dimanche 6 septembre 2015

Mission accomplie

Faire se préparer rapidement les enfants, descendre à l'arrêt de bus, se dire de ne pas se tromper de ligne, monter dans le bus qui arrive, se rendre compte trois arrêts plus loin qu'on s'est quand-même trompé de ligne, faire appel à ses très vagues souvenirs de la topographie de la ville, descendre au terminus, chercher la correspondance pendant cinq minutes sur la place, monter dans un deuxième bus, vérifier qu'on part dans la bonne direction, descendre à destination dans un quartier inconnu, y chercher le centre commercial, trouver l’ascenseur, faire l'achat prévu (sans oublier plan de la ville, ça pourrait servir), chercher l'arrêt de bus (celui de la ligne qu'on aurait dû prendre à l'aller), monter dans le bus (sans erreur cette fois), ramasser les tickets tombés par terre, mettre le frein à la poussette, installer sa fille sur un siège, récupérer sa fille qui hurle de terreur parce qu'une vieille dame s'est assise à côté d'elle, entendre une grande clameur dans le bus et apercevoir en se retournant la poussette renversée, roues en l'air et bébé en dessous, remettre à l'endroit l'enfant cascadeur (qui ne s'est rendu compte de rien), tâcher de ne pas manquer l'arrêt auquel il faut descendre, pousser le portillon, essayer trois clés avant de trouver celle de la boîte aux lettres, ouvrir la porte d'entrée, poser ses affaires – et souffler de fierté en sortant le précieux sésame du sac de courses...

…le petit cahier de dessin oublié dans la liste des fournitures scolaires.


mardi 1 septembre 2015

Riche

Il y a une quinzaine de jours, j'avais emmené les enfants dans un supermarché à proximité de notre nouveau chez-nous, afin d'effectuer quelques petites courses.

D'ordinaire, lorsque je me promène avec mes cinq enfants, je suis abordée au moins une ou deux fois dans les rues ou les rayons des magasins par des commerçants ou des passants qui me demandent invariablement s'ils sont tous à moi, si certains sont jumeaux (voire triplés, pour les mieux inspirés), et, souvent, me félicitent pour cette belle descendance (la quantité tenant peut-être lieu de qualité, peut-être ?).

Mais cette fois, la conversation n'a pas suivi exactement le même cours. La cliente qui m'a interpellée dans le magasin, alors que j'étudiais avec concentration le rayon des chipolatas-merguez, me demandant s'il valait mieux les acheter par douze ou par vingt, a bien commencé par me demander « s'ils sont tous à vous ? ». C'était une femme aux traits fins, d'une soixantaine d'années, et je lui ai répondu positivement.

          - Vous êtes riche, m'a-t-elle alors affirmé d'un ton à la fois doux et convaincu.

C'était la première fois que je me l'entendais dire. Puis elle m'a raconté, avec une nuance de mélancolie dans le regard, que ses deux petites-filles vivent aux États-Unis, et qu'elle venait de leur envoyer un petit livre glissé dans une enveloppe tout juste déposée par elle à la Poste.

          - Vous êtes riche, a-t-elle répété avant de poursuivre son chemin, vous êtes très riche.


Et je suis repartie, les bras chargés - comme toujours lorsque je pars pour de « petites courses » - d'énormes sacs, prête à remplir mes placards, ayant vidé mon portefeuille, avec mes cinq bouches à nourrir, toute ma richesse qui me suivait sur ses dix jambes.  


vendredi 28 août 2015

Grand départ

Ce soir, pour la dernière soirée, nous avons dîné sur la terrasse. Une montgolfière blanche et bleue, s'élevant dans l'azur limpide, est passée, majestueuse, au dessus du jardin. Les montagnes se sont embrasées, encore une fois, sous les rayons roses du soleil couchant, et, insensiblement, l'obscurité a emporté dans son ombre l'herbe verte et les trèfles roses des champs, les chemins blancs caillouteux, les douces courbes des vallons, les forêts sombres et les bois noirs, les roches abruptes des sommets et les fermes paisibles de la vallée.

C'est la fin des vacances... et demain nous partons.

Il y a trois semaines, pour la dernière soirée, nous avions emmené les enfants dîner au restaurant. Nous avons terminé les derniers rangements, puis, pour la dernière fois, nous avons éteint les lumières, livrant à l'obscurité l'appartement méconnaissable, presque dix ans de notre vie empaquetés dans des piles de cartons amoncelés par dizaines entre les meubles vidés, tout le décor de notre existence – tous nos tableaux, quelques bibelots – posés au bas des murs blancs et froids où ne subsistaient plus que quelques traces poussiéreuses.

C'est la fin d'une époque... et le lendemain nous déménagions.

La rentrée qui s'annonce sera cette année différente. Demain nous rentrons chez nous, dans un chez nous qui n'est le nôtre que depuis quelques jours, à peine quelques semaines, à quelques centaines de kilomètres du précédent, un chez-nous un peu familier mais encore si étranger, un chez-nous dont le décor ressemble un peu à l'ancien – sur les nouveaux murs blancs les tableaux ont trouvé une nouvelle place – mais un chez-nous tout neuf, un chez-nous encore vierge de souvenirs, un chez-nous qu'il nous reste à connaître, à peupler, et à écrire.


Je n'ai guère été présente ces derniers mois, mais si vous souhaitez suivre mes nouvelles aventures, je me ferai une joie de les écrire pour vous...

dimanche 12 avril 2015

Chassez le naturel...

Pendant les dernières vacances de février, j'ai reçu un texto de l'une de mes amies.

« Veux-tu venir goûter avec les enfants cet après midi ? Je vais faire des crêpes. »

Dans un premier temps, j'ai été contente, parce que j'aime bien cette amie, j'aime bien les crêpes aussi, et je me suis dit que ce serait une bonne idée que mes enfants aillent jouer avec des camarades et accessoirement déranger un autre appartement que le mien juste pour une après midi de cette semaine pluvieuse.

Alors j'ai répondu très vite.

          « Avec plaisir Bénédicte ! On arrive après la sieste »

Mais à peine avais-je envoyé le message j'ai un peu déchanté. Je me suis subitement souvenue qu'il y a deux ans, j'avais déjà été invitée à manger des crêpes chez cette même amie, et que ce qu'elle appelait crêpes, en dépit de toute la gentillesse avec laquelle elle les avait préparées pour nous, ressemblait à une épaisse galette de pâte quasi crue à l'intérieur, quasi brûlée à l'extérieur, et que je n'en avais pas gardé le meilleur souvenir.

Soit. Le texto était parti, les enfants déjà ravis de l'invitation, et avec une bonne couche de confiture on fait passer bien des choses (avec du nutella aussi).

Je me suis donc installée peu après dans la cuisine de Bénédicte pendant que les enfants jouaient sagement dans le salon (j'ai appris ultérieurement qu'ils ont regardé leur camarade jouer sur sa DS pendant une heure...). Bénédicte se tenait, un peu rouge, versant une pleine louche remplie à ras bord d'une pâte plus liquide que de l'eau (ou presque) dans une poêle posée sur une plaque de gaz chauffant à feu très vif, tandis que sur la table une pile de crêpes reposait déjà, encore chaudes, dans une assiette. Épaisses, brunies par la chaleur du feu, mais un peu tremblotantes à l'intérieur, elles ressemblaient trait pour trait à leurs grandes sœurs d'il y a deux ans.

          « Je ne sais pas bien les faire, regarde, elles sont trop cuites ! »

Par politesse – ou serait-ce par lâcheté – j'ai contredit mollement Bénédicte, tout en jetant un coup d’œil réconfortant sur le pot de nutella.

          « Tu as un truc, toi, Albane, pour les réussir ? »

Un espoir s'est levé dans mon cœur. Je n'ai pas grand mérite, ayant appris de source maternelle l'art et la manière de faire sauter les crêpes, mais je suppose que je n'y parviens pas trop mal étant donné qu'elles ont l'heur de convenir à mon breton de mari. Il est vrai que Bénédicte, arrivée d'Espagne à l'âge de vingt-cinq ans, n'a peut-être pas reçu toute la formation nécessaire.

          « Alors tu vois, Bénédicte, ai-je commencé avec tact – mais fermeté (la cause le méritait) – tu prends un peu de pâte, un tout petit fond dans la louche, et tu verses doucement en répartissant une fine couche sur toute la surface de la poêle, une très fine couche, vraiment très fine, et puis tu laisses cuire. Tu surveilles, tu baisses un peu le feu, et hop tu retournes. Tu vois, elle n'est pas trop cuite. Et hop, c'est fini. Mais très fine, la couche.»

C'était gagné. La démonstration était faite. Bénédicte plongea légèrement la louche dans la pâte et en versa une faible quantité sur la poêle qu'elle inclina soigneusement dans toutes les directions pour la répartir uniformément. Sur le feu, moins vif qu'auparavant, la crêpe prit une belle couleur dorée, puis, une fois retournée, fine et appétissante, elle atterrit sur la pile.

          « Au moins, j'ai été utile à quelqu'un, aujourd'hui », ai-je pensé, commençant à me réjouir à l'idée de déguster les crêpes de Bénédicte, nouvelle formule.

Et un sentiment de béatitude s'empara de moi tandis que Bénédicte reprenait la conversation où elle en était.

          « Oh regarde, elle est à nouveau brûlée, celle-là ! »

Je n'avais plus regardé la cuisinière depuis quelques minutes, mais, en effet, je vis Bénédicte verser une louche un peu trop pleine sur un feu un peu trop vif. Cinq minutes plus tard, le feu était au maximum, les louches remplies à ras-bord, et les crêpes à nouveau aussi épaisses que des blinis.

Peut-être ne suis-je pas bonne pédagogue, me suis-je dit, résignée, en étalant une généreuse portion de nutella sur mon blini grillé dehors – cru dedans. Ou peut-être Bénédicte préfère-t-elle les crêpes brûlées dehors, crues dedans – après tout, son mari n'est pas breton, lui.


Mais une chose est sure. L'année prochaine, c'est moi qui invite.  


dimanche 22 février 2015

Super dentaire

Il y a quelques jours, je vous disais que je devais prendre rendez-vous chez le dentiste, tâche que je repoussais depuis plusieurs mois déjà.

Mais la semaine dernière, un événement inattendu a eu raison de mon indécision.

Vous avez peut-être déjà été soigné pour une carie. Mais avez-vous déjà connu la douleur atroce de la carie qui, s'attaquant au nerf même de votre dent, vous empêche de dormir, vous réveille la nuit avec la sensation que votre cœur bat dans votre dent, vous pousserait à n'importe quel crime pour trouver une drogue à même de soulager vos souffrances et vous précipite en pleurant chez votre dentiste pour qu'il fasse cesser au plus vite votre calvaire ?

Quant à moi, j'ai la chance d'ignorer – pour le moment – ces tourments. En effet, ce n'est pas la douleur qui m'a poussée à prendre rendez-vous chez ma dentiste. Non, c'est tout simplement parce que l'une de mes dents s'est cassée sans cause apparente.

Pourtant, lorsque je me suis retrouvée agréablement allongée sur le fauteuil, bouche grande ouverte et les yeux fixant le plafonnier, la dentiste, examinant la molaire abîmée, a diagnostiqué une carie, une simple carie, oui, mais qui avait suffisamment progressé pour atteindre le nerf.

« Vous m'auriez dit que vous ne dormiez plus depuis deux jours, je n'aurais pas été étonnée... », a convenu la dentiste.

Ce qui, dit avec la pudeur du praticien qui constate un phénomène totalement inexpliqué et contraire à l'état actuel de la science et de ses connaissances, signifie :

« Mais bon sang, comment se fait-il que vous ne sentiez rien, c'est absolument inconcevable !»

Et pourtant, je vous promets que je ne ressentais alors pas le moindre petit picotement, ni le plus léger élancement – absolument rien.

J'ai quand-même accepté l'anesthésie locale pour subir les soins nécessaires, et tandis que le dentiste opérait, et que je braquais les yeux vers le plafonnier, bercée par le doux son de l'aspirateur de salive, je commençais à me demander si je n'avais pas tout simplement des super-pouvoirs.

D'ailleurs, la dentiste m'a promis, en récompense, une jolie couronne...

Le seul ennui, c'est que j'en ai au total pour quatre séances à fixer ce magnifique plafonnier...

mercredi 18 février 2015

Rien ne sert de courir

Vous vous souvenez que mes enfants ont été mortellement déçus de ne pas pouvoir participer au cross mettant en compétition les différentes écoles du quartier et des communes avoisinantes.

Ce n'était pas faute de s'être entraînés pendant des semaines au cours d'intensives séances de préparation suite auxquelles ils me faisaient part des conseils avisés de leurs enseignantes.

« Courez tout doucement, les enfants », leur répétaient inlassablement les maîtresses tout au long de la course,  « à toutes petites foulées, il faut pouvoir tenir jusqu'à l'arrivée ».

Elles avaient bien raison, ces maîtresses, des enfants si jeunes auraient pu confondre course de vitesse et course d'endurance. Moi-même, pour ne citer que mon exemple, je les confondais petite dans la même aversion.

Donc mes enfants, ainsi que leurs camarades, s'étaient entraînés pendant des jours et des semaines à courir à petites foulées, tout doucement, sans se presser – art délicat pour certains sportifs en herbe plein d'énergie et amateurs de vitesse.

Le succès fut au rendez-vous : tous les enfants, exceptés les miens, cloués au lit, sont parvenus jusqu'à la ligne d'arrivée.

En revanche, il y a quelques jours, l'une de leurs enseignantes m'a confié son désarroi. D'une façon surprenante, les élèves de l'école de mes enfants se sont fait remarquer par leurs médiocres performances face à leurs concurrents des autres établissements et par leur absence totale sur les podiums. Au point que certains élèves sont allés jusqu'à adresser la réflexion suivante à leur maîtresse :

« Ah bon, parce que c'était une course ? »

Au moins on ne peut plus accuser l'école d'encourager l'esprit de compétition.



Doucement, la tortue, on a dit « DOUCEMENT » !

dimanche 15 février 2015

Le jour où j'ai fait un rêve prémonitoire

Il y a quelques nuits, j'ai fait un rêve prémonitoire. Oui, vous avez bien lu. J'ai vu les faits en songe, et trois ou quatre jours plus tard, ils se sont réalisés de la façon exacte dont ils se déroulaient dans mon rêve.

Cela ne m'était jamais arrivé auparavant, mais j'espère que ce rêve prémonitoire est le premier d'une longue série. Je rêve (c'est le cas de le dire) de prévoir le temps qu'il fera pendant mes prochaines vacances d'été, de savoir à quoi ressemblera mon prochain gâteau d'anniversaire, de connaître le nombre de mes petits-enfants, l'emplacement de mes deux ou trois (ou quatre) futures résidences secondaires, l'âge auquel je serai forcée de porter des lunettes (histoire de m'habituer à l'idée), et si je saurai un jour enfin jouer de la guitare (enfin, dans ce cas, mieux vaut peut-être ne pas le savoir...).

Et puis, vous savez, je me tiens à votre disposition. Si un jour vous souhaitez connaître à l'avance le plat du jour de votre restaurant préféré, le retard exact de votre TGV ou la liste de vos cadeaux de Noël 2025, posez-moi la question, on ne sait jamais, si j'ai une inspiration prophétique, je vous en ferai part immédiatement. Je serai tellement heureuse de vous rendre service.

Mais je me rends compte que je ne vous ai toujours pas raconté mon rêve... Figurez-vous qu'il concerne mon petit dernier, grand bébé de bientôt neuf mois qui dit « ta ta ta » et « ma ma ma », se retourne du dos sur le ventre, et vice versa, et sourit en montrant ses gencives sans dent, mais rouges et gonflées depuis plusieurs semaines.

L'autre nuit, donc, j'ai rêvé que mon fils avait eu sa première dent. Là, comme ça, paf, dans mon rêve, une petite dent avait poussé sur sa gencive gonflée.

Eh bien – vous n'allez pas en revenir – deux jours plus tard, là, comme ça, paf, sans prévenir, mon fils sortait sa toute première dent.

Incroyable, non ?


L'autre jour j'ai aussi rêvé que mon fils faisait ses premiers pas.
Vous pensez que c'est prémonitoire ?


dimanche 8 février 2015

La carte de vœux, le facteur et le petit garçon

C'est l'histoire d'une carte de vœux, qu'un petit garçon prépare dans sa classe, et à qui la maîtresse demande, comme à chacun de ses camarades, d'apporter une enveloppe timbrée à l'adresse de la personne à qui le petit garçon voudra l'envoyer.

C'est l'histoire d'un facteur, que le petit garçon croise souvent en rentrant de l'école avec sa maman, ses frères et sœur, à l'heure du déjeuner, un facteur qu'il ne connaît pas très bien, silhouette pressée juchée sur son vélo, mais dont il reconnaît le sourire sous la casquette qui le protège des intempéries et le son de la voix saluant sa famille, un facteur qu'il a vu une ou deux fois, sur le palier, remettre à sa maman un recommandé ou proposer un calendrier pour l'année à venir, un facteur qui aurait l'âge d'être son grand-père et qui a le regard et le sourire d'un grand-père.

C'est l'histoire d'un gestionnaire qui travaille dans un centre de la Poste, c'est l'histoire de la maîtresse de classe du petit garçon et c'est l'histoire aussi, un peu, de sa maman.

***

Le petit garçon aurait pu choisir, comme ses camarades, d'adresser sa carte de vœux à son grand-père, à sa grand-mère, à un oncle, un cousin, une tante ou un ami. Mais le petit garçon – d'où lui venait cette inspiration ? - décida d'adresser sa carte au facteur de sa maison, dans la rue ***.

La maman du petit garçon, voyant sa ferme détermination, lui remit une enveloppe, sans timbre, ainsi libellée :

« A l'attention de Monsieur le facteur de la rue *** »

Car la maman du petit garçon ignorait l'adresse du facteur dont elle ne connaissait même pas le nom, mais elle se disait qu'un jour elle rencontrerait le facteur, à l'heure du déjeuner, et qu'elle lui remettrait la carte de vœux du petit garçon.

Alors le petit garçon remit l'enveloppe à sa maîtresse.

Un jour la maman demanda au petit garçon s'il rapporterait bientôt la carte et l'enveloppe, pour la remettre au facteur quand il le rencontrerait. Mais le petit garçon lui répondit :

«  Non Maman, la maîtresse a dit qu'elle la donnerait à son mari, et son mari la donnera au facteur. »

La maman en fut un peu étonnée, et puis elle oublia l'enveloppe et la carte, jusqu'au jour où, alors qu'elle traversait la rue avec le petit garçon et ses autres enfants, elle tomba sur le facteur qui, malgré la pluie qui tombait à verses, arrêta son vélo et mit pied à terre.

« J'ai reçu une très jolie carte d'un petit garçon », dit-il.

Et avec chaleur il remercia le petit garçon, avant de filer poursuivre sa tournée.

Le petit garçon souriait, et sous la pluie on voyait son regard pétiller.

Le lendemain, dans la boîte aux lettres, la maman du petit garçon trouva une enveloppe, non timbrée, à l'adresse du petit garçon, et dont l'expéditeur était le suivant :

« Monsieur le facteur de la rue *** »

La maman remit l'enveloppe au petit garçon, et le petit garçon fut tout réjoui d'y trouver une jolie carte où le facteur avait exprimé tous ses vœux pour le petit garçon et sa famille.

Le lendemain, la maîtresse de classe expliqua à la maman du petit garçon que par une extraordinaire coïncidence, son mari, qui était gestionnaire dans un centre de La Poste, avait pu remettre la carte au directeur du facteur, et que le directeur du facteur l'avait donnée au facteur, et que le facteur en avait été très touché, et que ses collègues en avaient été un peu envieux, disant : « Mais quand donc un petit garçon nous écrira-t-il, à nous aussi ? »

Et le lendemain, devant toute la classe, la maîtresse remit au petit garçon une petite voiture en miniature à l'effigie d'un camion jaune de la Poste.

Et le petit garçon en fut extraordinairement fier et ravi, et jamais il n'oubliera le bon facteur de la rue ***, et sans doute, c'est en tout cas ce que se disait la maman, sans doute le facteur se souviendra longtemps du petit garçon de la rue *** qui, une année, lui avait envoyé une carte de vœux.





mercredi 4 février 2015

Xavier : je vais vous en raconter une belle !

« Tu sais que j'ai discuté avec Xavier ? Je vais t'en raconter une belle ! »

C'est en substance ce que m'a déclaré d'un air gourmand mon mari, alors que nous rentrions d'une soirée à laquelle se trouvait également notre fameux ami Xavier.

Vous comprenez combien cette entrée en matière m'a instantanément tenue en haleine, et, pensant à vous, chers lecteurs, dont je connais l'attachement pour le personnage de Xavier et ses multiples aventures, j'ai immédiatement commencé à rédiger intérieurement le billet qui allait vous rendre compte de la dernière d'entre elles :

« Tu sais que j'ai discuté avec Xavier ? Je vais t'en raconter une belle ! »

C'est en substance ce que m'a déclaré d'un air gourmand mon mari, alors que nous rentrions d'une soirée à laquelle se trouvait également notre fameux ami Xavier...

« Tu ne vas pas en revenir ! » a poursuivi mon mari, d'un air réjoui, très prometteur, pendant que dans mon for intérieur je poursuivais en parallèle la transcription de la conversation pour mon blog.

« Tu ne vas pas en revenir ! » a poursuivi mon mari, d'un air réjoui, très prometteur.

« Eh bien figure-toi que Xavier m'a raconté la chose suivante : la semaine dernière, un soir, il est monté dans la salle de bain à l'étage... Attends, au fait, tu n'as pas oublié le parapluie ? »

« Eh bien figure-toi que Xavier m'a raconté la chose suivante : la semaine dernière, un soir, il est monté dans la salle de bain à l'étage...(réplique du parapluie coupée au montage – sans intérêt pour mes lecteurs)
« Son fils venait de se laver les dents ».

« Son fils venait de se laver les dents ». (Il va falloir que je trouve un bon titre !)

« Sauf que ce dernier avait oublié de fermer le robinet... »

« Sauf que ce dernier avait oublié de fermer le robinet... » (Xavier à la salle de bain ? Non, mauvais.)

« Il y avait de l'eau partout, ils ont dû refaire toute la salle de bain ! »

« Il y avait de l'eau partout, ils ont dû refaire toute la salle de bain ! » (Excellent ! Voilà qui va plaire à mes lecteurs. Après le feu, l'eau...)

« Non ! Ce n'est pas vrai ! », me suis-je écriée.

(Réplique plate coupée au montage)

Mon mari s'est mis à rire. « Mais non, ce n'est pas vrai ! Je t'ai bien eue, non ? »

Mon mari s'est mis à rire. « Mais non, ce n'est pas vrai ! Je t'ai...

Silence intérieur. Fin de la transe littéraire. Extinction de la flamme bloguesque. Énorme déception. Il y a des plaisanteries qui ne se font pas, tout de même.

« Non, en fait, j'ai discuté avec Xavier, mais il ne lui est rien arrivé de spécial ».

Tout ça pour ça. « Xavier, rien de spécial ».

Remarquez, en soi, c'est déjà une nouveauté...


Comme quoi, il suffit d'un rien pour écrire un billet...


dimanche 1 février 2015

Surmené

On évoque souvent le surmenage des mères de famille, vous savez, celui qui vous guette entre la pile de linge sale et celle du raccommodage, et qui vous empêche de trouver le temps de vous vernir les ongles ou de publier aussi souvent que vous le souhaiteriez sur votre blog.

Mais le surmenage des pères de famille existe bel et bien, lui aussi.

J'en veux pour preuve le cas de Rémi. Rémi et sa femme sont des amis que nous avons rencontrés à l'école de nos enfants. Rémi a fondé une petite société installée tout près du lieu de travail de mon mari, aussi leur est-il déjà arrivé de déjeuner ensemble un jour de semaine, et récemment, mon mari a proposé à Rémi de le retrouver à nouveau dans un restaurant du coin.

Pendant plusieurs jours, aucune nouvelle de Rémi. Puis, au bout d'une ou deux semaines, il a laissé un message un peu embarrassé sur le téléphone de mon mari.

« Oui, bonjour, c'est Rémi... Je suis désolé, j'aimerais beaucoup te retrouver pour déjeuner (petit rire étouffé un peu gêné) mais je suis débordé. Je n'ai pas arrêté en janvier, février va être pire, j'espère que mars sera plus facile (petit rire étouffé un peu gêné). Disons que je te rappelle en avril ? (petit rire étouffé toujours aussi gêné) »

Rémi, vous l'aurez deviné, est un homme très sympathique mais un peu timide et assez réservé. Il marche la tête penchée un peu en avant, comme s'il voulait se faufiler dans le monde sans trop le déranger à son passage.

Quand mon mari, un peu déconcerté, m'a fait entendre le message, forte de ma longue expérience, j'ai tout de suite posé un diagnostic aussi sûr que perspicace :

« Je crois que Rémi est un peu surmené, tu sais. »

Le lendemain matin, j'étais en retard d'une ou deux minutes pour aller chercher mes enfants à midi lorsque j'ai croisé Rémi, la tête légèrement penchée en avant, qui sortait de l'école en tenant les siens par la main. Il était si pressé que j'ai à peine eu le temps d'apercevoir la nuance toujours un peu timide de son sourire.

Mais, cinq minutes plus tard, arrivée dans la cour de l'école, j'ai eu la surprise de voir Rémi, que je croyais déjà loin, surgir à nouveau, le buste penché en avant et la tête rentrant légèrement dans les épaules, et se faufiler vers la classe de Petite Section devant laquelle l'enseignante lui adressait de grands gestes de la main.

« Je crois que Rémi est totalement surmené, tu sais » ai-je affirmé à mon mari le soir même, lui confirmant mon diagnostic de la veille.


J'en voulais pour preuve le fait que Rémi, à l'école, quelques heures plus tôt, avait failli repartir avec ses deux aînés en oubliant son petit dernier.

Le travail c'est la santé...


dimanche 25 janvier 2015

Tout vient à point...

J'en ai rêvé toute mon enfance, et toute mon adolescence – jusqu'à ce qu'en passant mon bac j'échappe au châtiment annuel. Pendant des années j'ai prié le Ciel, j'ai supplié, j'ai tenté la méthode Coué, j'ai espéré contre toute attente une délivrance providentielle. J'aurais été prête à tout : une fracture du tibia, une peste bubonique, un accident de la route, une tornade force 10 s'abattant sur la maison, un enlèvement par des extraterrestres.

Mais jamais, ô grand jamais, pas une seule année je n'ai réussi à être dispensée de participer à la grand-messe sportive des différents établissements scolaires que j'ai fréquentés. Chaque année, il m'a fallu revêtir un T-shirt informe et un short inélégant, m'aligner parmi une masse d'élèves aussi mal vêtues que moi mais souvent plus sportives, et obtenir, rouge et en sueur, soufflant et peinant, un piètre classement au cross de l'école primaire. Puis au cross du collège. Et enfin au cross du lycée.

Ces mauvais souvenirs sont désormais derrière moi, et croyez bien que tous les désagréments de ma vie d'adulte sont peu de choses face au calvaire du cross annuel – à part peut-être l'épidémie familiale annuelle de gastro-entérite (d'ailleurs cela fait déjà deux articles que je vous en parle, le sujet mériterait-il un article complet ?).

Mais cette année, je me suis rendu compte que mes vœux, mes suppliques, mes prières, mes espoirs, n'ont point été tout à fait vains.

Il leur a juste fallu une vingtaine d'années pour obtenir un effet. Une génération.

En effet, la semaine dernière, pour le tout premier cross de leur scolarité, mes deux aînés sont tombés malades.

C'est un peu dommage, car, contrairement à leur mère, ils attendaient cet événement avec impatience...

Non pas tellement par amour du sport :
c'était surtout à cause du goûter offert aux participants


Vous pensez que si je le souhaite très fort pour moi-même, mes enfants, une fois adulte, seront épargnés à vie par la gastro-entérite ?

jeudi 22 janvier 2015

Le fils de Jacinth

Récemment j'ai fait connaissance d'une nouvelle voisine, slovaque d'origine, mariée à un français, arrivée de Dublin avec ses enfants – trois garçons - de l'âge des miens, et je l'ai invitée à prendre un café. Quelques semaines plus tard, elle m'a rendu l'invitation et j'ai sonné à sa porte, avec ma fille de deux ans et mon bébé dans les bras.

Jacinth – c'est le délicat prénom qui est le sien – nous a fait rentrer dans son appartement meublé encore de façon assez rudimentaire.

     - Asseyez-vous Albane, il doit être lourd le baby. OK, je vais chercher le café.

Jacinth parle un français compréhensible mais encore un peu maladroit et émaillé de mots anglais.

Je me suis assise sur le canapé clic-clac – pas pour longtemps. Sous la housse l'assise, complètement défoncée, s'est effondrée sous mon poids et j'ai dû faire effort pour m'en extirper.

     - Oh yes, le sofa est... tout abîmé. Ce sont les enfants, ils ont sauté dessus...

Le plus jeune des enfants de Jacinth, âgé de trois ans, les cheveux blonds coiffés au bol et dont la frange retombe lourdement jusqu'aux sourcils, était planté devant un dessin animé.

     - Asseyez-vous. Oh, sorry, la chaise est tout abîmée, c'est lui qui a fait ça.

Je me suis assise sur le siège en question dont, en effet, l'assise avait été totalement éventrée.

     - Oh, OK, je vais chercher des jouets pour les enfants.

Jacinth est revenue avec une imposante caisse remplie de jouets divers qu'elle a posée sur le tapis au milieu de la pièce. Son fils s'est approché, délaissant l'écran de télévision, et je me suis levée pour inciter ma fille à s'amuser avec son nouveau camarade de jeux déjà en train de fouiller parmi les jouets auxquels j'ai jeté un coup d'oeil.

Le spectacle m'a glacée d'effroi.

J'ai pourtant l'habitude des jouets de garçon, mais jamais je n'avais vu une telle collection d'horreurs. Il n'y avait que monstres articulés, dinosaures à l'allure féroce, robots effrayants, créatures répugnantes, armes diverses et figurines repoussantes. A grand peine j'ai réussi à extirper pour ma fille une petite voiture dans un état correct, ainsi qu'une tortue verdâtre qui m'ont paru être les seuls jouets ne présentant pas le risque de traumatiser à vie un enfant, et je suis retournée encore un peu tremblante prendre mon café et écouter Jacinth me parler de son benjamin.

     - Il est très dur. C'est difficile avec lui, so... je ne sais pas comment faire. Il ne parle pas, mais il crie beaucoup, and... il n'obéit pas.

Je manque d'avaler mon café de travers. Une migale poilue vient de tomber dans ma soucoupe, projetée par le gamin qui s'est mis en tête de me présenter ses jouets favoris. Tour à tour, ce sont un frankestein amputé du bras droit, un tyrannosaure rex et un serpent articulé qui surgissent sous mes yeux, agités par le fils de Jacinth, qui finit par se planter silencieusement devant moi le visage recouvert d'un masque de tête de mort.

     - Please, laisse-nous prendre le café, lui dit sa mère, que ce genre de manifestation n'a pas l'air de surprendre.

Le garçonnet retourne à ses jouets qu'il répand sur le tapis, pendant que j'essaie d'empêcher ma fille, assise sur mes genoux, de regarder le dessin animé – vous savez, la scène de Toy Story où un gamin dégénéré mutile les jouets en montant la tête d'innocentes poupées décapitées sur d'atroces araignées télécommandées.

Gentiment, Jacinth propose à ma fille et à son fils de manger quelque chose. Ma fille grignote quelques biscuits, et je décide de prendre congé de notre voisine. Son fils, lui, en est à sa quatrième danette engloutie en cinq minutes.


Et je suis partie, laissant Jacinth à ses occupations, et me demandant ce que ma fille avait pu penser de ce moment. Je lui ai alors demandé : 

     - Il est gentil, Attila ?

Parce que, j'ai oublié de vous dire, cet enfant se prénomme Attila.


Oui, c'est bien cela, comme Attila, le Fléau de Dieu...


mardi 20 janvier 2015

Plus d'excuse (et meilleurs vœux) !

Voici un moment que je remets à plus tard mon retour sur ce blog. Mais voilà, je voulais tout d'abord finir mes courses de Noël, puis réserver mes vacances d'été 2015, puis j'ai attendu d'avoir soigné la bronchite du petit dernier, fait les soldes et défait le sapin. J'ai encore de la couture qui m'attend, le raccommodage qui s'accumule, mon album photo 2013 et 2014 en retard, et puis j'aimerais envoyer mes vœux, nettoyer ma plante verte, ranger mes placards, passer des coups de fil, prendre rendez-vous chez mon dentiste (bon je l'avoue, cela fait six mois que cette tâche-ci est inscrite sur ma liste...).

Et je ne vous parle pas de 2015 avec une première semaine "gastro-entérite spéciale famille nombreuse" suivie d'une seconde semaine "tuyauterie bouchée – plus d'évier ni de lave-vaisselle et voilà que le four tombe en panne au beau milieu de la cuisson du gâteau d'anniversaire de notre aîné" (mais que nous réserve la troisième semaine ?).

Mais jeudi dernier, j'ai brutalement pris conscience qu'aucune de toutes ces mauvaises raisons ne pouvait justifier plus longtemps mon silence bloguesque.

Car jeudi dernier, je recevais une amie pour un café, et cette amie m'a donné des nouvelles d'une connaissance commune, Bertille, que j'ai perdue de vue depuis qu'elle a quitté le quartier.

Bertille n'a peut-être pas de blog (et encore, je l'ignore), mais elle a trente ans, quatre enfants de moins de sept ans, un mari qui travaille à plein temps, pas de femme de ménage, et une licence de physique-chimie passée il y a dix ans.

Mais, alors que moi-même, je me laisse pitoyablement dépasser par une pile de repassage et un évier bouché, Bertille, elle, ne se laisse pas aller.

Elle vient même tout juste de commencer ses études de médecine.


Courage Bertille, plus que neuf ans...

Alors de grâce, je vous le demande, s'il se produit à nouveau que je passe trop de temps sans vous donner de nouvelles, envoyez-moi un petit mail, et rappelez-moi que pendant le même temps Bertille aura potassé 36 planches d'anatomie, révisé son immunologie et effectué deux cent quarante deux heures de garde à l'hôpital (sans oublier de faire ses courses et de s'occuper des devoirs de ses enfants).


Et en attendant, puisque voilà vingt jours que je remets cette tâche au lendemain et puisqu'il en est encore temps, je vous présente à tous mes meilleurs vœux pour 2015 - que l'année vous donne tout le nécessaire, et encore un peu de temps pour le superflu (ou serait-ce l'essentiel ?)

Bonne année à tous !