fils aîné pour en faire le commentaire officiel.

L'héroïsme est toujours mal compris et mal jugé. L'opprobre tombe sur le héros dont le comportement admirable, mais incontrôlable, suscite la peur et l'inquiétude. Moi-même, en tant que mère, je préfèrerais qu'un tel épisode reste isolé, et des mesures ont été prises dans l'école pour qu'il ne se répète pas. Les parents prennent soin de tenir leur progéniture par la main ou sous leur regard, avec plus de vigilance qu'auparavant. Dans le regard de la directrice, à la porte de l'école, à l'heure de la sortie des classes, je note comme une lueur inquiète qui me rappelle le visage figé d'anxiété que le comportement de mon fils avait causé le soir de ses exploits.

Tout s'était passé en moins de temps qu'il n'en faut à Spiderman pour bondir d'un gratte-ciel à un autre. J'étais en train de discuter, l'espace de deux minutes, avec une amie, dans la cour de l'école, quand j'ai réalisé que mon fils aîné, âgé de six ans, avait disparu. Je l'ai cherché des yeux dans la cour, puis dans les bâtiments (il n'avait pas pu sortir puisque la directrice veille à ce que les enfants ne quittent pas l'école seuls) puis dans la cour à nouveau, puis dans sa classe (et quand bien même la directrice l'aurait laissé sortir, il ne lui serait pas venu à l'esprit de rentrer seul à la maison) puis aux toilettes des CP, puis à l'étude, puis dans la cour encore. J'ai alerté la directrice, les parents que je voyais encore dans l'école, les enseignants, nous avons refait le tour de l'école. Quinze minutes étaient passées et il restait introuvable.

La directrice a pris sa voiture pour quadriller le quartier, je suis rentrée en direction de la maison, franchissant au pas de course les six cents mètres qui la séparent de l'école, traversant l'immense boulevard où les voitures roulent à soixante à l'heure, les rues passantes et les couloirs de bus, parcourant les ruelles étroites et désertes qui mènent à notre résidence et où tant de choses pourraient arriver à un enfant perdu et seul. 

Je suis arrivée à la maison. Mon fils y était arrivé quelques minutes avant moi. En larmes et le cœur battant, m'ayant perdue de vue dans la cour de l'école, ayant échappé au contrôle de la directrice à la porte de l'établissement, persuadé que j'étais rentrée sans l'attendre (ce qui m'arrive rarement, je vous assure) – mais s'arrêtant aux feux, traversant aux passages piétons et arrivant finalement, sans encombre, au domicile familial.

Les plus grands événements sombrent dans l'oubli et celui-ci ne manque pas à la règle. Mon fils a repris sa place à côté de moi sur le chemin de l'école où il obéit docilement à mes injonctions, et plus personne ne songe à évoquer la soirée où il est rentré seul à la maison.

Une seule personne, pourtant, en subira, je crois, les effets collatéraux jusqu'au début du mois de juillet : mon fils cadet, dont la maîtresse, échaudée par l'histoire de son frère aîné, lui répète chaque jour, et plusieurs fois par jour, qu'il ne doit surtout pas partir sans sa maman.

Après tout, ces choses-là sont peut-être génétiques...
 

 
Rendez-vous sur Hellocoton !

jeudi 14 novembre 2013

Où l'on parle figures de style et lunettes de WC

Ce qui est bien quand on tient un blog, c'est qu'on se fait des amis, des amis qui viennent de loin pourtant, que vous n'avez jamais vus, mais qui n'hésitent pas à téléphoner en vous disant « je passe près de chez toi, tu m'offres le café ? », qui portent des noms compliqués qui vous rappellent vos cours de français et qui vous rappellent aussi que vous avez un peu oublié ce que c'est qu'une Anacoluthe (alors qu'une blogueuse qui s'appellerait oxymore, en revanche, il se trouve que par hasard je me souviens encore de ce que cela veut dire), avec qui vous parlez de vos enfants et de vos blogs, de leur naissance, de leur croissance et des projets que vous formez pour eux (vos enfants et vos blogs).

Et puis il y a des blogueurs que vous n'avez pas encore rencontrés, mais avec qui vous communiquez depuis quelques temps par commentaires interposés et par mails, et qui finissent par devenir des amis, des amis dont vous aimez avoir des nouvelles – de leurs vacances, de leur déménagement et de leur famille –, des amis qui réciproquement ont la gentillesse de s'intéresser aux menus événements de votre vie.

Parmi ceux-là, il y a Alphonsine. Alphonsine a eu récemment un geste qui m'a beaucoup touchée, une pensée pour moi au beau milieu de ses courses utilitaires dans un magasin de bricolage, où, lâchant son caddie plein de transformateurs électriques helvètes et d'appareils à fondue, elle est allée jusqu'à prendre des photos qu'elle m'a adressées ultérieurement par mail, sachant combien le sujet me tient à cœur. Admirez :

 Imaginez mon émotion...


Bucolique et montagnarde, la préférée d'Alphonsine
 
Tout le charme de la blogosphère est là : de belles rencontres et... d'inoubliables découvertes !
 
 
Rendez-vous sur Hellocoton !

lundi 11 novembre 2013

Allo, c'est Tante Claudine

Samedi, le téléphone a sonné pendant que je préparais le déjeuner, j'ai laissé mon mari prendre. Trois quarts d'heure plus tard, le voilà de retour au salon, l'air épuisé, se frottant les tempes énergiquement, et poussant un long soupir en reposant le combiné.

C'était Tante Claudine au téléphone.

Tante Claudine avait encore beaucoup à raconter, imaginez donc : elle venait d'assister à l'enterrement du parrain de son mari dont nous savions qu'il était en mauvaise santé. Mon mari ne connait pas cet homme, mais désormais nous savons tout de ses funérailles : le nombre de fleurs et de couronnes, la présence d'un ou deux conseillers municipaux, et surtout les lamentations de la veuve au moment de la mise en terre.

« Cela a été très dur pour Oncle Maurice, a rajouté Tante Claudine. Figure-toi qu'il était allé à l'hôpital rendre visite à son parrain, et qu'une heure après, ce dernier était mort. »

Oncle Maurice et Tante Claudine, qui étaient voisins du défunt, ne lui rendaient visite qu'exceptionnellement, mais Tante Claudine a tout de même conclu, avec peut-être une légère pointe d'égocentrisme :

« C'est à se demander s'il n'attendait pas la visite d'Oncle Maurice pour partir... »

Mon mari a demandé des nouvelles de Marc : vous vous souvenez que le pauvre a été amputé d'un bras ; depuis il suit un programme de rééducation non loin du domicile d'Oncle Maurice et Tante Claudine.

« Marc, eh bien nous l'avons reçu à déjeuner à la maison. »

Il faut savoir que Tante Claudine et Oncle Maurice n'ont jamais reçu personne. Ni la sœur d'Oncle Maurice, qui habite à deux pas, célibataire, isolée et souffrant de dépression, ni le parrain défunt d'Oncle Maurice, ni même, lorsqu'ils étaient encore de ce monde, les parents de Tante Claudine, eux aussi voisins immédiats – peut-être pour un café le premier janvier, mais c'est tout, et encore, pas tous les ans.

Je n'ose imaginer ce qui a valu à Marc le privilège d'être introduit dans la demeure d'Oncle Maurice... Ce n'est tout de même pas parce qu'il lui manque un bras ?
 
 
Rendez-vous sur Hellocoton !

lundi 4 novembre 2013

Ginger, entre quatre murs

Vous vous en souvenez, j'ai eu la chance dernièrement de participer à un dîner de blogueurs chez Ginger qui nous a ouvert les portes de son appartement que j'ai découvert alors pour la toute première fois.

Ginger, vous la connaissez comme moi : c'est une jeune fille blonde (physiquement), aux doigts verts, passionnée d'histoire et d'Audrey Pulvar, qui porte un chapeau, se pose des questions existentielles et surtout nous fait tous bien rire, ce qui n'a pas de prix, surtout par les temps qui courent où les blogs sont peut-être le dernier rempart contre la société de consommation et la dernière chose qui nous reste après avoir réglé nos impôts.

Bref, Ginger, c'est une fille qui a un cœur gros comme un écran 17 pouces et qui nous met le sourire aux lèvres dès le matin quand elle publie ses articles à 7h30 précises (parce qu'en plus elle est ponctuelle).

Tout cela est très sympathique, mais, dans les faits, cela ne nous avance guère. Qui est vraiment Ginger ? Dort-elle avec son chapeau ? Est-elle plutôt blonde platine ou blonde cendrée ? Juilletiste ou aoûtienne ? Se montre-t-elle drôle dans toutes les circonstances de sa vie ou seulement à 99 % ? Travaille-t-elle dans un cirque ou sur un open space ?

Le mystère reste entier. C'est pourquoi je me permets aujourd'hui de lever un peu le voile sur une partie de l'univers de Ginger, à savoir les quelques dizaines de mètres carrés qui constituent son logement et que, avec son aimable autorisation, je vous emmène visiter avec moi.

Ginger occupe un appartement fort bien situé à deux pas d'un monoprix (vous le savez déjà), dans un immeuble parfaitement équipé en boîtes aux lettres, ascenseur et digicode. Pas de paillasson à l'entrée, ce qui nous renseigne déjà sur un point : Ginger a toujours la semelle propre, ou bien sinon elle s'essuie sur celui des voisins.

L'appartement de Ginger est coquet et l'on s'y sent bien, d'autant qu'il est peuplé de tout un tas de blogueurs (en tout cas la seule fois que j'y suis entrée), et que la présence d'autres blogueurs, malheureusement absents ce soir-là, était toutefois rappelée dans la décoration.



Les oiseaux en tissu, un cadeau d'Alphonsine
 
On en apprend beaucoup sur les gens en pénétrant chez eux. C'est ainsi que je peux vous affirmer que Ginger a toujours bien chaud au cou, qu'elle collectionne les bougies chauffe-plat et qu'elle se passionne pour les coquillages et crustacés.



Cela fait longtemps que Ginger n'a pas joué au ping-pong



La collection d'écharpes de Ginger



Un souffle d'air marin dans la salle de bain de Ginger
 
Enfin, je terminerais par cette photo qui synthétise, en quelques pixels, l'essentiel de la personnalité de Ginger, working girl sportive, connectée, aimant la nature et les tapis de sol.
 

Ginger, une femme accomplie
 
Vous savez tout, désormais, ou presque, sur Ginger, tout, sauf, bien-sûr, et comme moi d'ailleurs, le sujet de son prochain billet.... Rendez-vous un de ces quatre matins à 7h30, j'espère !
 
 
Rendez-vous sur Hellocoton !

dimanche 27 octobre 2013

A quelque chose malheur est bon

Si vous avez très bonne mémoire, vous vous souvenez peut-être de Tante Claudine, une parente du côté de mon mari, résidant à Clermont-Ferrand, et de son goût prononcé pour les maladies, les décès et les enterrements.

Cela fait un long moment que je ne vous ai pas parlé de Tante Claudine, et pour cause puisque nous en avons eu assez peu de nouvelles ces derniers mois. La seule nouvelle que nous avions apprise concernait la marraine de Tante Claudine, en l'occurrence une grande-cousine éloignée, prénommée Juliette, et qui, au mois de janvier dernier, a quitté l'Alsace où elle vivait depuis cinquante ans pour s'installer à Montluçon dans le but de se rapprocher de ses enfants. Juliette, que mon mari connaît bien depuis qu'il est tout petit, et que nous avons régulièrement au téléphone, est d'une grande gentillesse, et malgré ses revenus modestes, elle a toujours gâté très généreusement nos enfants. 

En dépit de la proximité géographique et les invitations répétées de sa marraine, un peu déboussolée suite à son déménagement, Tante Claudine et Oncle Maurice n'ont pas encore trouvé le temps de parcourir les cent kilomètres à peine qui les séparent de Juliette. « Nous avons été très occupés depuis dix mois... surtout avec les dix jours que nous avons passés à Paris en avril pour nous occuper de notre petit-fils ». Tante Claudine a une explication pour tout.

Il y a quelques jours, Tante Claudine a téléphoné. Poliment, elle a demandé à mon mari de nos nouvelles et des nouvelles de la rentrée des enfants avant de l'interrompre un peu brusquement. « Tu me raconteras une autre fois, a-t-elle expliqué, pleine de tact, j'ai beaucoup à t'apprendre ».

Trois quarts d'heure plus tard, mon mari, en effet, avait déjà appris force détails au sujet de deux tristes nouvelles : l'hospitalisation de la sœur d'Oncle Maurice pour dépression nerveuse et le décès soudain du parrain de la sœur de Tante Claudine.

« Et Juliette, comment va-t-elle ? » lui demande mon mari pour réorienter la conversation.

« Oh, mais justement, je voulais te raconter : nous l'avons vue dimanche à Montluçon ! »

Enfin, Juliette a eu la visite qu'elle attendait depuis des mois. Mon mari, curieux de savoir ce qui a poussé Tante Claudine et son mari à faire l'effort de se déplacer chez leur parente, n'a pas le temps de répondre que Tante Claudine continue, accélérant son débit de parole, comme si elle craignait de n'avoir pas le temps de tout dire :

« Tu te souviens que Marc, le fils de Juliette, était à l'hôpital de Montluçon suite au grave accident de la route où il a failli perdre la vie ? »

Mon mari n'avait pas oublié, nous avions appris la nouvelle quelques jours auparavant par Juliette elle-même.

« Eh bien c'est très dur, tu sais. Il a dû être amputé du bras droit. Alors bien-sûr, nous sommes allés le voir à l'hôpital. »

Tout s'explique. Une amputation, voilà ce qui ne peut laisser indifférente la très sensible Tante Claudine.

« Et puis Juliette a tellement insisté que nous avons déjeuné chez elle. »

Avant de raccrocher, mon mari a appris par le menu tout le programme de rééducation que subira Marc au cours des prochains mois, mais nous ne savons pas trop comment Juliette réagit à ces derniers événements dramatiques.

Quant à Tante Claudine, rassurez-vous, son moral reste bon, d'autant que la Toussaint n'a jamais été si proche !



Et si vous tenez vraiment à une image d'amputation, faites la recherche vous-mêmes...
 
 
Rendez-vous sur Hellocoton !

jeudi 24 octobre 2013

10 ans après

Nous étions une douzaine, c'était l'année de nos vingt ans, (vingt et un pour les plus âgés), nous faisions partie d'une même association étudiante. Nous nous sommes dispersés, plus ou moins perdus de vue, et dix ans ont passé.

Il y a quelques semaines j'ai reçu un mail me conviant aux retrouvailles des anciens de l'association à l'occasion de son dixième anniversaire.

Je n'ai pas été en mesure de m'y rendre, mais j'ai reçu récemment dans un mail les photos de la rencontre, et j'ai lancé le diaporama, curieuse de revoir les visages de ces personnalités dont j'avais été très proche l'espace de quelques mois.

Parmi les participants à la réunion, il y avait Paul. Je ne l'ai même pas reconnu. J'en gardais le souvenir d'un post-adolescent maigrichon et réservé, les cheveux longs noués en queue de cheval, vêtu d'un T-shirt informe. Sur les photos, j'ai découvert avec plaisir un trentenaire souriant, à la stature normale, aux cheveux courts et à l'air épanoui.

Et puis il y avait Fabrice et Véronique, son épouse – que je connais depuis dix ans aussi puisqu'elle faisait partie du même groupe d'amis –, accompagnés de leurs deux petites filles. Véronique posait, souriante, le regard décidé derrière ses petites lunettes carrées, visiblement très satisfaite de sa situation personnelle. Un peu en retrait, Fabrice au contraire m'a eu l'air d'avoir pris, non pas dix, mais vingt ans : le visage émacié, l'air renfermé, presque triste, sans aucun trait du caractère un peu enjoué que je lui connaissais, le tout renforcé par le grisonnement prononcé de ses cheveux, comme si l'épanouissement de l'une s'était manifesté au détriment de l'autre...

Il y avait aussi Mathieu, le crâne un peu dégarni, mais plein d'assurance, arborant un sourire satisfait et des lunettes de soleil – malgré le temps gris – , les mains dans les poches, présent physiquement, mais paraissant ailleurs, comme absorbé dans une contemplation infinie... de lui-même ?

J'ai bien reconnu Thomas, qui a peu changé, mais il faut dire que Thomas a toujours fait un peu vieux, d'ailleurs à l'époque ne l'appelions-nous pas déjà « Papi » ?

Il y avait aussi Nicolas et Séverine, l'éternel jeune couple rentrant à peine de deux années passées dans l'humanitaire à l'étranger, mais, dans leur cas, j'ai été surprise de prime abord non par leur évolution mais plutôt par le fait qu'ils n'avaient pas changé du tout. A y regarder de plus près, Séverine, elle, accuse la décennie passée, son visage s'est un peu élargi, un peu alourdi. Mais Nicolas, lui, semble sorti directement de mes vieilles photos d'étudiante, avec son polo gris et un pull qu'il aurait tout à fait pu porter alors, sa façon de ne pas se tenir très droit et son sourire un peu indéterminé... Il pourrait se confondre avec les étudiants de dix ans nos cadets sans que personne ne se rende compte qu'il les a largement dépassés en âge.

Et puis il y avait Antoine, bien reconnaissable malgré son bouc et ses dix kilos de plus ; Céline, qui m'a parue fatiguée, accompagné de Victor, dont le visage s'est arrondi, avec leurs deux enfants qui s'amusaient en compagnie de ceux de Fabrice et Véronique, représentant à eux quatre la jeune génération dont nous faisions encore partie il y a dix ans.

Fin du diaporama.

Je n'avais pas bien réalisé. A trente ans, on se sent toujours aussi jeune et en possession de ses moyens. Les changements physiques, plus ou moins marqués, sont rendus imperceptibles par la fréquentation quotidienne de notre miroir, et une décennie s'ajoute, si vite passée, sans paraître laisser de trace.

Et pourtant... à découvrir cette série de photos, j'ai réalisé combien, oui, dix ans avaient passé. Mais ce qui m'a le plus frappée, au delà de l'embonpoint des uns ou des cheveux grisonnants des autres, c'est combien les expressions, les regards, les sourires ont pu se transformer, témoignant de l'évolution intérieure que nous avons traversée au cours de ces dix dernières années.

La prochaine décennie nous fera vieillir physiquement... mais la précédente a fait, pour le meilleur ou pour le pire, des jeunes gens que nous étions, les adultes que nous serons probablement désormais tout le reste de notre vie.



Rendez-vous dans dix ans ?
 


 
Rendez-vous sur Hellocoton !

dimanche 20 octobre 2013

Un dîner de blogueurs

Samedi dernier, j'ai eu la chance et le plaisir de participer à une rencontre de blogueurs, et pas n'importe quels blogueurs, puisqu'il s'agissait de Ginger, qui nous a généreusement ouvert les portes de son appartement, du Petit Bonheur, de Stiop, de Gustave et de la Belette. Il y avait aussi, preuve de la grande ouverture d'esprit des blogueurs, quelques non-blogueurs (et, n'en doutons pas, futurs blogueurs – je vais y revenir) liés par les liens du mariage (ou d'un futur mariage) à certains parmi les blogueurs présents, ainsi qu'une commentatrice fidèle répondant au doux nom de « Jeanne qui connait Stiop, la Belette et Ginger ».

La soirée était très attendue, avec l'impatience croissante de connaître le prénom qui se cache sous le pseudonyme, le visage dont on ne connait que la queue de cheval ; elle a été très réussie, imprégnée du sentiment, déjà ressenti auparavant, de rencontrer non des inconnus mais des amis de longue date...

La conversation a volé très haut – cela n'a rien d'étonnant, Ginger logeant au cinquième étage – et, moins surprenant encore, elle a tourné longuement sur les blogs, alimentée par les réflexions de chacun (et par les victuailles de tous). En voici, dans le désordre, un petit échantillon :

Les blogueurs et leurs conjoints

Nous avons trouvé parmi les blogueurs présents une grande disparité de situation, entre le blogueur au conjoint bienveillant mais peu régulier, le blogueur au conjoint relecteur-conseiller-critique assidu, le blogueur cultivant son jardin secret, et enfin le blogueur au conjoint absent (blogueur célibataire, conjoint analphabète, les raisons ne manquent pas).

Une constante tout de même, déjà évoquée ici : parmi tous ces profils différents, le conjoint du blogueur ne laisse jamais, jamais de commentaire (ou extrêmement rarement).

Les blogueurs et leurs enfants

Bizarrement, les blogueurs ne souhaitent pas tellement voir leur blog lu par leurs propres enfants, soit qu'ils n'en aient pas, soit qu'ils craignent que leurs enfants n'y apprennent que la petite souris n'existe pas, soit qu'ils redoutent que leurs rejetons ne révèlent l'existence du blog maternel ou paternel à leurs camarades de classe (par exemple, au fils de Xavier).

Les blogueurs et les futurs blogueurs

Pour un blogueur, l'humanité semblerait se partager en deux catégories : les blogueurs et les futurs blogueurs. Nous nous sommes lamentés à plusieurs reprises à l'écoute d'anecdotes croustillantes qui auraient fait des billets fabuleux que leurs auteurs, par négligence ou fausse modestie, se refusent à livrer à leurs contemporains. Je pense notamment aux anecdotes de Jeanne (et de sa sœur jumelle), aux amis bizarres de Gustave et de sa fiancée, et à la chef de Gustave qui mériterait à elle seule un blog tout entier (bon courage, Gustave!). Je ne peux que réitérer l'appel pressant qui leur a été lancé au cours de la soirée : jetez-vous à l'eau, ouvrez un blog (ou un deuxième blog) !

Les blogueurs et la culpabilité

Les blogueurs sont unanimes : bloguer doit rester un plaisir, une détente, et certainement pas une contrainte supplémentaire dans leurs vies bien remplies. Pourtant, beaucoup reconnaissent concevoir malgré eux des remords lorsque le temps ou l'inspiration leur faisant défaut, ils délaissent leur blog quelques jours, voire quelques semaines...

Les blogueurs et le malheur

Le blogueur possède un net avantage sur les non-blogueurs, à savoir que quelle que soit l'étendue de sa détresse (trajet mal accompagné, anniversaire d'enfants, artiste en butte aux critiquesdifférend ménager...), il a un sujet de satisfaction intense dans la perspective du billet qu'il pourra bientôt en tirer.

 

Rassurez-vous, nous autres blogueurs sommes aussi gens ouverts – je me répète – et nous avons abordé bien d'autres sujets, comme la sociologie des lignes de métro parisien, le montage de meubles ikea, le réchauffement climatique, la différence entre raid pâtissier et tournée pâtissière (la nuance est de taille), et la violence éducative (cherchez l'intrus).

Ce fut donc une excellente soirée, de celles qui font attendre impatiemment la prochaine, et qui, de plus, me donne l'occasion de renouer avec ce blog un peu délaissé ces deux dernières semaines (ce qui, vous l'aurez compris maintenant, commençait sérieusement à me ronger de remords).

Un immense regret toutefois, avec une pensée émue pour ce grand absent que, pour beaucoup d'entre vous, vous connaissez par blog interposé et qui nous a tant manqué samedi : le ficus de Ginger qui suit actuellement une petite cure de remise en forme chez la maman de Ginger.

 

 

plante grasse

En guise de consolation :
la plante grasse de Ginger

 

 

Rendez-vous sur Hellocoton !

dimanche 6 octobre 2013

Talon d'Achille

Il y a toujours plusieurs raisons de regretter d'avoir accepté un peu vite une invitation à dîner :

  • dans certains cas, vous pouvez craindre, à juste titre, de vous ennuyer mortellement (ne comptez pas sur moi pour passer une nouvelle soirée avec les Désert), ou, pire, de n'avoir rien à vous mettre sous la dent.

  • souvent, au moment-même où vous confirmez définitivement votre venue, votre mémoire vous rappelle soudain combien vous allez souffrir le lendemain matin, en vous levant aux aurores en même temps que vos enfants après de trop courtes heures de sommeil, la tête lourde, la langue pâteuse, le teint cireux, avec la désagréable impression, éventuellement, d'avoir un peu abusé de la tireuse à bière.
  • au moment de vous préparer, quand vous serez en proie à de douloureuses hésitations sur le style vestimentaire à adopter (chic ? décontracté ? chic décontracté ?), vous vous rendrez compte que vous n'avez rien à vous mettre, à moins de porter la même tenue que la fois précédente, ce qui constitue, bien-sûr, un impair à ne jamais commettre.

Samedi soir, nous étions reçus pour la soirée, et, quoique ne craignant pas trop de m'ennuyer (puisque Xavier et son épouse faisaient aussi partie de la liste des invités), et tâchant de ne pas penser au réveil douloureux du lendemain matin, je me trouvais fort embarrassée face à mon armoire devant laquelle je tentais difficilement de trouver la tenue adaptée à l'événement.

Dans cette incertitude pénible, une chose me réconfortait heureusement : j'avais déjà choisi mes chaussures – une paire toute neuve d'escarpins à talons hauts un peu pointus.

J'ai fini par enfiler une robe et, l'heure avançant, nous sommes partis, avons déposé les enfants chez leurs grands-parents chez qui j'ai fait attention à me déchausser, me souvenant de la controverse familiale sur le risque de poinçonnement du parquet par des talons trop fins, et nous sommes arrivés, à peine un peu en retard, chez Marie-Anne et Stéphane, nos hôtes.

La soirée a très bien commencé. Xavier, en plein ré-emménagement dans sa maison incendiée à nouveau habitable, me dressait, l'air sombre évidemment, la liste des travaux restant à effectuer, tandis que je sirotais un verre de Pouilly en observant distraitement les trente ou quarante autres invités présents, debout comme nous un verre à la main.

Jusqu'à ce que j'avise Marie-Anne, plantée à deux ou trois mètres de moi, regardant fixement en direction de mes jambes. Aurais-je eu la prétention de croire qu'elle en admirait la plastique, son air soucieux m'aurait aussitôt détrompée. Marie-Anne ne détournait pas le regard de mes pieds.

Xavier, qui ne s'est pas rendu compte de mon trouble, continuait à évoquer alors la pose d'un nouveau placard au premier étage. Je fixais désespérément le fond de mon verre, car j'avais déjà compris : Marie-Anne craignait que mes talons pointus ne causent des dégâts irréparables à son parquet ancien.

Je la vis d'ailleurs se rapprocher de mon mari, qui bavardait un peu plus loin, et lui adresser quelques mots, pointant un doigt accusateur dans ma direction.

J'étais déjà devenue plus rouge que le Côte du Rhône de Xavier. Marie-Anne était en train de demander à mon mari si je pouvais me déchausser, m'obligeant à passer le reste de la soirée pieds nus, ou peut-être dans de vieilles pantoufles (trouées, sans doute) qu'elle m'aurait passées pour l'occasion. Jamais je n'avais vécu un tel cauchemar ni une telle humiliation (si ce n'est le jour où j'avais perdu une sandale en plastique dans la vase d'un lac de montagne et où j'avais dû rentrer à pied avec une seule chaussure).

Marie-Anne et mon mari s'approchent de nous. Mes doigts se crispent sur le pied du verre pour dissimuler le tremblement dont ils sont pris soudainement.

- J'aurais un service à te demander...

Je dois rêver, c'est à Xavier que Marie-Anne semble s'adresser.

- Peux-tu nous aider à déplacer la table basse ?

Je me retourne et avise juste derrière mes talons le lourd meuble bas qui encombre le salon et que Xavier, avec l'aide de mon mari, guidé par Marie-Anne, entreprend aussitôt de transporter dans le garage.

Restée seule avec mon verre de vin, je fixe machinalement mes pieds, puis, relevant fièrement la tête, j'avise un groupe d'invités à l'autre bout du salon. Je les rejoins d'un pas ferme et assuré, mais un peu sur la pointe des pieds tout de même...

On ne sait jamais.

talons.JPG

 

Rendez-vous sur Hellocoton !

dimanche 22 septembre 2013

Des nouvelles de... Xavier

Vous avez été nombreux à me demander des nouvelles de Xavier, et je ne saurais rester sourde à vos appels pressants... d'autant que j'ai eu la chance de discuter avec lui depuis la rentrée scolaire.
Vous vous souvenez certainement de Xavier, de son air éternellement tracassé, de sa propension à se sentir chaque jour « comme un lundi », de ses contrariétés à l'approche des dernières fêtes de Noël, et surtout de l'incendie qui a ravagé sa maison en début d'année.
Au fur et à mesure que les semaines ont passé depuis le mois de janvier, j'ai trouvé à Xavier, que je croise régulièrement à l'école où deux de nos enfants fréquentent la même classe, l'air de plus en plus sombre, les traits de plus en plus tirés, la silhouette de plus en plus voûtée par les soucis et les retards dans les travaux de restauration de sa maison incendiée.
Il y a quelques jours, début septembre, je rencontre Xavier au parc où il surveille ses deux enfants après l'école.
Il fait beau, le week-end approche, je me souviens que Xavier et sa famille avaient le projet d'emménager dans leur maison peu après l'été, à une date qui me semble devoir approcher. Je risque un :
- Comment vas-tu, Xavier ?
Je n'aurais pas dû : Xavier a l'air exténué et totalement démoralisé. J'imagine que les travaux ont pris du retard et que, à l'heure actuelle, il désespère de pouvoir retourner chez lui avant la fin de l'année. En effet je l'entends soupirer :
- C'est-à-dire que nous ne sommes toujours pas chez nous...
- Ah bon, et il y en a pour combien de temps ?
- Deux semaines.
En fait, tout va bien, mais paradoxalement Xavier semble se sentir de plus en plus mal à mesure que l'heureux dénouement approche. Je prévois une crise d'angoisse le jour de l'emménagement. Mais Xavier continue.
- Au fait, tu es au courant pour le deuxième ?
J'acquiesce : je savais déjà qu'un second incendie avait débuté dans le logement provisoire que Xavier occupe avec sa famille depuis l'incendie de sa maison.
- On n'en a jamais parlé à mon père. Déjà qu'il n'a plus dit un mot pendant deux mois, quand il a appris pour le premier...
Xavier m'a expliqué les raisons de ce mutisme. Si je vous dis que le père de Xavier, à l'âge de dix-huit ans, a perdu ses propres parents dans l'incendie qui ravagea leur maison, vous ne me croiriez pas.
Et pourtant... c'est vrai.


Rendez-vous sur Hellocoton !

jeudi 19 septembre 2013

Rentrée : quelques nouvelles

Voilà, la rentrée est derrière nous, les vacances presque oubliées ainsi que le beau temps, les bronzages s'effacent et les jours raccourcissent... mais quelle joie pour chacun de nous de retrouver ceux et celles qui peuplent notre vie quotidienne et que nous avions, il faut bien le dire, un peu oubliés pendant l'été. Voici quelques nouvelles essentielles du côté de chez Albane...

 

  • Vous vous souvenez peut-être de mon boulanger, celui qui me disait toujours « bon courage » quand je venais chercher du pain. Une nouvelle ère s'est ouverte pour mes relations avec les commerçants du quartier : la boulangerie en question a changé de propriétaire et, avec lui, de décor, de devanture, de nom, de disposition intérieure et de personnel. Sauf que le nouveau boulanger, aussi grand et mince que le précédent était petit et rond, m'a souhaité, lui aussi, le plus naturellement du monde : « bon courage ! » C'est une nouvelle formule de politesse, ou bien j'ai vraiment l'air d'avoir besoin d'encouragements ?

 

  • Emmanuelle a perdu du poids ! Vous ne connaissez pas Emmanuelle, je la connais à peine, mais lorsque je l'ai vue il y a quelques jours descendre du métro chargée de petits sacs de boutiques de vêtements, elle m'a expliqué qu'elle venait de faire les magasins. « Parce que, a-t-elle rajouté sur le ton de la confidence avec une fierté à peine dissimulée, tu vois... j'ai perdu quelques kilos. » Visiblement c'était important pour elle que je le sache, alors j'ai pensé qu'elle serait heureuse que vous le sachiez aussi. C'est chose faite.

 

  • Ma voisine hypocondriaque se porte pour le mieux (à part de fortes migraines). Elle vient d'inscrire son fils de six ans à la piscine le mercredi matin à 9 heures. Tous les mercredis matin, elle le réveillera à 6 heures pour lui faire prendre son petit déjeuner, ensuite ils se recoucheront un moment avant de se lever à nouveau pour le cours de natation, afin de laisser passer les trois heures recommandées (par on ne sait pas qui, ni pourquoi, d'ailleurs) entre son petit déjeuner et sa baignade. Quand je pense que cet été mes enfants ont pris des bains de mer juste après leur goûter, j'en ai des sueurs froides rétrospectives.

 

  • Avec la rentrée, de nouveaux voisins se sont installés dans notre immeuble. Et qui dit nouveaux voisins dit nouveau paillasson... Je vous laisse admirer :

 

paillasson-chat.jpg

 

 

Et vous, cette rentrée ?

 

Rendez-vous sur Hellocoton !

mercredi 11 septembre 2013

Dame Nature

Un mardi après-midi du mois d'août, ou peut-être un vendredi du mois de juillet – qu'importe – mais quelques jours en tout cas après le petit lapin gris, dans un autre jardin champêtre, à l'ombre de grands arbres centenaires, les enfants s'amusent jusqu'à ce que l'un d'eux remarque, dissimulés dans les taillis, les petits points rouges que forment, sur la verdure des fourrés, des fraises des bois écarlates.

La cueillette s'improvise, et les baies rouge vif s'accumulent dans le petit sac en plastique de fortune que j'ai trouvé au fond de mes affaires. Aucune ne sera oubliée, ni les plus discrètes cachées sous les feuilles, ni même les plus lointaines inaccessibles depuis le chemin, ni encore les plus petites et sans doute les plus savoureuses ; et en soupesant le fruit de notre récolte, nous pensons avec bonheur au délicieux dessert qu'elle formera, en louant d'une même voix

 Dame Nature la généreuse.

 

De retour à la maison, je renverse le butin dans une passoire où je rince délicatement les fruits cramoisis. Par hasard j'avais préparé des panacottas bien fraîches pour le dîner, et, les baies sauvages lavées et égouttées, je les dispose sur les coupes à dessert, non sans pouvoir m'empêcher d'en goûter une au passage.

Elle n'a quasiment aucun goût.

J'en goûte une seconde. Une troisième. Elles n'ont aucun arôme, rien du parfum doux, sucré et savoureux auquel je m'attendais. Assurément, malgré leur grande ressemblance, il ne s'agit pas de fraises des bois.

Je n'ai d'autre choix que de servir avec nos panacottas un peu de confiture de fraise et à jeter à regrets les baies insipides, cueillies alors que nous ignorions encore quel tour pendable nous réservait

 Dame Nature la farceuse.

 

Je pâlis tout à coup. Et si ces clones de fraises des bois étaient toxiques ?

D'un pas hâtif et le cœur battant, je laisse là ma cuiller de confiture et les enfants encore tout étonnés, et je m'en vais consulter mon ami wikipedia qui, m'informant aussitôt, un peu pédant, de ma méprise entre le Fragaria vesca et le Duchesnea indica, autrement dit entre le fraisier des bois et son indigne imitateur, le fraisier des Indes, me rassure sur le fait que les fruits du second, aussi dépourvus de parfum soient-ils, ne présentent aucun risque pour la santé.

Et c'est un soupir de soulagement que je pousse en me réjouissant de ne pas m'être frottée, dans cette mésaventure, aux sournoises attaques de

Dame Nature la vénéneuse.

 

 IMG_4072-copie-1.JPG

Elles avaient pourtant l'air bonnes...

 

Rendez-vous sur Hellocoton !

dimanche 8 septembre 2013

Un an

Quatre saisons et, un an après, les mêmes feuilles un peu jaunissantes sur les arbres, le même soleil au ciel, la même herbe verte au sol. La même nappe sur la table, le tic-tac de l'horloge, les mêmes oiseaux dans les ramures.
Rien n'a changé, ou si peu : quelques feuilles toutes neuves à la plante grimpante, les bougies un peu raccourcies dans le chandelier, les mêmes reflets dans les miroirs – peut-être, pour certains, une ride un peu plus marquée, mais à peine.
Un an, trois cent soixante cinq jours – un clin d’œil, un battement d'aile dans la course du temps.
Un battement d'aile dans la course du temps, et une petite personne plantée sur ses deux jambes que l'on croirait avoir toujours connue. 
 
IMG_4537.JPG
La vie en rose, en marche...
 
 
 
 
Rendez-vous sur Hellocoton !

mercredi 4 septembre 2013

Il faut sauver le petit lapin gris

Un lundi matin du mois de juillet (ou peut-être était-ce un jeudi du mois d'août – mais qu'importe).

Un jardin public en pleine ville, un soleil qui chauffe déjà fort malgré l'heure matinale, peu de monde à part mes quatre enfants qui s'amusent sous ma surveillance.

10h37 : depuis le banc où je suis assise, deux policiers municipaux traversent mon champ de vision en parcourant l'allée principale du parc.

10h41 : « Maman, tu as vu, l'un des deux policiers portait un petit lapin dans ses mains. » Par habitude j'accorde une attention légère à ces propos, ayant déjà entendu parler auparavant d'un squelette enterré sous le toboggan, d'un voleur caché dans un arbre et d'un crocodile tapi dans les égouts.

10h43 : retour des deux policiers municipaux. Au temps pour moi : l'un d'eux porte effectivement un petit lapin gris dans les bras.

« Vous avez un jardin, Madame ? Vous ne voudriez pas adopter ce lapin ? »

Je n'ai pas de jardin et guère l'envie d'adopter un quelconque léporidé à quelques jours de mon départ en vacances, n'en déplaise à mes enfants qui accourent assister à la conversation.

« On l'a trouvé dans la rue, on voulait le laisser dans le jardin, mais il nous suit. »

« Cela doit être un lapin domestique, ajoute l'autre policier. Si on le laisse, il va se faire dévorer par un rat ou écraser par une voiture. »

« Qu'est-ce qu'on va bien pouvoir en faire alors ? »

10h48 : Les tergiversations policières se poursuivent quand soudain bondit une dizaine de puces sur le bras de l'agent en train de caresser la fourrure du lapin.

« Bon sang ! » s'exclame le policier en lâchant l'animal à terre.

10h52 : La décision est prise. Il faut sauver le petit lapin gris.

« J'appelle le PC. »

Le policier dégaine son talkie-walkie qui grésille en s'allumant.

« Allô PC, vous me recevez ? »

« 5 sur 5 Brigadier, je vous écoute ».

« On a un gros problème. Un petit lapin gris. »

« Un petit lapin gris ? »

« Ouais, on voulait le relâcher mais c'est un lapin domestique, il va se faire dévorer. Et puis il est plein de puces. »

« Je vois. Il faut sauver le petit lapin gris. J'en parle au chef, je vous rappelle. »

10h54 : Après quelques instants, le talkie-walkie grésille à nouveau.

« Brigadier, ici le PC. Bon, le chef a décidé, vous allez conduire le lapin chez un vétérinaire. »

« OK, mais on fait comment, il est plein de puces ? »

10h56 : Décision est prise d'aller demander un carton vide dans l'un des immeubles de bureaux d'à côté. Pendant ce temps le petit lapin gris et ses puces prennent du bon temps sur la pelouse.

11h03 : Retour de l'agent de police muni d'un carton et de son couvercle.

« Je leur ai dit : il faut sauver le petit lapin gris. Ils m'ont trouvé une boîte vide. »

11h04 : Au mépris du danger, l'un des agents s'empare courageusement du lapin qui se laisse enfermer dans la boîte en carton.

« Est-ce qu'il va mourir ? » me demande l'un des enfants.

11h06 : Les deux policiers sortent du jardin public, portant leur précieux chargement, les talkies-walkies rangés à leur ceinture, le pas lent et la démarche grave.

On a sauvé le petit lapin gris.

 

lapin-gris.jpg

 

 

 

 

Rendez-vous sur Hellocoton !

dimanche 1 septembre 2013

Montagne / Bretagne, le match de l'été

Les vacances scolaires sont sur le point de se terminer et la rentrée occupe tous les esprits : il est grand temps pour moi de vous faire part de mes conclusions personnelles sur la période estivale, et, comme j'aime les matchs, particulièrement l'été – c'est sans doute mon passé de spectatrice assidue d'Intervilles qui resurgit en cette période de l'année – , je vous propose de compter les points entre les deux régions qui ont formé le cadre de mes séjours de villégiature (sans la vachette, hélas, mais avec un crapaud et beaucoup de chèvres) :
 
Bretagne VS Montagne


  • Pour commencer par le commencement, notons que le trajet pour la Bretagne est ponctué d'embouteillages aux péages d'autoroute engorgés par l'affluence de véhicules, remorques et caravanes. Au contraire, les autoroutes menant en montagne sont d'une parfaite fluidité (ou presque), l'idée bizarre de passer des vacances d'été en altitude ne germant que dans une minorité de cerveaux. Avantage : Montagne.
Bretagne : 0Montagne : 1
  •  
  • Kouign Amann, gâteau breton, crêpes au nutella VS saucissons secs, fromages fermiers, tartes au myrtilles : deux régimes du meilleur aloi pour écarter définitivement tout risque de flotter dans son maillot de bain. Égalité.
Bretagne : 1Montagne : 2
  •  
  • En montagne, il peut faire très beau et très chaud, mais il peut aussi pleuvoir toute la journée à grosses gouttes et sans interruption. De plus, au bout de deux jours de pluie, la température descend en dessous de 12 degrés. En Bretagne, on a rarement de journée pluvieuse sans un rayon de soleil, et peu de journées ensoleillées sans une légère averse, quant à la température, elle varie peu autour des 20 degrés. Égalité.
Bretagne : 2
Montagne : 3


  • En Bretagne, vous offrez votre tournée de langoustines lorsque la température de l'eau dépasse 19 degrés. En montagne, vous frissonnez lorsque la température du lac descend au-dessous de 22 degrés. Avantage : montagne. (Je sais, je suis un peu de mauvaise foi, il y a des lacs de montagnes dont l'eau est glaciale... mais pas tous!)
Bretagne : 2
Montagne : 4


  • En Bretagne, et plus généralement en bord de mer, personne ne vous regardera de travers si vous vous en tenez à un emploi du temps du type : grasse-matinée / plage / barbecue ou crêperie. En montagne en revanche, si, en l'espace de 24 heures, vous n'avez pas effectué au moins 600 mètres de dénivelé, un saut en parapente et une descente en VTT pour terminer par quelques longueurs dans un lac ou une piscine, vous serez pris pour un dangereux psychopathe aux mœurs douteuses. Dans le cas où vous souhaiteriez surtout profiter du paysage, de l'air pur et des sentiers en pente douce, et que les seules descentes que vous pratiquez sont celles de vos bouteilles de vin de pays, vous êtes prévenu ! Avantage : Bretagne.
Bretagne : 3Montagne : 4


  • Corollaire du point précédent : en Bretagne, vous passerez inaperçu au milieu des autres vacanciers en portant vos vêtements habituels. En montagne au contraire, l'uniforme de rigueur est le suivant : chaussures de randonnée (tongs après dix-huit heures, heure de la fermeture des remontées mécaniques), short, T-shirt, sac à dos (le tout dans des couleurs criardes si possible). J'ai dû voir quatre jupes et un sac à main durant tout le séjour (les miens). Avantage : Bretagne.
Bretagne : 4Montagne : 4


  • Au point de vue sanitaire, les maux de tête sont garantis en montagne. Je vous explique (il ne s'agit pas du mal de l'altitude) : en montagne, les toits sont en pente, climat hivernal oblige, et lorsque vous logez dans un appartement en soupente vous vous heurtez inévitablement une bonne douzaine de fois au moins contre le plafond particulièrement bas. En Bretagne, évitez le son du biniou qui peut produire les mêmes effets. Égalité.
Bretagne : 5Montagne : 5
 
C'est donc sur une égalité parfaite que s'achève ce match de l'été. J'espère que vous avez tous passé d'excellentes vacances, et, avant de vous souhaiter une bonne rentrée, je laisse (une fois n'est pas coutume), l'un de mes enfants illustrer ce billet avec le dessin de son meilleur souvenir de vacances :
 
saucisson montagne
Soleil, mer, montagne et saucisson sec
 
Bonne reprise à tous !
 
 
 
Rendez-vous sur Hellocoton !

mardi 27 août 2013

La dernière balade

C'était il y a quelques jours, si loin là-haut dans ces montagnes où j'ai passé mes vacances.

Il est encore tôt ce matin-là, c'est d'ailleurs, dit-on, le meilleur moment pour ceux qui partent en promenade. Nous chargeons la voiture, nous avons tout pris, le pique-nique, les chapeaux de soleil, et tout le reste.

L'air est si pur et si léger, d'une fraîcheur si vivifiante ; il se respire à pleins poumons, tout chargé des parfums des fleurs, des foins et des sapins. Avant de monter en voiture, j'écoute encore un peu le silence des montagnes, un silence qui bruisse de mille sons : le chant des grillons, la musique du torrent qui dévale la vallée, les cloches des troupeaux là haut dans leurs pâturages.

Et nous partons.

Le soleil se lève derrière le versant à l'ombre, l'une après l'autre les cimes des sapins s'allument, touchées par les rayons de plus en plus hauts, tandis que sur le versant opposé, les verts alpages baignent déjà dans une lumière dorée où s'allongent les ombres rasantes des arbres et des pins. Des massifs les plus abrupts la lumière semble tomber comme en cascade, plus loin les monts bleutés et pâles découpent leur silhouette imprécise sur un ciel encore clair et uniformément bleu.

La route déroule ses lacets entre les villages endormis et les prairies brillantes de rosée. Je devine, sur un côteau, ce chemin où nous avions croisé un troupeau de chèvre, plus haut, caché derrière les sapins, le lac où nous nous sommes baignés, et, là-bas, ce jardin où notre fille vient de faire ses premiers pas.

Rapides nous filons vers les lointains brumeux, déjà nous amorçons la descente. Insensiblement, le paysage s'ouvre et s'adoucit ; la ville, blottie en contrebas au pied de la vallée, déploie ses rues et ses quartiers, et tandis qu'elle se rapproche, s'éloignent les sommets qui disparaissent derrière nous, inaccessibles, le temps d'un dernier coup d'oeil à leurs verts alpages, à leurs roches vertigineuses, à leurs neiges éternelles.

Nous ne nous retournerons plus ; bientôt nous aurons rejoint les platitudes de notre région et repris le cours paisible et coutumier de notre vie, tandis que très loin, là-haut, immuables et millénaires, les montagnes dessineront pour l'éternité les reliefs accidentés de leurs sommets escarpés.

Elles m'attendent, et nous reviendrons.

 

montagne-aurore.JPG

 

 

Rendez-vous sur Hellocoton !