lundi 30 janvier 2012

2012, année extraordinaire

  2012 s'achève et il est l'heure de dresser le bilan de l'année sur ce blog, puisque je sais que tous, chers lecteurs, vous attendez ce moment avec la plus grande impatience et ce, depuis le premier janvier dernier.

  Pour simplifier la lecture de ce billet et lui faire gagner en lisibilité, j'ai décidé de classer les différents points de ce bilan en deux colonnes : Banal et Extraordinaire.

 

Banal

 

  • La fin du monde n'a pas eu lieu cette année, pas plus que les années précédentes.

  • Parmi les 800 000 enfants nés cette année en France, ma fille a vu le jour en août dernier.

  • J'ai passé une soirée pourrie.

  • Mon fils aîné a perdu sa deuxième et sa troisième dent de lait.

  • J'ai passé une journée glucose.

 

Extraordinaire

 

  • Xavier a oublié de poser ses congés de Noël.

  • J'ai eu une fille en août dernier.

  • Olivier, le fils de Sandrine, est rentré en CP.

  • Mon fils aîné a perdu sa toute première dent de lait.

  • J'ai rencontré des blogueurs : incroyable mais vrai, il y a des gens derrière les blogs !

 

  Oui, vous avez raison, à la réflexion les titres des deux colonnes sont parfaitement interchangeables (sauf pour Olivier qui est rentré en CP, bien-sûr). Mais peut-être est-ce le secret d'une année réussie ?

  Je vous souhaite donc une année 2013, qu'elle soit ordinaire ou non, pleine de joies extraordinaires. Et pour commencer, un excellent réveillon !

 

lundi 23 janvier 2012

"C'est déjà Noël"

   Un 24 décembre, c'est être réveillé par un tonitruant "C'est la veille de Noël !" prononcé par une voix enfantine, c'est plonger le doigt pour la goûter dans la mousse de la bûche, c'est rassembler les paquets cadeaux cachés dans toute la maison, trop bien cachés pour certains, c'est dresser la table pour le 25, c'est ouvrir la dernière case du calendrier de l'avent, c'est calmer les enfants un peu excités et ranger avec eux tous leurs jouets en prévision d'un prochain arrivage, c'est chanter "Petit Papa Noël" tous ensemble, c'est admirer le sapin, c'est se promener dans la ville illuminée, c'est entrer dans une boulangerie où il ne reste plus qu'un pain contre trente-quatre bûches, et où la boulangère, coiffée d'un bonnet rouge et blanc, offre trois sucres d'orge aux enfants, en disant :

  "C'est déjà Noël !".

    Très heureux Noël à tous !Noël

dimanche 22 janvier 2012

Eternelle demoiselle

  Hier samedi, c'était l'anniversaire de mon amie Lisa Lajoie. Pour tout vous dire, Lisa Lajoie n'est pas vraiment mon amie, à part sur facebook, et sans facebook je n'aurais jamais su – ni vous non plus – qu'elle fêtait samedi son vingt-neuvième anniversaire, nos relations s'étant interrompues à la fin de notre année de quatrième au cours de laquelle Lisa, dont je garde un souvenir mitigé, et moi-même, étions élève dans la même classe.

  Je n'ai pas eu le temps de le faire le jour-même, mais aujourd'hui, en consultant mon compte, l'idée m'est venue de consulter le mur facebook de Lisa Lajoie, ce que je n'avais pas fait depuis belle lurette.


  Lisa Lajoie paraît comblée par la vie : un travail, un toit, une vie de ménage ; tout a l'air d'aller pour le mieux dans le meilleur des mondes pour Lisa, et je m'en réjouis.

  Pour en avoir le cœur net, je me lance dans la lecture de son mur, et notamment des dix-huit messages qui lui ont été adressés la veille pour son anniversaire. Je m'arrête sur celui d'un certain Alban Grovent, qui a l'air d'être un ami proche vu le nombre de fois où il apparaît sur les photos de Lisa que je viens de consulter.

  En effet, le message d'Alban Grovent est on ne peut plus cordial, avec cette abréviation « m'dame » qui semble traduire des sentiments amicaux et sincères, suivie d'une recommandation attentionnée à l'égard de Lisa Lajoie.

  Quatre commentaires ont été laissés suite à ce message. Je déroule l'ensemble de la conversation. Lisa Lajoie, touchée par les vœux de son ami Alban Grovent, l'a certainement remercié chaudement pour son intervention.

  En fait, non. On dirait que Lisa Lajoie n'a pas trouvé le message à son goût. Bien-sûr, elle remercie quand-même, en imitant le texte d'Alban, qu'elle nomme « m'sieur », mais la deuxième phrase jette un léger froid, et le smiley souriant « clin d’œil » ne parvient pas à en atténuer l'effet. Lisa Lajoie, quasi-trentenaire, comblée par la vie, apparemment heureuse en ménage, n'apprécie pas qu'on l'appelle « Madame », et elle le fait savoir.

  Le pauvre Alban Grovent en a été pour ses frais, lui qui pensait faire plaisir, le gros maladroit ! Il semble avoir passé la soirée à se demander comment rattraper la grosse gaffe qu'il a commise, et c'est à une heure du matin seulement qu'il répond à Lisa.

  C'était bien tenté, en effet comme on l'a appris il y a quelques mois, le « Mademoiselle » est tombé aujourd'hui en désuétude.

halté 4   Non, vraiment, Lisa y tient, à son « mademoiselle » : plus jeune, plus léger, plus romantique, plus indépendant, plus indéterminé, plus séduisant que le « madame » un peu bourgeois et un peu trop rangé. Plus en accord, il faut le croire, avec la vie bohème et libre que Lisa doit vraisemblablement mener.

  J'ai continué à lire les autres messages d'anniversaire, et je suis tombée sur celui d'une autre amie de Lisa Lajoie.

  En voilà une nouvelle ! Mademoiselle Lisa Lajoie attend un enfant dont la naissance est d'ailleurs imminente. On comprend quand-même un peu pourquoi Alban Grovent n'a pas jugé déplacé d'appeler « Madame » son amie future mère, et un tout petit peu moins pourquoi celle-ci semble allergique à ce titre de civilité... Beaucoup de gens pensent que quand on vit en ménage dans un petit pavillon à Bovillage, qu'on attend son premier enfant et qu'on travaille aux 35 heures, on est à même de supporter cette appellation, mais c'est sous-estimer la délicate sensibilité de certaines jeunes femmes raffinées.

  En tout cas la pauvre Lisa Lajoie risque de passer par des moments fort désagréables avec l'arrivée de ce « petit ange »... Dès la naissance, en fait :

- Félicitations, Madame, c'est un garçon !

- Mademoiselle !

Le lendemain :

- Bonjour Madame, je suis la puéricultrice, je viens donner le bain à votre bébé.

- Mademoiselle !

Un peu plus tard :

- Je suis désolée, Madame, il ne reste plus de gigoteuse en taille six mois...

- Mademoiselle !

Et peut-être, un beau jour, quand « Petit ange » apprendra à parler :

- Ma ma ma ma... MAMAN !

- MADEMOISELLE !

 

 

 

Essaie encore, Alban...


vendredi 20 janvier 2012

Pour ou contre la fin du monde ?

   Ce matin en me réveillant, j'ai tout de suite pensé, avec un peu d'effroi, que nous allions enfin être fixés en ce qui concerne la fin du monde. Et puis j'ai réfléchi, et je me suis rendu compte que finalement, il n'y aurait pas que des inconvénients à ce que la fin du monde ait lieu aujourd'hui, à savoir :

  • je pourrai peut-être enfin obtenir des éléments de réponse à la question insoluble qui m'a été posée lorsque j'avais huit ans : vaut-il mieux mourir de froid ou mourir de chaud ?
  • je n'aurai pas à faire refaire ma carte d'identité au printemps prochain, et ça, c'est un vrai soulagement.

  • j'aurai enfin l'occasion de vivre un événement extraordinaire, le dernier, le passage à l'an 2000, remontant à quelques années déjà, et n'impressionnant plus personne.

  • beaucoup de problèmes seront réglés définitivement. La crise, le réchauffement climatique, la lutte contre l'obésité : on a peut-être eu tort de ne pas prendre tout cela avec philosophie.

  • dans la fureur et les cataclysmes, j'aurai la possibilité d'étudier la complexité et la fragilité de la nature humaine en observant le comportement de mes contemporains. Comment réagira Madame Proprette lorsque le nuage de cendres pénètrera dans sa cuisine immaculée, Béatrice préfèrera-t-elle sauver ses enfants ou une céramique grecque, les Désert veilleront-ils, dans l'urgence, à photocopier leur CV et leur relevé de compte bancaire (on n'est jamais trop prudent), Miss Arborique saura-t-elle conserver sa classe et son élégance, ou bien son maquillage coulera-t-il comme celui des autres dans les larmes et dans la fournaise ?

  • je pourrai allumer ma télévision et écouter le discours émouvant du président des Etats-Unis depuis la maison blanche, entendre que Chicago gît déjà sous les décombres et Pékin sous les eaux, avant de voir mon écran plat grésiller quelques secondes et s'éteindre à tout jamais.

  • après avoir assisté à des scènes de panique terrifiantes, je remonterai dans mon appartement, et, avec mon mari et mes enfants, serrés les uns contre les autres, unis dans la même attente et la même affection mutuelle, les yeux reflétant les flammes dévorant la ville, nous attendrons sur le balcon l'ultime météorite ou le tsunami final, en un instant grandiose et infiniment tragique qui restera à jamais le meilleur moment de notre vie.

   Et puis en prenant mon petit déjeuner (le dernier peut-être), j'ai changé d'avis. Si la fin du monde a lieu aujourd'hui, je ne saurai jamais si ma fille aura les yeux de la même couleur que ceux de ses frères ; et surtout il y a toutes ces truffes au chocolat à peine entamées au réfrigérateur, que j'aurais vraiment mal au cœur de voir partir en fumée.

Truffe au chocolat

Champ de météorites ou truffes au chocolat ?

mardi 17 janvier 2012

La joie de Noël

  Je suis arrivée hier matin à l'école, accompagnée de mes trois aînés, de leur sœur dans sa poussette, et d'environ quatorze litres d'eau de pluie imprégnant nos vêtements. Dans le vestiaire de la classe de mon fils, nous tombons sur Xavier, le papa de Hugo à qui il est en train de retirer son manteau.

  Étant donné le jour de la semaine, je préfère ne pas lui demander directement « Comment vas-tu ? », afin de lui éviter de répondre, découragé, « Comme un lundi ».

  « Bonjour Xavier, bientôt en vacances ? » lui dis-je sur un ton optimiste, dissimulée derrière les gouttes de pluie qui dégoulinent du rebord de mon chapeau.

  Je pensais avoir bien choisi ma question, pourtant Xavier, qui semble avoir promené courageusement sa calvitie sous les trombes d'eau, soupire longuement tout en suspendant le bonnet de son fils au porte-manteau.

  Devant celui de mon fils auquel j'accroche moi aussi écharpe et manteau, je m'interroge. Le pauvre Xavier est-il dans l'impossibilité de prendre des congés ? Son chef l'a-t-il désigné d'office pour une astreinte quelconque ? Ou bien, au contraire, a-t-il la douloureuse perspective de recevoir une odieuse belle-mère pendant toute la durée de ses congés, ou encore le projet de refaire à neuf toute la toiture de sa maison par moins cinq et sous la neige ? A moins qu'il n'ait déjà épuisé tous ses jours de congé de l'année au printemps dernier pour préparer la fête de l'école ?

  « Non ? Tu ne prends pas de vacances ? » ai-je insisté d'une voix un peu hésitante.

  « Non, ce n'est pas ça. » explique Xavier, l'air sombre. « J'ai complètement oublié de poser mes jours de congé. »

  Lundi 24, lorsque je préparerai ma bûche de Noël, et mercredi 26, quand je repenserai avec émotion à la dinde farcie aux marrons, j'aurai aussi une pensée pour le pauvre Xavier, levé à sept heures, trompant son ennui, seul sur son open space, buvant café sur café et se promettant de ne pas oublier, cette fois, de programmer ses prochains congés d'été.

dimanche 15 janvier 2012

Goûter d'anniversaire (2/2)

  Je les renvoie tous dans la chambre, ce qui me laisse quelques instants pour gratter les miettes de chocolat sur le parquet et ramasser les pièces du puzzle. « Qui a ouvert la porte de la chambre interdite ? Gustave, tu sors ! ». Le brouhaha ne cesse de croître – encore trois quarts d'heure avant la fin, comme le temps passe lentement ! – j'interviens pour suggérer des occupations plus calmes. « Et si vous mettiez toutes les petites voitures à la queue leu leu pour faire un embouteillage ? ». C'est un succès total, le calme revient pour dix minutes, trente-sept véhicules se retrouvent alignés les uns derrière les autres. Je reviens en courant au son des « pim pom pim pom » tonitruants : il fallait s'y attendre, l'embouteillage s'est vite transformé en carambolage.

  C'est le moment de dégainer ma toute dernière arme, mon ultime atout. « Jeu de société » ! Tous les enfants prennent place autour de la table, et lancent les dés les uns après les autres. J'ai parfois l'impression d'être seule à jouer : « Bravo Romain, tu prends cette carte, tu la poses ici, tu rejoues, tu relances le dé, tu as perdu, à toi de jouer Basile, tu lances les dés, tu tires une carte... » Au moins, le calme règne ! Et Gustave, qui finit grand perdant, n'est même pas mauvais joueur.

  Il reste vingt-cinq minutes. En rangeant le jeu, je demande aux garnements de ne pas se mettre debout sur les fauteuils, et « non, Gustave, tu ne touches pas à la télécommande ». C'est le moment rêvé pour prendre en photo la brochette de garçons alignés sur le canapé. Deux minutes de gagnées. A ce moment-là, vraiment, chaque seconde compte !

  « On peut regarder la télé ? » « Non, Gustave, tu n'es pas là pour ça ». Je me demande pourquoi Gustave est là, d'ailleurs, surtout que je remarque en passant devant le porte-manteau qu'il a tout bonnement subtilisé le cadeau de Romain et l'a même glissé dans la poche de son vêtement. Je m'empresse de le rendre à son propriétaire, j'entends une porte qui claque au fond : c'est Gustave qui est parti bouder dans la chambre.

  On est en avance sur mon planning. La pêche à la ligne aurait dû durer plus longtemps, et si la bougie magique s'était rallumée j'aurais encore gagné deux minutes. Je suis à cours d'idée, et je me dépêche d'improviser une occupation pour la toute fin de l'après midi.« Et si on imitait les cris des animaux ? » A nouveau règne un calme relatif au milieu des grognements, pépiements, meuglements et aboiements. J'ai les yeux rivés sur ma montre, c'est fou ce que ces aiguilles se traînent. Et soudain... « Ding dong ! » La sonnerie stridente me paraît ce jour-là le son le plus mélodieux du monde. En cinq minutes, trois mamans arrivent et enlèvent leurs enfants respectifs. Je n'ai pas entendu les remerciements de Gustave ni de sa maman, mais peu importe. Il reste encore un invité, celui que mon fils préfère, dont les parents ne semblent pas pressés du tout. Une demi-heure plus tard, passée à lire des histoires sur le canapé, sa maman arrive enfin, en s'excusant pour... ses cinq minutes de retard. Je ne saurai jamais si je me suis trompée en rédigeant l'invitation ou si c'est elle qui l'a mal lue.

  La maison est redevenue paisible. Les emballages de carambars encombrent encore le plancher, la cuisine est envahie de vaisselle salle, du jeu d'échecs en cristal et de divers jouets confisqués tout au long de l'après midi, j'ai un peu mal au dos. Pourtant la journée n'est pas finie : je dois encore m'évertuer à monter un playmobil offert à mon fils. En déchiffrant la notice, je songe que ce goûter d'anniversaire est une vraie réussite. Tout au long de l'après midi j'ai lu dans les yeux brillants du héros du jour combien il était ravi, entouré de ses amis et de ses frères, ravi de s'amuser avec eux et de souffler ses bougies en leur compagnie. « Je voudrais bien refaire un anniversaire demain ! » déclare-t-il, plein de reconnaissance, tandis que j'entame le rangement de la cuisine. « Ah, mais tu sais, maintenant il faut attendre l'année prochaine. »

  Et j'ai comme le pressentiment que Gustave ne sera pas de la partie...

vendredi 13 janvier 2012

Goûter d'anniversaire (1/2)

  Mon fils aîné vient de fêter ses cinq ans. Une grande date, et surtout, mercredi dernier, son tout premier goûter d'anniversaire à la maison : un événement que l'intéressé attendait avec impatience depuis des semaines, et sa maman avec un peu d'appréhension... car c'est toute une organisation :

  • Quatre invités : les trois meilleurs amis de Fiston, et puis Gustave, qui avait convié la moitié de la classe à son anniversaire au printemps dernier, et à qui je rends l'invitation. Soit un total de sept enfants. Sept garçons. Ça promet de l'action...

  • Une durée strictement limitée à deux heures et demi.

  • Un programme étudié à la minute près, un goûter, trois activités préparées.

  • Un appartement rangé, une chambre vidée de ses meubles, les autres fermées et interdites d'accès.

  • Un gâteau au chocolat, cinq bougies, dont une bougie magique, des jus de fruits, carambar et smarties.

  Quatre sonneries à l'interphone, et voilà l'appartement bien rempli, les invités sont arrivés à l'heure et envoyés dans la chambre où les attend tout ce que la maison contient de voitures, garages, véhicules et camions divers. Je laisse les enfants jouer, dans le calme pour l'instant. Au bout de dix minutes, Gustave débarque au salon, il s'ennuie déjà. « S'il-te-plait Gustave, retourne t'amuser, tu es en avance sur mon planning. »

  Cinq minutes plus tard, Gustave n'a vraiment plus aucune envie de s'amuser dans la chambre. Il commence à sortir les jeux de société du salon. « Non, Gustave, pas le puzzle de 70 pièces s'il te plait. Prends celui-ci, à 15 pièces, j'en aurai moins à ramasser tout à l'heure. »

  Il est temps de passer à la première activité : coloriage ! Tous installés autour de la table de la salle à manger, les enfants s'appliquent. L'un d'eux me demande de l'aide, les autres se débrouillent, dénonçant tour à tour sans délicatesse ceux qui « dépassent ». En trois minutes, Gustave a gribouillé toute sa feuille de papier, tandis que les autres artistes continuent à s'appliquer consciencieusement. « Très bien Gustave, retourne faire ton puzzle. Non, pas le jeu d'échecs en cristal. »

  Les enfants ont colorié moins d'un dixième de la surface de leur feuille mais décrètent en avoir terminé : je les laisse pour préparer le gâteau à la cuisine. Gustave débarque : « J'ai faim, il est à quoi le gâteau ? ».

  Après avoir chanté « Joyeux anniversaire » d'une seule voix, les invités regardent Fiston souffler avec fierté ses cinq bougies. Dommage que la bougie magique ne se rallume pas. Je sers les ogres qui ont déjà vidé leur boîte de smarties. « Essayez de ne pas renverser votre... Bon, ce n'est pas grave Hector, je vais passer un coup d'éponge. Si vous pouvez aussi ne pas faire tomber trop de miettes de chocolat par terre... ». Les carambars, c'était une mauvaise idée. Gustave, bien-sûr, n'aime pas le caramel, les autres ne savent pas le manger et je retrouve un tas de bonbons collants incrustés sur les assiettes. A retenir pour l'année prochaine.

  Je regarde ma montre : toujours dans les temps. Plus qu'une heure à tenir !

  Et maintenant, arrive le moment phare de l'après midi, la surprise inédite : une séance de pêche à la ligne avec, en guise de poissons, de petits cadeaux emballés dans du papier. La ficelle est un peu longue, les enfants assez maladroits, mais en guidant le crochet avec la main ils parviennent tous à attraper un paquet. Je ramasse les emballages pendant que les enfants s'extasient devant leurs trophées... tous sauf Gustave. « J'aime pas mon cadeau, je veux celui de Romain ! »

 

à suivre

lundi 9 janvier 2012

Toy story

  Elles ont patienté des années, dans l'obscurité d'un carton, celui que je viens d'ouvrir, elles sont passées d'une cave à un grenier, du grenier à une cave, au gré des déménagements. Une génération a passé mais elles n'ont pas pris une ride, ni même un centimètre.

  J'ai ouvert le carton, soulevé le papier bulle, et je les ai trouvées, assises sur le berceau rose qui leur servait de banquette, dans la même position que celle où elles avaient été rangées. Il y avait mon poupon bleu, celui qui suce son pouce, avec sa collerette de dentelle autour du visage, Marianne dont les yeux se ferment lorsqu'elle s'allonge, Amandine avec son corps en tissu et ses beaux cheveux blonds, et une poupée de chiffon que j'avais un peu oubliée. Marianne a toujours les cheveux aussi désespérément mal coiffés, Amandine porte une robe un peu froissée, elle aurait besoin d'un petit coup de peigne et un bon bain ne ferait pas de mal au poupon – cela tombe bien, je me suis équipée d'une baignoire.

  De quoi ont-elles parlé, assises les unes en face des autres pendant toutes ces années ? De chiffons – leurs vêtements rangés dans un petit vanity à fleurs à côté d'elles –, de ce que je devenais, peut-être, moi qui les avais condamnées à l'obscurité et aux odeurs de cave et de grenier, et du jour tant attendu où quelqu'un viendrait les sortir de l'oubli et manipuler à nouveau leurs membres ankylosés par tant d'immobilité. A moins qu'elles n'aient joué comme tous les enfants à crever le papier bulle qui les protégeait des chocs et de la poussière.

  En les tirant de leur sommeil de vieux souvenirs aussi vieux qu'elles ont ressurgi. Jamais nous ne nous sommes oubliées et nous nous sommes reconnues au premier coup d’œil. Une mère ne reconnait-elle pas toujours ses enfants ? Aujourd'hui elles ont vu le jour une deuxième fois, et dans le placard où je les ai rangées pour quelques mois encore, elles n'attendent qu'une chose : commencer une nouvelle vie dans de nouvelles petites mains. IMG 2882

  Et vous, quels vieux jouets d'enfant avez-vous conservés ?

dimanche 8 janvier 2012

Meilleurs vœux

  Souvenez-vous, il y six mois, je vous avais raconté le suicide virtuel de Guillaume, et à cette occasion je vous avais promis de vous parler de Mathieu.

  Mathieu est un des amis que je me suis faits au cours de mes études supérieures. Âgé d'un an de plus que moi, il avait intégré notre école et sa résidence d'étudiants un an avant moi. Nous avions beau disposer d'une cafétéria, de salles de sport, et d'un grand nombre de distractions et de soirées, il avait gardé de ses deux années de classes préparatoires en internat un souvenir tellement sublime qu'il mit des mois à commencer à apprécier ses nouvelles conditions de vie. C'est ainsi qu'il ne s'était fait aucun nouvel ami parmi les deux cents membres de sa promotion, se contentant de fréquenter deux ou trois anciens camarades de lycée plus amateurs comme lui de bachotage et de révisions que de pichets de bière ou de piste de danse.

  En deuxième année, il décida de rattraper le temps perdu et se mit à sortir davantage de sa petite chambre d'étudiant. C'est dans ces nouvelles dispositions d'esprit que j'ai fait sa connaissance au sein d'un club de l'école, et sur les banquettes crevées de la cafétéria où il se plaisait à discuter avec ses nouveaux amis. Il aimait parler de ses lectures, car l'éducation sérieuse qu'il avait reçue de ses parents, ingénieurs tous les deux, et des différents lycées privés réputés qu'il avait fréquentés n'avait pas éteint son goût pour la littérature et la poésie ; sa façon de voir les choses ne manquait pas d'une certaine élévation et d'une certaine indépendance.

  Mais le rêve le plus cher de Mathieu, vers lequel toute son éducation avait tendu, restait d'intégrer une prestigieuse université américaine, et c'est ce qu'il parvint à faire l'année suivante au prix d'un labeur acharné et d'un lourd emprunt étudiant.

  Depuis les États-Unis, pendant plusieurs années, Mathieu écrivait régulièrement de longs mails détaillés. Comme avant sur les banquettes de la cafétéria, il parlait de ses études, puis de son travail dans le conseil, de ses voyages et de ses lectures. Il aimait se référer à nos souvenirs communs d'étudiants, ce qui me faisait plaisir, mais j'aurais apprécié de temps en temps qu'il fasse également allusion aux circonstances présentes. Je me demandais souvent s'il n'avait pas oublié que j'étais mariée, et que j'avais des enfants : je n'ai pourtant jamais manqué de lui faire part de leur naissance, et quant à mon mari, Mathieu le connait très bien.

  Et puis facebook est arrivé. Mathieu s'est inscrit parmi les tout premiers, et son enthousiasme pour ce réseau social fut tel qu'il ne correspondit plus avec ses proches que par cet intermédiaire. Malheureusement, j'ai mis longtemps à vaincre mes réticences et à y créer moi-même un compte, et pendant des mois je me suis demandé pour quelle raison Mathieu ne donnait plus signe de vie.

  Tout s'est arrangé lorsque j'ai débarqué à mon tour sur facebook. J'ai pu rattraper mon retard et prendre connaissance du profil qu'il y exposait aux yeux de tous. Je ne m'attendais pas à découvrir l'élégante initiale qu'il glisse entre son prénom et son nom : « Mathieu R.  Xxxx », la liste sans fin de ses 527 amis, l'application consistant à épingler sur un planisphère tous les pays qu'il a visités, et enfin, ses albums photos consacrés à ses voyages bien-sûr, mais aussi aux différents restaurants étoilés qu'il lui est donné de fréquenter, et à sa collection de stylos plumes de luxe.

  Difficile de faire le lien entre ce profil un peu factice aux statuts abondamment renouvelés et l'ami que j'avais connu quelques années auparavant. Sous la surface sans cesse actualisée de son mur, rien ne transparait jamais d'un peu personnel, et je préférais les mails plus naturels que Mathieu prenait le temps de rédiger auparavant.

  Une seule occasion s'est présentée depuis d'échanger une vraie correspondance. Il y a deux ans un de ses frères s'est trouvé quelques jours entre la vie et la mort. Mathieu m'envoya un mail bouleversé. L'ombre de la mort donne à l'existence un tout autre relief, surtout lorsqu'elle menace une vie encore très jeune... Heureusement, la guérison du malade fut totale, et les choses reprirent leur cours à l'identique pour Mathieu.

  Depuis, plus de nouvelles. Hormis, comme chaque année, un mail de vœux adressé à tous ses proches, que j'ai reçu hier. Un mail envoyé à l'intégralité de son carnet d'adresse, rédigé en anglais quellle que soit la langue maternelle de ses destinataires, présentant ses vœux en quelques mots remarquables de concision à la toute fin du texte.

  Surtout, j'ai eu la joie d'y trouver un résumé de son année 2011. L'équivalent d'un condensé de ses statuts facebook, présentant, dans une « liste à puce » claire et ordonnée, les faits saillants de l'année :

  • J'ai voyagé dans 4 nouveaux pays sur 3 continents,

  • j'ai mangé du crocodile au Viet-Nam,

  • j'ai visité la ville la plus au nord de la planète, en Norvège,

  • je suis devenu un inconditionnel d'Apple et j'ai acheté mon premier Mac : je l'adore,

  • je suis toujours aussi inconditionnel de Los Angeles : deux voyages en un an depuis l'autre bout du monde,

  • j'ai dîné dans deux restaurants deux étoiles et un restaurant trois étoiles.

  Suivent les quatre photos-montages de vacances aux quatre coins du monde, la signature, et enfin, en guise de devise, une citation du fondateur d'Apple, Steve Jobs, dont Mathieu, comme tant d'autres, a pleuré la mort en octobre dernier.

« Stay hungry. Stay foolish »**

  Je me suis soudain souvenue qu'il y a six ans, Mathieu avait choisi pour clore ses mails une citation de Saint Ignace de Loyola :

« En todo, amar y servir »*

  Au panthéon de Mathieu, les dieux se suivent et ne se ressemblent pas.


 

 

 

* « Soyez insatiable. Soyez fou »

** « En tout, aimer et servir »

jeudi 5 janvier 2012

Inquiétude non recommandée

  Il y a deux jours, en sortant de la maison après le déjeuner pour reconduire les enfants à l'école, je me suis fait héler depuis le trottoir d'en face par notre facteur :

- J'ai un recommandé pour vous, Madame, je le signe pour vous et je le mets dans votre boîte ?

  J'ai acquiescé et poursuivi mon chemin. Un recommandé, je n'en reçois pas tous les huit jours. Tout en tentant d'éviter les poubelles sorties sur le trottoir, les flaques d'eau et autres obstacles, je laisse aller mes pensées.

- Notre agence immobilière ? La dernière fois que nous avons reçu un recommandé, elle nous demandait d'un coup le règlement de dix-huit mois de chauffage et d'eau chaude (que nous croyions alors compris dans les charges). Nos propriétaires voudraient-ils récupérer leur logement ? Ce ne serait pas une nouvelle beaucoup plus agréable. Un calcul rapide... il faudrait déménager en juin prochain. Au moins nous n'aurions pas à changer les enfants d'école en cours d'année. Une bourrasque soudaine et la vision d'une cinquantaine de cartons et de rouleaux de scotch me font frissonner.

- Et si j'avais gagné au loto... ? Encore eut-il fallu que j'achète un billet. C'est peut-être un jour de chance, qui sait ? J'évite de justesse une magnifique production canine parmi celles qui parsèment le trottoir. « Attention où vous mettez les pieds, les enfants ! »

- Une lettre de licenciement ? Je suis mon propre patron, et je ne crois pas avoir décidé de me passer de mes propres services. Je relève la tête en souriant malgré l'averse.

- Et l'entreprise de mon mari ? Si elle avait décidé de se passer de ses services ? Cette fois je relève le col de mon manteau. Finalement je préfère encore les rouleaux de scotch.

- L'école primaire des enfants ? Je n'ai pas l'impression qu'ils risquent de se faire renvoyer. Ou alors, le sourire de la directrice, à midi, à la porte, était particulièrement hypocrite... Mais peut-on vraiment se fier à un sourire ? « Dépêchez-vous, vous allez être en retard, les enfants ! » Au pire il y a une autre école dans le quartier, mais elle est un peu plus loin, ce qui veut dire plus de marche à pied sous les bourrasques.

- Le Trésor Public ! Un tremblement me parcourt des pieds à la tête. Ai-je bien réglé nos impôts ? Je tâche de rassembler mes – mauvais – souvenirs. Oui, d'ailleurs je me souviens avoir collé un timbre tarif lent. Souhaitons juste qu'il n'ait pas été trop lent...

- EDF ? GDF ? Surement pas, tout est prélevé automatiquement. Une réponse du Père Noël à la lettre des enfants ? Les lutins doivent pourtant faire l'économie du recommandé... Une nouvelle contravention à 71 km/h au lieu de 70 ? Non plus. Sur le trajet du retour, nous nous arrêtons prudemment au feu. J'énumère mentalement tous les recommandés que j'ai bien pu recevoir dans ma vie : mon diplôme, des copies à corriger pour mon mari,... Je n'ai aucune idée de ce que cela peut-être. Nous traversons. Tout cela n'est pas rassurant.

  Nous croisons à nouveau notre facteur.

- Je l'ai mis dans votre boîte. Il vient de Suisse !

  De Suisse ! Je suis un peu soulagée : cela ne peut-être ni notre agence immobilière – je peux chasser l'image des rouleaux de scotch de mon esprit -, ni le Trésor Public (nous ne sommes pas fiscalement exilés en Suisse), ni l'école, ni la société de mon mari. Reste le loto... l'Euromillion, peut-être. Non, c'est vrai, je n'ai toujours pas acheté de billet. Les trottoirs sont de plus en plus sales, dans le quartier ! Je dois faire slalomer la poussette pour éviter les obstacles malodorants. Ma fille est bien endormie, blottie dans son nid d'ange et enveloppée de deux ou trois couvertures. Son bonnet fait ressortir ses petites joues, il lui va à ravir, c'est un cadeau de...

  Un cadeau de naissance ! J'ouvre fébrilement une grosse enveloppe que je sors de la boîte aux lettres, trop molle pour contenir une mauvaise nouvelle : un inoffensif pyjama bleu nuit, taille six mois, orné de petits nuages blancs, chassant aussitôt ceux qui s'étaient amoncelés dans mon esprit.

  Pourquoi ma cousine, installée en Suisse avec sa famille, a-t-elle envoyé le colis en recommandé, je l'ignore. Peu importe, je suis si soulagée que je n'ai pas même un regret pour l'Euromillion.

  Rassurez-moi, je ne suis pas la seule à avoir l'imagination plus rapide qu'un chronopost ?

lundi 2 janvier 2012

Un encombrant défaut

  Cela vous étonnera sans doute, mais j'ai un gros défaut. Une tare un peu honteuse, que je tente de dissimuler tant bien que mal, et que, prudemment, je n'évoque jamais en société. Je ne sais pas si cela est héréditaire – certains membres de ma famille sont touchés aussi – , si cela est dû à l'éducation, à une peur enfouie de passer à côté de quelque chose d'important, à un réflexe de survie archaïque qui s'exprimerait de cette façon.

  En tout cas, je n'arrive pas à m'en débarrasser. Il faut dire que cela permet d'améliorer le confort de toute la famille. Grâce à cette pratique, j'ai pu me procurer, en vrac, un lot de cintres, une cocotte en fonte, un plat à gâteau, un baril de cubes duplo, une table roulante, un guide vert de la Belgique, un tabouret en osier, des jouets de bain. Ce n'est pas que nous n'ayons pas les moyens de nous offrir ces objets, mais il y a quelque chose de tellement grisant, le sentiment de braver des interdits, la satisfaction de gagner le gros lot sans même avoir acheté de billet de loterie. Pourtant lorsque je rapporte ces trophées et que mon mari s'enquiert de la façon insolite dont je me les suis procurés, il a immanquablement un soupir et un haussement de sourcil désapprobateurs et fatalistes. Je crains que s'il avait eu plus tôt connaissance de mon vice, il ne m'ait pas épousée.

  Lorsque l'occasion se présente de m'y adonner, c'est plus fort que moi. Mon regard est irrésistiblement attiré, il détaille les objets exposés, afin d'en évaluer l'intérêt. Le plus dur est d'exercer cette pratique en toute discrétion, car j'ai bien conscience de pouvoir surprendre et choquer le voisinage. Ma hantise : être observée par une personne de connaissance au moment-même où je tends la main pour m'emparer de l'objet convoité et où je le fourre rapidement dans un sac avant de reprendre mon chemin, l'air dégagé, comme si de rien n'était.

  Le pire, c'est que je n'ai même pas de remords.

  En général, c'est une fois par mois que je m'adonne à cette pratique peu recommandable.

  Justement, samedi dernier, c'était jour de ramassage des encombrants : en conduisant mes enfants à l'école, je n'ai pas pu m'empêcher de me servir au passage dans les tas de déchets qui s'amoncelaient sur le trottoir.

  C'est peut-être mal, mais dans quelques mois ma fille me remerciera.

 

IMG 2838

Mon dernier butin :
une couverture et une baignoire pour les futures poupées de ma fille

 

Et vous, quel est votre péché mignon ?