lundi 31 décembre 2012

Hiver

Le départ est donné, nous sommes prêts. Les pneus neige sont posés, les paires de bottes fourrées commandées, les gants, bonnets, moufles et écharpes ont quitté les placards depuis un moment déjà, les radiateurs chauffent ; le soir un bon châle trouve sa place sur les épaules et une boisson fumante sur la table basse du salon.

Derrière les rideaux rouges la nuit se fait de plus en plus longue et le matin en partant les stores sont encore baissés. Nous soignons déjà les premiers rhumes et les premières angines, la voiture dort à l'intérieur et souvent un frisson nous secoue quand nous mettons le pied dehors, que l'humidité nous transperce et que notre souffle se condense, épaississant la brume environnante.

Le ciel bas est souvent gris, et quand il blanchit on se prend à guetter la neige. L'horizon décoloré se perd dans le brouillard ou dans la nuit, seules les feuilles mortes voltigeant encore à terre apportent une touche de couleur – mais déjà le vent les emporte.

Et l'on compte les jours... L'hiver n'a pas commencé encore, l'été est si loin pourtant, et le printemps... autant relever son col et baisser la tête sous la bise.

Toutefois, dans la grisaille, dans la pénombre et la froidure, une lueur s'allume, si ténue et si faible, mais sa flamme nous réchauffe et relevant la tête nous fixons fermement sur elle le regard, impatients de la voir grandir, puisant dans son scintillement encore fragile le courage qui nous manque, et sentant naître, avec l'espoir lumineux qui dissipera la nuit, la brillante certitude que pour tout après, il faut un avent.

 

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jeudi 29 novembre 2012

Cadeaux de Noël : des idées originales !

Je ne vous l'apprends pas, la fête de Noël approche... et avec elle le choix délicat des cadeaux destinés aux petits comme aux grands. Parce que l'on manque toujours d'idées, voici une sélection de présents originaux et inédits pour tous les âges, tirée des catalogues reçus dans ma boîte aux lettres.

 

Premier âge

IMG 2854Le lapin psychopathe

Incontournables, les peluches ! Pour changer des oursons tout doux et autres animaux à l'air mièvre, ce lapin méchant deviendra vite le meilleur ami de Bébé. Piles non fournies, cauchemars garantis.

 

 

Mortelle, la pelucheIMG 2845

Plus originale, cette délicieuse peluche tête de mort, placée dans son berceau, aidera votre tout-petit à trouver un sommeil... éternel. Dès la naissance.

 

 

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Parce qu'il n'y a pas que les livres dans la vie !

La télévision : merveilleux outil éducatif ! Offrez à Bébé son premier écran plat : dès l'âge de six mois il saura manier la télécommande et ne pourra plus détacher les yeux de ses dessins animés préférés, gage de développement et d'éveil pour sa petite intelligence.

 

 

Pour les plus grands

IMG 2847Le jouet qui ne sert à rien mais qui coûte cher

Après Barbie sirène et Barbie princesse, Barbie photo fashion prend des photos et les affiche sur son T-Shirt. On peut aussi se servir de ses cheveux comme plumeau à poussière. Le tout pour le prix d'un vrai appareil photo.

 

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Féérique

Cette merveilleuse poupée Halloween fera le bonheur des petites filles d'aujourd'hui. Pour faire vivre l'esprit de Noël.

 

 


 

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A la vie à la mort

Un téléphone comme Papa et Maman... en mieux ! Le talkie walkie, version chaussures à talons pour les petites filles glamour, ou version cercueil... pour annoncer les mauvaises nouvelles (attention, ne communique pas avec l'outre tombe). Dès 3 ans.

 

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Ils ont du nez, les jeux de société !

Carlo Crado : vos enfants adoreront retirer les substances dégoûtantes du nez de Carlo. Attention, s'ils se trompent, son cerveau explose ! Un jeu intelligent, écœurant et formateur.

 

 

 

 

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Logo, le jeu des marques, pour vérifier si vos enfants ont bien regardé les publicités (facile, si vous leur avez offert dès le berceau leur premier écran plat – voir plus haut). Parce que la culture, ce n'est pas que dans les musées.

 

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Artistique

Pour développer le sens du beau chez vos enfants, offrez leur ce Coffret Zombie, parfait pour les initier aux belles choses de la vie et stimuler leur imagination.

 

 

 

 

 

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Leçon de choses (moches)

Le labo Crado ravira les petits scientifiques en herbe ! Des expériences amusantes pour comprendre le corps humain. Fourni avec un intestin farceur en plastique et sa garniture.

 

 

 

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A pattes et à poils

Il n'y a pas que les voitures dans la vie ! Vos enfants seront émerveillés par cette tarentule radiocommandée, qu'ils n'hésiteront pas à glisser sous vos draps pour un réveil... tout en humour.

 

 

 

Pour les adultes

IMG 2859Tout confort

Pendant que vos enfants s'abrutiront devant leur premier écran plat, vous pourrez regarder à votre tour vos émissions de télé-réalité favorites, bien emmitouflé dans ce plaid-TV aussi confortable qu'esthétique.

 

 

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C'est le pied !

Le cadeau incontournable de l'année : le mono-chausson, avec son inscription humoristique à mourir de rire ! Parce qu'on reçoit toujours, chaque année, un cadeau à mettre directement à la poubelle. Existe en version mono-gant et mono-lunette.


 

Pour les éternels oubliés de Noël...

IMG 2846... les cadeaux pour chiens et chat !

La corbeille à pois, le tapis panthère, alliant confort et élégance, et, côté ludique, un lot de jouets spécial chiens ou spécial chats (peut aussi s'offrir à des enfants). Pour que nos chers amis à pattes aient aussi leur paquet au pied du sapin.

 

 

 

Aucun doute qu'avec ces cadeaux les yeux de chacun, adulte, chien, chat, enfant, brilleront de la joie de Noël... Et vous, lequel allez-vous offrir ?

lundi 26 novembre 2012

Solidarité conjugale

  Il y a un usage auquel il est de bon ton de se conformer en société, c'est celui qui consiste à ne pas dire de mal de son conjoint devant des tiers, et de garder pour soi les reproches éventuellement nombreux que l'on peut avoir à lui formuler en privé. « Il est incapable de changer la litière du cochon d'Inde, je ne le supporte plus ! » ; « Elle passe des heures à bloguer, c'est fou comme elle perd son temps ! » : ces doléances ne regardent que les intéressés et risquent de mettre mal à l'aise les interlocuteur mis dans la confidence.

  A la rigueur il est possible de se laisser aller à l'évocation des microscopiques défauts de son conjoint, à condition si possible de lui lancer au même moment un regard attendri et complice, ce qui, loin de nuire à son image, mettra en valeur ses nombreuses autres qualités ainsi que l'harmonie parfaite qui règne dans le ménage : « Tu te souviens, mon cœur, de cette omelette que tu avais complètement ratée ? Heureusement ta pièce montée de macarons goyave-chocolat était sublime. » ; « C'est ennuyeux, mon mari ne se tient absolument pas au courant de l'actualité people, il préfère lire Shakespeare dans le texte ».

  Certains iront jusqu'à chanter carrément les louanges de leur moitié, non sans s'imaginer que l'effet produit par ces éloges rejaillira en partie sur eux : « Mon mari a une vocation d'architecte (il a repeint les WC) » ; « Chérie, toi qui t'y connais tellement en botanique, tu peux nous dire comment s'appelle cette fleur ? - Une pâquerette. ».

  C'est en tout cas ainsi que je voyais les choses, jusqu'à ce que Béatrice, la maman de Jeanne, dont je vous ai déjà parlé, me démontre que tout cela ne va pas de soi. Laissez-moi vous raconter.

  Nous avons été invités dernièrement à goûter dans la nouvelle maison des parents de Jeanne. Nous avons dégusté une bonne brioche et une tasse de café pendant qu'ils évoquaient leur récent achat immobilier sur le bon coin et le déroulement de leur déménagement.

- Tu as compté, Philippe, il y avait au moins trente cartons, rien que pour mes livres ! 

  Béatrice est conservatrice à la Bibliothèque Nationale de France, à Paris. Elle vient de réaliser une exposition de céramiques grecques antiques et d'en faire éditer le catalogue. Philippe, lui, dirige un service commercial, il supervise l'ouverture de centres Carglass dans les pays de l'Est.

  Tandis que Philippe invite mon mari à le suivre au garage pour lui montrer son scooter, Béatrice me fait visiter son bureau.

- C'est là que je travaille, parfois jusqu'à deux heures du matin.

  De retour au salon, je constate par la baie vitrée que nos maris font le tour du jardin où Philippe passe en revue les plates-bandes.

Boum.

  Je sursaute. Béatrice, arrivée par derrière, vient de faire tomber un énorme pavé devant moi sur la table basse.

- Voilà le catalogue que j'ai publié !

  Je feuillette l'ouvrage richement illustré, Béatrice jette à son tour un coup d’œil au jardin.

- J'ai toujours pensé que j'épouserais quelqu'un qui aurait fait le même genre d'études que moi, et qui travaillerait dans le même domaine, la littérature, l'art... Et puis finalement... pas du tout.

  Béatrice se ressert une tasse de café et continue, en jetant à travers la vitre un regard affectueux à son mari :

- Philippe n'a aucune culture générale !

  Devant ce manquement évident à la règle qui consiste à ne pas dire trop de mal de son conjoint devant autrui, je me suis sentie assez mal à l'aise : pour Philippe d'abord... et pour moi. Je n'en ai rien dit à Béatrice, mais je n'y connais strictement rien en céramiques grecques.

mercredi 21 novembre 2012

Questions à choix unique

Vous êtes sans doute comme moi, vous n'avez pas une mémoire infaillible, et lorsque vous posez des questions à votre interlocuteur, il n'est pas rare d'en oublier rapidement les réponses, et de devoir reposer les mêmes questions au cours d'une conversation ultérieure.

- Rappelle-moi les prénoms de tes enfants, déjà ?

- Et tu habites où, déjà ?

- Et tu travailles dans quoi, déjà ?

- Il est pour quand ce bébé, déjà ?

Ce qui est un peu plus agaçant, ce sont les personnes qui, éventuellement, se souviennent très bien de votre adresse, du prénom de vos enfants voire de la marque de votre voiture, mais avec qui, pourtant, vous ne pouvez avoir qu'une seule et même conversation éternellement répétée.

Nous avons des connaissances dans le quartier, dont les enfants fréquentent la même école que les nôtres, et que nous croisons souvent au jardin public. Parfois, la conversation s'engage entre le toboggan et les balançoires... et immanquablement elle se déroule de la même façon, telle un questionnaire dont la transcription par écrit serait approximativement celle-ci :

Question n°1 : Vous comptez reprendre le travail ? (Je reconnais que depuis que j'ai répondu que j'attendais le quatrième, la question a disparu de la conversation, pour refaire son apparition dans quelques mois sans doute, lorsque notre dernière aura un peu grandi).

Réponse (cocher la bonne case) :

oui

oui

(Madame vient de reprendre le travail après un an de congé suite à la naissance de son troisième enfant.)

Question n°2 : Et vous allez déménager ?

Réponse (cocher la bonne case) :

oui

oui

(Après plusieurs mois de recherches, ils viennent d'acheter une nouvelle maison, leur appartement leur semblant trop étroit depuis la naissance du troisième.)

Question n°3 : Et votre troisième, il rentre à l'école ?

Réponse (cocher la bonne case) :       

oui

oui

(Leur deuxième à eux, qui a deux ans et demi aussi, vient de rentrer en toute petite section.)

Malheureusement je ne reprends pas le travail, nous ne déménageons pas, et notre fils n'ira à l'école que dans un an. Impossible de cocher les bonnes cases, erreur d'enregistrement de données... on recommencera la prochaine fois.

Question n°1...

dimanche 18 novembre 2012

Non violence

   Quand on parle de violence, on a tendance à penser uniquement à la violence physique. Mais il existe d'autres formes de violence : la violence routière, hélas, fléau des temps modernes, mais aussi la violence verbale.

   Cette dernière forme de violence peut paraître secondaire, mais elle mérite néanmoins qu'on lutte vigoureusement contre ses manifestations qui peuvent engendrer tant de souffrances.

  Par exemple, l'autre jour, en allant rechercher mes enfants à l'école, devant le panneau d'affichage qui jouxte la porte de la classe, entre une affiche pédagogique prônant la non-violence et la liste des menus de la semaine à la cantine, j'ai été témoin d'une conversation entre la maîtresse de moyenne section et la maman de Léonie au sujet du comportement de Brutus, un autre élève de la classe.

 - Bonjour Madame, je voulais vous parler de Brutus qui n'arrête pas de renverser Léonie pour la faire tomber par terre.

   A mi-voix, mon fils me confirme qu'en effet Brutus, le « nouveau » de la classe, ne passe pas une récréation sans bousculer volontairement ses camarades. J'entends l'enseignante qui répond :

 - Ah bon, Brutus a poussé votre fille ? Je n'ai rien vu...

 - Si si, ma fille s'est fait renverser trois fois depuis le début de la semaine. Regardez sa bosse !

   Court silence.

 - Brutus est un enfant gentil, mais il s'énerve vite en récréation..., explique la maîtresse.

   Voilà comment pratiquer la non-violence verbale. Déclarer « En effet, Brutus est intenable, il n'arrête pas de brutaliser ses camarades », c'est dur, c'est définitif, c'est excessif. Dire « Brutus est gentil, mais il s'énerve », c'est plus délicat, plus respectueux aussi.

 - D'ailleurs il n'y a pas que ma fille qui se fasse bousculer par Brutus, j'en ai parlé avec d'autres mamans, elles m'ont toutes dit la même chose.

   Court silence.

 - Oui... c'est vrai... il taquine parfois ses camarades.

   « Il taquine parfois ses camarades ». La non-violence verbale, c'est toujours voir les choses de façon positive, optimiste ; vous connaissez l'histoire du verre complètement vide, on préfère dire « le verre n'est pas complètement plein », c'est plus juste.

 - Mais vous savez, Madame, rajoute l'enseignante, un léger tremblement dans la voix, j'ai une classe très tonique cette année... d'où mon état de fatigue.

   La maîtresse est experte en non-violence verbale. Elle aurait pu dire « Vous savez, Madame, j'ai des élèves insupportables cette année, je n'en peux plus », au lieu de cela elle parle de « tonicité », c'est plus raffiné, plus positif, moins catégorique, cela fait penser à un nourrisson dont on dit « Oh, regardez comme il est tonique, il tient bien sa tête ».

   Hélas la maman de Léonie a pour sa part de gros progrès à faire en la matière, car elle a continué obstinément la conversation sur un mode hyper-violent en demandant à l'enseignante de veiller à ce que sa fille ne se fasse plus jeter par terre.

 - Mais Madame, vous savez, ce n'est pas facile pour Brutus, il est nouveau dans la classe, il arrive dans un groupe déjà constitué, les élèves se connaissent tous depuis trois ans, alors vous comprenez... c'est sa façon de communiquer.

 J'ai laissé mon fils dans sa classe, avec Léonie, Brutus et les autres, et j'ai longuement repensé à cet échange. Ce qu'il y a de formidable, avec la pratique de la non-violence verbale, c'est qu'elle fait disparaître instantanément toute forme de violence physique. Brutus ne jette pas ses camarades par terre, il dialogue : où est le problème ? IMG 2812

Bah... quoi ?

mercredi 14 novembre 2012

L'art du Post Scriptum

  Le Post Scriptum : voici un usage que l'on pourrait penser désuet à l'heure des courriers dactylographiés par ordinateur et plus encore, des mails. Il semble inutile désormais de réparer un oubli en rajoutant, après la signature, les deux lettres « PS » suivies de deux points et d'un ultime message omis dans le corps du courrier.

  Pourtant, l'emploi d'un Post Scriptum peut toujours rendre de grands services et se révéler fort approprié dans la rédaction d'un mail.

  Démonstration : suite à la naissance de notre fille à la fin du mois d'août dernier, mon mari a envoyé à ses collègues un message annonçant l'heureuse nouvelle. Il a reçu un certain nombre de réponses, notamment de Sandrine. Il y a quelques années, Sandrine et mon mari travaillaient dans le même service, et, par une singulière coïncidence, son fils aîné, Olivier, et le nôtre, sont nés exactement le même jour à quelques heures d'intervalle.

  Début septembre, Sandrine a répondu au mail de mon mari :

Félicitations pour cette naissance, je suis très heureuse pour vous.

  Vous noterez le ton cordial, la clarté et la concision du message. Vient ensuite la signature :

Sandrine

  Puis, suite à la signature, un Post Scriptum :

PS : En quelle classe entrent tes loulous ?

  Le ton est toujours aussi chaleureux, et en plus Sandrine, en plein milieu de sa journée de travail, pleine de délicatesse, non contente de féliciter pour la naissance de notre quatrième enfant, pense à prendre des nouvelles des aînés, les « loulous », appellation affectueuse et extrêmement touchante.

Olivier, lui, est rentré en CP.

  Tiens, voilà qui est intéressant, notre fils aîné, qui a exactement le même âge qu'Olivier, ne rentre qu'en grande section. Un raisonnement rapide mène à la conclusion qu'Olivier a sauté une classe (toujours cette histoire de jeu de l'oie...). Un lecteur de mauvais esprit pourrait se demander si par hasard l'unique but du Post Scriptum n'était pas de faire habilement remarquer la grande précocité d'Olivier.

  Mais ce serait avoir l'esprit mal tourné, d'ailleurs le PS se termine par cette interjection significative :

Déjà !

  Il y a de quoi être rassuré : Sandrine n'a pas pensé une seconde à comparer le parcours scolaire de nos enfants, loin de là ; simplement elle constate, émue et fière, que le temps passe vite et que son fiston, hier encore tout petit bébé, vient de rentrer à la grande école : « Déjà ! ».

  Voici donc un bon exemple de l'usage du Post Scriptum qui apporte un réel enrichissement au corps d'un message. Attention toutefois, gardez vous des excès : rappelez-vous, comme l'a fait Sandrine, de ne faire figurer en PS que des informations annexes et secondaires.

dimanche 11 novembre 2012

Un pas en avant, un pas en arrière

  La vie est faite de haut et de bas, c'est bien connu : un jour tout va bien, un jour beaucoup moins ; un jour il fait beau, un jour il pleut ; c'est un peu comme au jeu de l'oie, selon le nombre qu'affichent les dés vous allez avancer de plusieurs cases, revenir à la case départ ou passer votre tour.

  A l'école maternelle, c'est pareil. J'ai eu de la chance l'an dernier, mon fils a tiré le bon numéro : vous vous souvenez qu'à la fin de l'année sa maîtresse, Madame MoyenneSection, a salué ses progrès en écrivant dans son cahier d'évaluation :

"il a grandi petit à petit"

  Au départ je pensais que cela allait de soi, qu'en maternelle les règles du jeu ne sont pas encore trop dures, que certains enfants, peut-être, grandissent plus vite que les autres, mais qu'en tout cas aucun ne reste sur le tapis ni n'est contraint à "reculer d'une case et passer son tour". Je pensais qu'il fallait attendre le permis de conduire, par exemple, ou la Star Academy, pour connaître des situations où certains récoltent le sésame espéré et d'autres non, sans qu'on sache toujours bien pourquoi les uns sont récompensés et les autres pas.

  Je me trompais. Dès la maternelle les règles du jeu sont implacables. C'est le père de Lucie, une camarade de classe de notre fils, qui l'a dit samedi au jardin public à mon mari :

- "Madame MoyenneSection est une maîtresse catastrophique !"
- "Ah bon, a pensé mon mari, pourtant à part le choix discutable d'une comptine en début d'année, nous avons plutôt apprécié son travail..."
- "D'ailleurs, l'année dernière Lucie a régressé !"

  Il n'y a plus qu'à espérer qu'en grande section elle tire le double six pour rattraper son retard.

jeudi 8 novembre 2012

Ceci n'est pas un blog mode

   Et pour cause, mes principales sources d'informations en la matière étant, outre les magazines, souvent périmés, de la salle d'attente du médecin, les conseils avisés de Cristina Cordula.

  Ceci dit, je suis toutefois parvenue depuis deux mois à une grande expertise dans le créneau suivant : la mode pour petite fille entre zéro et deux ans (autrement dit, la mode layette fille). Non pas que je me sois penchée spécialement de moi-même sur la question, mais tout simplement parce que les cadeaux que j'ai reçus depuis la naissance de ma fille (ainsi que quelques achats de mon fait) m'ont très précisément renseignée sur les grandes tendances de la saison. 

  A mon tour de vous faire partager ces quelques conseils grâce auxquels vous pourrez faire de vos fillettes des it-girls très stylées :

  • Le must-have de la saison reste (pour la cinquante-quatrième année consécutive) la robe. Incontournable lors des derniers défilés (mention spéciale pour les modèles qui osent exhiber leurs membres potelés et leur démarche « premiers pas », loin de leurs aînées à l'allure stéréotypée et proches de l'anorexie), elle est déclinée en velours fines cotes pour l'hiver, en popeline pour l'été. Pas de pantalon, pas de jupe, des robes, des robes, des robes.
  • Côté palette de couleurs, c'est définitivement le rose qui s'impose (pour la quarante-septième année consécutive), vitaminé par une touche de mauve apportant un souffle de modernité. Rose pâle, rose vif, rose bonbon, rose saumon, rose dragée, rose fushia, vieux rose, impossible de passer à côté de la couleur phare de la saison : ne surtout pas hésiter à donner dans le total-look rose des pieds à la tête.
  • Les accessoires : ils se déclinent en rose aussi évidemment (les féministes doivent s 'évanouir en traversant les rayons « layette » des magasins) : petits collants, sous-pulls, écharpes, bonnets, chaussons, autant de pièces à associer à la robe pour une allure toujours plus girly.
  • Pas d'austérité, on ose les petits cœurs, les noeuds-noeuds, les plis, les volants, les manches ballon, les cols claudine et les froufrous pour un look toujours plus glam chic. La tendance est à l'hyper féminité décomplexée : Bébé aura tout le temps de porter en grandissant son uniforme converse-jean.
  • Lingerie : une seule pièce à acquérir, le body. Manches longues ou courtes, à col ou sans col, c'est l'indispensable basique de la garde-robe.
  • La coiffure : c'est depuis toujours le point faible des défilés. Très courte, bien souvent à la garçonne, tendant parfois à la calvitie (surtout l'arrière de la tête), la mise en pli manque de féminité. Il faut attendre la mode « fillette » (2-10 ans) pour obtenir une réelle longueur de cheveu et pouvoir jouer sur les coiffures (couettes, franges, tresses et bouclettes) et sur les accessoires (barrettes à paillettes, élastiques et serre-tête). 

  J'espère que cette analyse pertinente des podiums et tendances pourra vous être utile. Une mise en garde, cependant, tirée de mon expérience personnelle : l'achat de vêtements pour petite fille peut vite devenir très addictif... IMG 2763

lundi 5 novembre 2012

Alerte en Malaisie

  Vous vous souvenez que mes beaux-parents sont venus passer quelques jours à la maison tout récemment. Un soir, ma belle-mère a déclaré, en parlant du frère de mon mari installé en Malaisie quelques mois pour un stage de fin d'études :

« Jérémy aimerait beaucoup vous avoir sur skype. Cela lui ferait tellement plaisir de voir ses neveux ! Il faut lui envoyer un mail pour lui fixer un rendez-vous demain. »

  J'ai été un peu étonnée, mais ravie, étant donné que nous n'avons eu que de rares nouvelles de Jérémy ces derniers mois. Mon mari lui donne rendez-vous par mail pour le lendemain :

« On se voit par skype demain à 13 heures, heure française (20 heures, heure malaisienne) ? »

« Super ! Ça me va, à demain. »

12h30 le lendemain, l'opération commence : il faut prendre un peu d'avance pour préparer l'entrevue. Mon mari télécharge le logiciel, installe la webcam, procède à quelques essais, rentre l'adresse skype de son frère.

« C'est quand même incroyable les progrès de la technique, pouvoir se voir, en direct, depuis l'autre bout du monde ! s'écrie mon beau-père, la voix vibrante d'émotion. Quand on pense à tout ce qui est nécessaire, en terme de logiciel, de matériel, pour réussir cette prouesse technique – des satellites, des câbles sous-marins, des fibres optiques... c'est formidable. »

12h55, les préparatifs ont abouti.

« Vous allez voir votre oncle Jérémy sur l'ordinateur, les enfants ! » déclarent mes beaux-parents à leurs petits-fils.

« Ah bon, et il va nous voir aussi ! »

Les enfants ne se tiennent plus de joie à cette idée qui leur semble surréaliste et s'approchent, pleins d'enthousiasme, de l'écran.

13 heures, mon mari essaie de contacter son frère.

« Hello Jérémy, tu es là ? »

Jérémy ne répond pas.

« Tu es sûr que tu as bien installé le logiciel ? » demande ma belle-mère à mon mari en fronçant les sourcils.

13h10, mon mari a déjà envoyé cinq appels restés sans réponse. Il décide d'envoyer un mail et un message sur facebook, sans succès. Entre temps les enfants sont partis jouer.

13h20, toujours pas de réponse, nous servons une bière pour patienter.

« Cela va le faire venir », espère mon mari.

« Et c'est souvent qu'il oublie les rendez-vous ? » ai-je demandé à mes beaux-parents (c'était la question qui dérange du jour)

« Quand est-ce qu'on va voir Oncle Jérémy ? » demandent les enfants.

13h35, à défaut de dialoguer avec son frère, mon mari a établi une communication nourrie, quoi qu'un peu répétitive, avec le logiciel.

[01/11/2012 13:00:17] Appel vers Jérémy : pas de réponse.

[01/11/2012 13:01:08] Appel vers Jérémy : pas de réponse.

[01/11/2012 13:02:33] Appel vers Jérémy : pas de réponse.

[01/11/2012 13:05:25] Appel vers Jérémy : pas de réponse.

[01/11/2012 13:10:37] Appel vers Jérémy : pas de réponse.

[01/11/2012 13:12:58] Appel vers Jérémy : pas de réponse.

[01/11/2012 13:14:03] Appel vers Jérémy : pas de réponse.

[01/11/2012 13:15:53] Appel vers Jérémy : pas de réponse.

[01/11/2012 13:20:32] Appel vers Jérémy : pas de réponse.

[01/11/2012 13:23:12] Appel vers Jérémy : pas de réponse.

[01/11/2012 13:27:22] Appel vers Jérémy : pas de réponse.

[01/11/2012 13:29:33] Appel vers Jérémy : pas de réponse.

[01/11/2012 13:30:32] Appel vers Jérémy : pas de réponse.

[01/11/2012 13:33:27] Appel vers Jérémy : pas de réponse.

13h45, le plus jeune de nos fils est couché, il tombait de sommeil. Ma belle-mère, elle, y croit encore :

« C'est bizarre qu'il ne réponde pas. Il est juste un peu en retard je pense »

Je suis un peu plus sceptique, et de plus en plus affamée.

« Si on commençait la raclette ? » (Régime grossissant oblige).

13h55, nous avons remplacé sur la table l'ordinateur par l'appareil à raclette. Tout espoir semble abandonné, mais nous laissons le portable allumé dans un coin au cas où.

14h15, l'ordinateur, moins patient que nous, s'est mis en veille sans que nous nous en rendions compte. L'appareil à raclette, lui, ne faiblit pas.

9h27, le lendemain matin, mon mari ouvre sa boîte mail, il y trouve un message de son frère.

« Je suis sincèrement désolé.

J'avais oublié de programmer une alerte. »

  Une alerte : elle est loin l'époque où l'on ne pouvait compter que sur soi pour penser à communiquer avec son frère. On n'arrête pas le progrès, comme dirait mon beau-père.

vendredi 2 novembre 2012

Pourquoi je ne suis pas la belle-fille idéale

  Pendant ces vacances de la Toussaint nous avons reçu mes beaux-parents venus passer quelques jours avec nous et profiter de leurs petits-enfants, notamment leur toute nouvelle petite-fille.

  Malheureusement, malgré les bons moments familiaux que nous avons passés, et comme à chaque fois, la douloureuse vérité m'est apparue à nouveau, comme elle a dû leur apparaître également :

Je ne suis pas la belle-fille idéale dont ils auraient pu rêver

  J'ai beau faire beaucoup d'efforts, il reste un certain nombre de points irréductibles qui créeront toujours distance et incompréhension entre nous. A savoir :

  • Je n'éprouve aucun intérêt pour le tour de France. Ma belle-mère, elle, le regarde religieusement chaque année sans manquer une seule étape, et s'étonne chaque fois de mon ignorance complète en la matière, jusqu'au nom du vainqueur qui m'est totalement inconnu (Ceci dit, avec le cas Armstrong, plus personne ne connait le nom du vainqueur).

  • Le soin que mon beau-père met à entretenir sa ligne svelte et mon ambition de cuisiner des repas savoureux pour nos hôtes peuvent paraître incompatibles. Raclette, choucroute, brownie, quiches et tartes : par certains aspects, je me demande s'il n'assimile pas un séjour chez nous à un régime – grossissant – obligatoire.

  • Nous avons quelques différends éducatifs. Nous n'avons pas la même façon de nous occuper d'un enfant qui pleure la nuit.

  • Une fois, je leur ai servi de la raie. Je les sais amateurs de poisson, mais, je ne sais pourquoi, la raie est un poisson tabou dans ma belle-famille. Je l'ai vite compris à leur air gêné et à leur silence contraint. Même avec une sauce à la normande.

  • Je pose parfois les questions qui dérangent, du genre : « Vous trouvez ça normal que la cousine des enfants (la fille du frère de mon mari) ait toujours une tétine à l'âge de huit ans ? » Iconoclaste et irrespectueux.

  • Je ne leur fais pas mettre la main à la pâte. Ils sont reçus, j'estime que c'est à moi de découper les tomates et la mozzarella. Mon beau-père aime les tomates-mozzarella, mais surtout si c'est lui qui les découpe. Idem pour mettre le couvert, débarrasser et faire la vaisselle.

  • J'aime les huîtres laiteuses, ils ne les supportent pas dans cet état.

  • Et, surtout, le pire du pire, ce qui me rend définitivement dangereusement irrécupérable à leurs yeux : je regarde – nous regardons, car en plus j'ai corrompu leur fils – Koh-lanta. Impossible de leur faire comprendre que cette émission n'est pas un programme immoral et choquant, une sorte d'Ile de la tentation où les candidats, vautrés à peu près nus dans la débauche et dans le sable chaud, se goinfrent de choses dégoûtantes, comme des vers de terre crus... ou des huîtres laiteuses. C'est pourtant faux – à part pour les vers de terre.

  Heureusement, nous avons un certain nombre de points communs qui nous rapprochent : je me régale de leurs coquilles Saint Jacques, ils raffolent de mon flan à la noix de coco, nos enfants leur ressemblent tous un peu, et ils croient toujours leur fils non-fumeur (il suffit de cacher le cendrier avant leur arrivée).

  Et vous, quels points d'achoppement insurmontables rencontrez-vous avec vos beaux-parents ?

dimanche 28 octobre 2012

Gastro...

  C'est sans doute l'un des mots les plus détestés des français. A la seule annonce de l'arrivée de l'épidémie de gastro-entérite – article de presse déclarant le seuil épidémique atteint, cas répertoriés dans votre entourage proche, affiche placardée sur les portes de l'école – chacun s'attache à se laver les mains frénétiquement à tout moment et à éviter autant que possible les rassemblements de foule.

  Car ce seul mot, dont la forme abrégée n'est pas, tant s'en faut, affectueuse, évoque tout un ensemble très contagieux de symptômes des plus désagréables, le moindre d'entre eux étant un dégoût prononcé à la vue de toute forme de nourriture.

  Et pourtant, il existe une frange réduite de la population française pour qui la même abréviation est synonyme, tout au contraire, de délices, de festins, de régals divers et d'infinies satisfactions gustatives. C'est ce que j'ai découvert avec surprise en suivant le fameux concours culinaire télévisé Masterchef où candidats, cuisiniers étoilés et membres du jury usent à toutes les sauces du mot gastro, à entendre bien-sûr comme l'abréviation du mot gastronomique. Cuisine gastro, restaurant gastro, assiette gastro, dressage gastro : la même abréviation qui donne la nausée à la quasi totalité de nos contemporains met l'eau à la bouche des amateurs et des professionnels de grande cuisine.

  Grande cuisine, qui, par ailleurs, si on en juge par les réalisations des candidats de Masterchef  – "je vous ai préparé un petit émincé et son petit jus, une petite garniture avec une petite émulsion, et une petite sauce aux petits légumes" – n'accouche jamais que de petites choses.

  De là à en déduire que celle-ci, dans son raffinement et sa sophistication, a perdu contact avec une certaine partie de la réalité, il n'y a qu'un pas que je franchirais, quant à moi, plus volontiers que la porte d'un établissement trois fois étoilé...

mardi 23 octobre 2012

Contrefaçon

  Amis blogueurs, j'imagine que comme à moi il vous arrive souvent de vous dire à un moment ou à un autre de vos journées « Tiens, cela fera un bon billet sur mon blog ».

  Mais vous arrive-t-il aussi parfois de vous dire « Tiens, cela ferait un bon billet pour le blog d'untel» ? C'est ce qui m'est arrivé il y a quelques jours. J'ai voulu écrire un billet, mais les mots qui me sont venus à l'esprit étaient ceux d'un autre... d'une autre, puisqu'il s'agit de mon amie blogueuse Ginger.

  Je vous livre donc mon billet A la manière de... Ginger, en hommage à son blog qui ne manque jamais de me faire rire – et que je vous recommande vivement. Quant à toi, Ginger, je te remercie de bien vouloir être indulgente à la lecture de ce pastiche que je me suis autant amusée à rédiger que je m'amuse à lire tes billets.

  Ce qui est sûr, c'est que j'ai pris goût à cet agréable divertissement qu'est l'art du pastiche, et que je serais bien tentée de m'attaquer à d'autres blogueurs... Des amateurs ?

A la manière de... Ginger

 

Attention : ce billet est un pastiche du blog de Ginger (toutes les explications ici)

 

 

Vous vous souvenez de vos dissertations de philosophie...

 

... vous savez, quand vous étiez en terminale, ces copies doubles interminables à noircir, avec une introduction, deux ou trois parties (enfin plutôt deux en ce qui me concerne), une conclusion, pour discuter de questions obscures que des personnes normales ne se posent jamais dans la vie, comme par exemple : « Nature ou culture ? » ou bien « Liberté, égalité ou fraternité ? » ?


Eh bien je ne sais pas pourquoi, mais une chose que j'ai retenue, c'est qu'un jour un philosophe a dit « l'homme est un animal social ». Animal, je ne sais pas trop (je ne vois pas trop le rapport entre l'huître et l'homme par exemple), mais social, oui.


Et j'ai remarqué, comme vous peut-être, que l'homme (contrairement à l'huître d'ailleurs, enfin je crois) agit rarement pour rechercher des choses comme le Bien, le Vrai, le Beau (qui plaisent pourtant beaucoup aux philosophes), mais souvent en raison de la pression sociale.


Par exemple, quand j'étais au collège, la pression sociale exigeait que l'on ricane du film « Babe, le cochon devenu berger ». Il se trouve que pour mon malheur j'étais allée voir ce film (en rasant les murs pour ne pas être reconnue). Eh bien la pression sociale a été telle que je me suis bien gardée de signaler ce fait à mes camarades de classe.


Et tout récemment, j'ai eu l'occasion d'assister à un nouvel effet de la pression sociale.


J'ai une amie, Ingrid, qui est plutôt assez casanière. Mais quand je dis casanière, c'est vraiment casanière. Du genre dont la devise est la suivante :


Pourquoi partir en vacances quand on est si bien chez soi ?


Et Ingrid est très bien chez elle.


D'ailleurs elle n'a jamais pris l'avion (mais elle ne l'a jamais dit à personne, ou presque, toujours à cause de cette fameuse pression sociale).


L'été dernier, Ingrid, comme beaucoup de gens, a pris des congés. Et comme beaucoup de gens, elle a quand même réfléchi à ce qu'elle allait faire pendant ses vacances.


Dans un premier temps, un certain nombre de ses amis lui ont fait des propositions.


  • Ingrid, ça te dit de partir six semaines en Nouvelle Calédonie en y laissant trois mois de salaire et tous tes jours de congé de l'année ?

Ingrid, ça ne lui disait rien du tout, et pourtant cela lui aurait permis de prendre l'avion pour la première fois.


  • Ingrid, ça te tente de partir en voilier pendant deux semaines au large de la Sicile, on pêcherait des poissons et on bronzerait sur le bateau ?

Mais Ingrid, ça ne la tentait pas du tout, d'ailleurs elle ne bronze pas, et elle est allergique au poisson.


  • Ingrid, tu voudrais partir avec toute une bande d'amis en juillet au fin fond de la Creuse jouer aux cartes et faire des ballades dans la campagne ?

Ingrid, là, elle aurait bien voulu, mais malheureusement elle avait pris ses congés en août.

 

Bref, le 1er août est arrivé et Ingrid n'avait toujours pas de projet de vacances. Alors elle a fait la seule chose qui lui restait à faire : passer ses trois semaines de congé chez ses parents, dans la banlieue de Strasbourg.

 

Elle a passé de très bonnes vacances (je vous avais dit qu'elle était casanière). Elle a fait les magasins à Strasbourg, elle a bien dû voir deux ou trois amis qu'elle a encore là-bas, elle est même allée une fois faire la route des vins avec ses parents et boire un verre de vin blanc à Kaysersberg.

 

Mais là où la pression sociale s'est fait ressentir, c'est quand elle est rentrée chez elle à la fin de ses congés. Et justement, elle est venue à la maison avec un ou deux autres amis communs. C'était en septembre, et la conversation a rapidement tourné sur les vacances. Une de nos amies communes a demandé à Ingrid ce qu'elle avait fait pendant ses congés.

 

Je suis allée passer quelques jours en Gironde, chez mes cousins.

 

Je l'ai regardée sans y croire. Mais c'est bien ce qu'Ingrid a prétendu (d'un ton rapide du genre : maintenant si on pouvait changer de sujet de conversation ça m'arrangerait).

 

J'ai compris que la pression sociale avait eu raison de la sincérité d'Ingrid.

 

C'est vrai que la plupart des gens, à tort ou à raison, considèrent que l'on ne passe pas de (bonnes) vacances dans la banlieue de Strasbourg.

 

Quoi qu'il en soit, au sujet de dissertation « la pression sociale doit-elle l'emporter sur la vérité ? », Ingrid aurait répondu « Oui » (sans même avoir besoin d'introduction, de conclusion, ni de deux ou a fortiori trois parties).

 

Et c'est bien dommage, car sans cette fameuse pression sociale, le tourisme se porterait peut-être beaucoup mieux dans la banlieue de Strasbourg.

 

 

C'est bizarre, je n'ai pas reçu de carte postale d'Ingrid cette année.

 

jeudi 18 octobre 2012

Une soirée avec Joe Dassin

  Il est dix-huit heures trente, la soirée commence, les enfants jouent avant de dîner, il n'y a pas école demain et nous ne sommes donc pas pressés. Je glisse un CD des meilleures chansons de Joe Dassin dans le lecteur. Sur le canapé les enfants prêtent l'oreille, je chante, leur sœur agite ses bras dans son transat.

Et si tu n'existais pas

dis-moi pourquoi j'existerais...

  Je me penche au-dessus d'elle en chantant sur la musique, elle me regarde et me sourit.

...simplement pour te créer, et pour te regarder...

  Les saucisses sont grillées, les pommes de terre chaudes, le dîner est prêt, les garçons prennent place autour de la table.

Tagada tagada, voilà les Dalton

Tagada tagada voilà les Dalton

  Pendant que ses frères dînent, ma fille tète avec application. Dans mes bras elle me tient chaud, tandis que la nuit tombe au dehors.

On s'est connus au café des trois colombes

Aux rendez-vous des amours sans abri

On était bien, on se sentait seuls au monde

On n'avait rien, mais on avait toute la vie

- Qu'est-ce qu'il dit, le monsieur ?

- Il parle d'une dame qu'il aime beaucoup, il va se marier avec elle. Mange tes pommes de terre maintenant.

- Je vais me marier avec la dame... chantonne le plus jeune de mes fils, deux ans et demi, inspiré, d'une voix fluette.

- Aeuh, gazouille doucement ma fille en fermant les yeux, toute paisible et rassasiée.

Aux Champs-Elysées, aux Champs-Elysées

Au soleil, sous la pluie, à midi ou à minuit

Il y a tout ce que vous voulez aux Champs-Elysées

- On pourrait mettre la chanson du monsieur qui dit que quand il sera fatigué il ira dormir chez la dame qui habite en Haute Savoie ? demande mon fils cadet. (A venir sur ce blog : un après midi avec Francis).

- Tout à l'heure, on écoute Jo Dassin pour le moment.

- Quand je serai fatigué j'irai dormir chez la Dame de Haute Savoie, chante mon fils à son tour d'une voix haut-perchée.

  Il fait tout à fait nuit, les enfants ont terminé de dîner, ma fille dort blottie contre mon épaule, je l'entends respirer doucement.

Moi, j´avais le soleil

Jour et nuit dans les yeux d´Émilie

Je réchauffais ma vie à son sourire

- Moi quand je serai grand je serai chanteur et conducteur de TGV.

  Je couche les enfants, après un peu de chahut ils s'endorment tous. Tout est calme, je range la cuisine, je tire les rideaux du salon. Joe chante toujours.

...et on s'aimera encore, lorsque l'amour sera mort

toute la vie sera pareille à ce matin

aux couleurs de l'été indien

  Le disque est terminé. J'appuie sur play. Joe chantera toujours.

mercredi 17 octobre 2012

Cours alimentaire

  Lorsque j'étais petite et que je feuilletais chez ma grand-mère une ancienne édition du fameux "J'élève mon enfant" de Laurence Pernoud, je m'étonnais vaguement de ce que les deux tiers du volume étaient consacrés à l'alimentation. Allaitement maternel, mixte ou artificiel, stérilisation des biberons, quantités de lait, nombre de repas, sevrage, introduction des aliments solides, préparation des purées, petits pots et compotes maison, rations de protéines, vitamines et laitages, il y en avait pour des pages et des pages qui me paraissaient alors assez rébarbatives et auxquelles je préférais les chapitres illustrés abordant le développement de l'enfant et ses progrès mois par mois et année par année.

  Et puis un jour, j'ai eu des enfants ; et j'ai compris. Bien-sûr je le savais auparavant, mais encore abstraitement, et du jour où j'ai eu la responsabilité de faire grandir un puis plusieurs "nourrissons" – le terme est éloquent – j'ai compris pleinement qu'élever un être en pleine croissance c'est, avant toute chose, le nourrir.

  Je suggèrerais donc à Laurence Pernoud de rajouter à la prochaine édition de son ouvrage un petit avertissement sur la journée-type de ses lectrices :

  Dès que le réveil sonne, vous filez à la cuisine préparer le petit-déjeuner, remplir les verres, les tasses, bols ou biberons, mettre en marche le grille-pain et la bouilloire. Pendant que l'eau bout ou que le lait chauffe, vous finissez la vaisselle de la veille, préparez le goûter de dix heures des écoliers, ainsi que les tupperwares de votre conjoint s'il emporte son déjeuner sur son lieu de travail, et remplissez le lave-vaisselle. Une fois le petit déjeuner servi et débarrassé, vous ouvrez votre réfrigérateur et commencez à réfléchir à ce que vous allez bien pouvoir servir au déjeuner. Vous passez à la boulangerie, et, si votre réfrigérateur est vide, vous faites vos commissions. A vos moments perdus, vous pouvez chercher de nouvelles recettes sur Internet, réfléchir au menu que vous servirez à vos invités le week-end prochain, et compléter votre liste de courses pour votre prochaine sortie au supermarché. Vous n'oubliez pas de vider le lave-vaisselle, de mettre le couvert, et, tandis que le déjeuner mijote vous réfléchissez déjà au menu du dîner. Trois heures après la fin du déjeuner (y compris la vaisselle), vous servez un goûter reconstituant à vos enfants puis, trois heurs plus tard, vous vous occupez du dîner, en deux services bien souvent si vos enfants sont encore petits. Vous rajoutez à cela, selon l'âge du plus jeune d'entre eux, jusqu'à sept ou huit biberons ou tétées par jour, quelques purées, compotes ou petits pots donnés à l'aide d'une minuscule cuiller. Le soir venu, pour terminer la journée, vous dressez la table du petit déjeuner du lendemain, et vous pouvez enfin vous détendre, avec la satisfaction de savoir tous les estomacs repus, devant un concours culinaire télévisé par exemple, en vous demandant tout de même comment vous pourriez rassasier votre famille avec une raviole de fane de radis, son émincé de petit pois, et trois gouttes de jus de caille farcie à la menthe déposées à la pipette.

   Vous aurez l'impression d'avoir sans cesse une partie de votre cerveau connectée à votre réfrigérateur, vous aurez souvent des absences en pleine conversation quand vous vous demanderez soudainement : "Mais qu'est-ce que je vais bien pouvoir faire à manger ?", vous investirez, au choix, dans une paire de gants de vaisselle ou dans une bonne crème hydratante pour les mains, vous aurez quelque part dans votre cuisine une liasse de recettes imprimées, découpées dans des journaux, ou griffonnées à la va-vite, vous aurez toujours à portée de la main un papier où noter ce qui vous manque et que vous devrez acheter prochainement, vous connaîtrez par cœur dix recettes de desserts, vous pourrez cuisiner un gratin de pâtes ou une mousse au chocolat les yeux fermés.

   Mais quand vos enfants réunis autour de la table familiale, les yeux brillants et le menton couvert de tâches marron, déclareront en chœur qu'il n'y a pas de meilleur fondant au chocolat que le vôtre, vous oublierez  jusqu'au moule à manqué qui attend d'être lavé au fond de l'évier, pour vous réjouir en les voyant heureux et bien portants.

mercredi 10 octobre 2012

Le bateau triste

  Mon fils cadet âgé de quatre ans a reçu récemment en cadeau un livre pour enfant intitulé « Le petit bateau de Petit Ours ». Le propos paraissait attrayant, les illustrations plutôt jolies, ce qui n'est pas automatique dans le domaine de la littérature enfantine, et, sur la demande insistante de mon fils, j'ai commencé à lui lire l'histoire sans en avoir pris connaissance auparavant – contrairement d'ailleurs à mes habitudes.

  Petit Ours, comme vous l'aurez compris, possède un petit bateau, une mignonne petite barque rouge. Petit Ours aime beaucoup son embarcation. Il fait le tour du lac, il pèche, il rame, il s'y repose bercé par les flots, bref, il y connait le bonheur le plus pur et le plus parfait. Mon fils semble charmé par ce récit et m'écoute avec plaisir et attention.

IMG 2662Jusqu'au moment où nous découvrons que Petit Ours se met à grandir. Je vous passe les détails, mais le petit bateau de Petit Ours devient de plus en plus étroit, au point qu'un jour Petit Ours manque de s'y noyer. Petit Ours comprend alors qu'il ne pourra plus jamais monter dans son petit bateau. Il en est très malheureux ; quant à mon fils, j'ai eu la surprise de le voir éclater soudainement en sanglots.

  J'en ai été quitte pour le consoler en tâchant d'inventer un autre dénouement à cette charmante histoire avant de faire disparaître au fond d'un placard ce livre que mon fils s'est bien gardé de me réclamer. Bien-sûr, Petit Ours ne reste pas éternellement malheureux : il comprend qu'il a grandi, que c'en est fini de son charmant petit bateau rouge et du bonheur qu'il lui procurait, mais il décide de le donner à un autre petit ours et s'en va de son côté construire un grand bateau. Pourtant, si j'en juge par les réactions de mon fils, cette fin ne suffit pas à effacer le caractère douloureux de ses péripéties.

  Il faut dire que je le comprends... Le petit bateau rouge, c'est la joie de cet enfant ours, c'est tout ce qui fait le charme de ses tendres années, et voilà que tout à coup l'instrument de son bonheur, la substance même de sa vie, l'âme de son enfance, se transforme en piège redoutable où il manque de trouver la mort.

  Parce qu'il a grandi, Petit Ours n'a pas le choix : sous le regard intransigeant de sa maman, il doit se départir de ses goûts, de ses rêves, de ses plaisirs, de ses joies. Parce qu'il a grandi, il doit se dépouiller de ce qu'il aimait, de ce qu'il était, car il est devenu un grand Ours, et Petit Ours qu'il était n'est plus.

« Le destin d'un petit ours est de grandir et de devenir un grand ours. Le destin d'un petit bateau est de rester un petit bateau. C'est ainsi. », assène sans ménagement Maman Ours à Grand Ours – car Petit Ours doit abandonner jusqu'à son propre nom.

  Reconnaissons à l'auteur le talent d'avoir réussi, dans cette fable imagée, à transmettre à la perfection ses idées à son jeune public et à mon fils en larmes en particulier, à qui la dureté et la cruauté du récit n'ont pas échappé, toutes voilées qu'elles soient derrière le style allégorique et les illustrations naïves.

  Je le souhaite à mon fils, comme à tous les enfants, qu'il puisse grandir sans étouffer en lui l'enfant qu'il est, mais au contraire en conservant précieusement ce qui fait l'âme de l'enfance : sa pureté, son imagination, sa candeur, son innocence, sa poésie et sa confiance ; que le petit bateau grandisse et devienne, plutôt qu'une épave sombrant dans l'abîme, un fier voilier voguant sur les flots.

dimanche 7 octobre 2012

Premiers sourires

  Tout commence par un frémissement, le coin de la bouche qui remonte, puis les lèvres qui s'ouvrent dans un mouvement qui se propage d'une extrémité à l'autre, et soudain le sourire est là, tout neuf, qui nait entre deux petites joues qui s'arrondissent, sous les yeux qui se plissent dans la contemplation éperdue du visage maternel. Ce sont les premiers sourires, ceux qu'on guette et qui nous surprennent, si fugaces et si rapides, au début si rares et inattendus. Plus que les premiers mots, plus que les premiers pas, c'est le progrès le plus espéré, le plus touchant, le plus bouleversant ; le premier sourire qui fleurit sur un petit visage, comme un instantané de béatitude parfaite, de gratitude et d'abandon, suprême récompense pour les heures passées à nourrir et à soigner un nouveau-né.

  Déjà la bouche a repris son pli habituel, à peine commencé l'instant de grâce s'est envolé. Les semaines passant ils se feront de plus en plus nombreux, mais le souvenir des tout premiers sourires si éloquents et émouvants, lui, ne s'efface pas.

dimanche 30 septembre 2012

Quelques conseils pour se soigner vite et bien

Hier encore vous étiez en forme, mais aujourd'hui, vous ne vous sentez pas bien du tout. Voici quelques conseils pour vous soigner rapidement et vous rétablir au plus vite.

 

Le premier jour, vous ne vous en faites pas. C'est surement un tout petit rhume, un léger mal de ventre, un muscle un peu froissé. Vous avez connu pire, et cela ira mieux demain.


Le lendemain, vous vous sentez encore moins bien. C'est normal, il faut deux jours pour que cela passe, demain cela commencera à aller mieux et vous serez très bien après-demain.


Le lendemain, cela ne va toujours pas mieux. A la longue les douleurs commencent à vous fatiguer, de même que la pensée qu'elles ne disparaissent pas d'elles-mêmes. Vous vous promettez de ne pas chercher sur internet de diagnostic à vos symptômes.


Deux heures plus tard, vous cédez, vous apprenez sur doctissimo que, au mieux, vos maux passeront tous seuls, au pire vous serez mort dans l'année dans d'atroces souffrances.


Vous vous souvenez que pour votre dernier mal de gorge vous aviez craint à tort avoir développé un cancer du larynx. Vous vous rassurez, cela n'est pas grave et va guérir tout seul. Cette fois, c'est promis, vous ne retournerez plus jamais sur doctissimo, même si cela vous a permis de découvrir des organes dont vous ne soupçonniez jamais l'existence, ce qui vous autorise à souffrir de façon plus intelligente en sachant que vos douleurs se situent, au choix, dans le sinus maxillaire, le duodénum, ou le muscle trapèze.


Le lendemain, vous avez l'impression de n'être plus qu'un énorme et douloureux – au choix – sinus maxillaire, ou duodénum, ou muscle trapèze. L'idée de vous rendre chez le médecin commence à faire son chemin. Cependant, passer deux heures dans une salle d'attente ne vous enchante guère. Et puis il faudrait vous montrer avec vos cernes sous les yeux, le teint blafard, le nez rouge, la voix cassée, une coiffure approximative ; étaler vos ennuis de santé personnels devant un inconnu qui n'hésitera pas à vous faire subir des examens déplaisants comme observer le fond de votre gorge ou vous palper l'abdomen. Cela ira mieux demain, ce serait trop bête de perdre son après midi au cabinet alors que la guérison est certainement discrètement en cours.


Les jours passent, aucune amélioration ne se fait sentir. Vous n'en pouvez plus, cette fois, il faut vous rendre à l'évidence, une consultation médicale s'impose. Une fois votre décision prise, vous vous sentez soudainement aussi impatient de rencontrer votre médecin que vous étiez réticent à le faire la veille encore. Vous passez deux heures dans une salle surchauffée et bondée à compter le nombre de patients qui restent à passer avant vous, et vous vous demandez suspicieusement de quelle maladie sérieuse ils peuvent bien souffrir vu leur bonne mine et l'air tranquille avec lequel ils feuillettent leurs magazines alors que vous vous sentez défaillir sur votre chaise. Enfin, arrive le moment où le médecin ouvre la porte, prononce votre nom et vous adresse un sourire qui vous apparait plein de compassion, de compréhension, et de promesse de guérison. Vous vous sentez alors prêt à lui montrer le fond de votre gorge autant qu'il vous le demandera, et ne vous souciez plus ni de vos cernes ni de vos yeux rougis. Vous mentez sur la date à laquelle ont commencé vos symptômes pour éviter qu'il ne vous reproche d'avoir traîné à le consulter, et bien évidemment vous constatez que l'auto-diagnostic que vous avez effectué grâce à internet est absolument faux. Mais peu importe : à le voir rédiger une longue liste de remèdes divers sur votre ordonnance, vous vous sentez déjà revivre. C'est avec une joie sans mélange que vous lui remettez le chèque que vous venez de signer, et quand il vous raccompagne en vous souhaitant "bon courage", vous sentez naître en vous une reconnaissance éternelle.


Muni de la précieuse ordonnance, vous dévalisez la pharmacie la plus proche et courez commencer le traitement sans plus attendre. En peu de temps, enfin, vous sentez que vos symptômes disparaissent et que vos forces reviennent. Vous avez souffert quinze jours pour rien, on ne vous y reprendra plus.

 

 

Quelques mois plus tard, vous vous sentez tomber malade. Oui mais, cette fois, c'est différent, vous irez mieux dans quelques jours. D'ailleurs rien ne prouve que la dernière fois vous ne vous seriez pas remis aussi vite sans médicament...

dimanche 23 septembre 2012

"Moi, les bébés..."

  La conversation avait pourtant bien démarré, une conversation banale entre jeunes mères partageant un banc dans un jardin public et leurs impressions sur la récente rentrée scolaire.

- J'avais oublié, la bouche sans dent, a déclaré Astrid en observant ma fille de trois semaines que je sortais de son landau.

- Il parait que certains enfants naissent avec des dents...

- D'autres les ont très tard, poursuit Marie-Alix, la mienne a sorti sa première dent à dix-neuf mois ! Evidemment, ce n'est pas étonnant qu'à trois ans elle ne mange encore que des purées.

  Marie-Alix et son mari ont adopté une petite fille asiatique à l'âge de dix mois. Quant à Astrid, elle a trois enfants encore petits – l'aîné a cinq ans – et, comme l'atteste sa silhouette très arrondie, elle attend son quatrième.

  Ma fille est tout à coup prise d'un hoquet comme cela lui arrive souvent.

- Elle en avait déjà avant la naissance, je les sentais très bien.

- Moi c'est pareil, toutes les nuits, c'est insupportable, ça m'empêche de dormir, se plaint Astrid.

- Plus qu'un mois avant la naissance, c'est bien cela ? demandé-je en guise d'encouragement.

- Oui, enfin deux semaines j'espère, ce serait bien qu'il naisse en avance, soupire Astrid, qui, sans doute fatiguée par la fin de sa grossesse, s'exprime sur un ton encore plus las que d'habitude.

- Oh, c'est fou ce qu'elle a changé déjà, en trois semaines ! s'écrie Marie-Alix en regardant ma fille à son tour.

- Une fois qu'ils sont nés, le temps passe à une vitesse... dis-je en approuvant.

  Et c'est à ce moment précis que la conversation a pris tout à coup un tour inattendu.

- Tant mieux, a fait remarquer Astrid. Parce que moi, les bébés, ça me gonfle.

  Silence surpris. Je pensais naïvement que c'était surtout les désagréments de cette quatrième grossesse qui la contrariaient.

- Et, euh... jusqu'à quel âge ?

- Jusqu'à deux ans. A deux ans ça commence à être mieux.

  La conversation reprend. Entre temps, Marie-Alix s'est levée pour accompagner sa fille au toboggan. Il y a ceux qui supportent mal les nourrissons et ceux qui souffrent de ne pas réussir à en avoir.

Ma fille commence alors à pleurer, la faim se faisant sentir, ce qui n'échappe pas à l'oreille vigilante et sensible d'Astrid. Elle soupire :

- Oh la la, quand j'entends cela ça ne me donne vraiment pas envie d'accoucher !

  Malgré tout, dans deux ou trois semaines, voire quelques jours, je recevrai un faire-part rédigé probablement de la façon suivante :

Astrid et son mari sont heureux de vous annoncer la naissance de...

  Dois-je attendre deux ans pour les féliciter ?

lundi 3 septembre 2012

Rentrée scolaire

  J'ai beau voir la vie en rose, je manque un peu de temps en ce moment pour écrire... C'est pourquoi je me permets de vous proposer ce billet rédigé il y a un an : Souvenir de rentrée scolaire.

  Bonne lecture... et bon courage pour cette rentrée !

 

vendredi 31 août 2012

La vie en rose

  Samedi dernier, nous nous sommes promenés en ville mon mari, les enfants et moi-même - j'avais l'idée qu'une bonne marche ne pourrait que rapprocher le moment très attendu de la naissance. Alors que nous traversons un passage piéton en tenant par la main nos trois garçons, une voiture nous croise en sens inverse et le passager me lance, par la vitre baissée, sur un ton convaincu :

"Ca va être une fille, Madame !"

  C'est à peine quelques heures plus tard, dimanche dernier dans la matinée, que j'ai saisi le nouveau-né poussant son tout premier cri. Je soulève l'enfant devant moi, m'apprêtant à connaître son sexe : c'est la quatrième fois que dans l'émotion d'une naissance je vis ces mêmes moments, mais c'est la toute première fois qu'en reposant sur moi le nourrisson, j'ai prononcé les mots suivants :

"C'est une fille !"

  Si la joie a été immédiate, en revanche il m'aura fallu d'une part une deuxième vérification, et d'autre part deux ou trois jours pour ne plus sursauter en entendant le mot "elle" : "Elle se porte bien ?" – et pour employer moi-même avec naturel le féminin. Comme ses frères, comme tous les nouveaux-nés, elle pousse les mêmes cris, porte le même regard étonné sur le visage maternel, tète avec la même application concentrée ; elle a la même manière de sourire aux anges, de sursauter dans son sommeil, de relever ses petites mains à hauteur de son visage lorsqu'elle dort.

  Rien ne semble différent – et pourtant rien n'est pareil. La joie n'est pas plus intense, mais la naissance d'une petite fille, après trois garçons, donne l'impression immédiate et inattendue d'être mère autrement, d'être la mère d'un petit être différent, d'un petit être à sa ressemblance.

  Et avec sa naissance, c'est la promesse d'une maternité renouvelée, avec d'autres joies et d'autres découvertes, qui se dessine : la perspective de la voir porter les robes que j'ai portées, de la voir coucher ses poupées dans mon berceau de petite fille, jusqu'au jour, peut-être, où je lui rendrai visite dans une chambre semblable à celle où nous avons passé ses premiers jours, et où elle tiendra dans ses bras le nouveau-né à qui elle viendra de donner la vie.

mercredi 15 août 2012

Rendez-vous

  C'est un rendez-vous bien particulier. Vous ne connaissez ni la date, ni l'heure, et, plus étonnant encore, c'est un inconnu que vous allez rencontrer – parfois vous ignorez même son sexe et son prénom.

  Quelques jours ou quelques semaines avant de faire sa connaissance commence l'attente, la longue attente. Dans aucun autre domaine de votre vie vous n'avez été confronté à tant d'incertitude. La date de votre mariage a été fixée des mois à l'avance, vous connaissez sur le bout des doigts les horaires des trains ou des transports en commun que vous empruntez régulièrement, votre agenda est rempli de dates, de rendez-vous, d'échéances inscrits de façon rassurante sur le papier. Vous prévoyez votre départ en vacances plusieurs mois à l'avance, vos enfants sont inscrits un an plus tôt dans leur future école, vous planifiez soigneusement vos sorties, vos invitations, vos rendez-vous médicaux, vos courses. La vie vous prend rarement au dépourvu, écoulant un cours régulier dont vous prenez soin d'évacuer les risques d'imprévu.

  Et au milieu de toute cette organisation, peut-être imperceptible mais pourtant bien solide, surgit avec force le bouleversant inconnu d'une naissance. Chaque jour qui commence pourrait être le bon, chaque coucher du soleil pourrait être le dernier. Vous vous prenez à guetter des signes avant-coureurs, à traquer les indices, à observer la course de la lune, à scruter le calendrier, à vous imprégner de la symbolique des chiffres et des dates, mais au fond vous savez que ces réflexions ne sont qu'un leurre par lequel vous tentez d'oublier que, pour une fois, vous n'avez aucun pouvoir sur les choses. Pour un temps, votre agenda lui-même ne vous offre plus aucune sécurité : vous n'osez rien fixer à l'avance, et tous vos projets commencent par un « si ». Obnubilé par cette date inconnue qui, dans quelques jours, vous deviendra familière pour le reste de votre vie, vous oubliez même que le temps continuera à s'écouler normalement et que votre vie poursuivra son cours, un peu modifié, par la suite.

  Les semaines s'étirent démesurément, et pourtant dans quelques jours le temps filera à une vitesse effrénée ; l'attente vous paraît si longue, et pourtant dans quelques jours vous en garderez à peine le souvenir, raccourci et condensé dans votre mémoire ; vous ne pensez qu'au dénouement et pourtant ce n'est rien d'autre qu'un point de départ...

mardi 7 août 2012

Pour la postérité

  Nous avons tous envie de laisser une trace sur cette terre, une trace de notre vie, aussi extraordinairement banale soit-elle, et une trace des grands événements qui la ponctuent. Nous rêvons tous inconsciemment, selon nos goûts et nos aptitudes, d'entrer dans un guiness des records, dans les pages du Larousse, dans la base de donnée de Wikipedia, ou même dans l'ombre sacrée du Panthéon. A défaut, nous gravons nos initiales dans l'écorce d'un arbre centenaire, écrivons notre nom sur le sable d'une plage d'âge immémorial, en attendant le jour où il sera inscrit en lettres d'or dans un marbre mortuaire.

  Il y a quelques jours, j'ai découvert une autre façon de laisser une empreinte pour l'éternité. Mon mari et moi avons eu l'occasion de passer une agréable matinée aux urgences de la maternité. Nous en sommes repartis trois heures plus tard avec la réjouissante perspective de nous asseoir une nouvelle fois, dans quelques temps, sur les chaises confortables de la salle d'attente que nous commençons à bien connaître, depuis cinq ans que nous la fréquentons assez régulièrement. Désormais nous nous rendons sans mal à l'accueil administratif, trouvons facilement, munis des précieuses étiquettes, le chemin des salles d'examen et l'emplacement des distributeurs de boissons.

  Mais il est un endroit que je viens à peine de découvrir, malgré cette expérience accumulée depuis quelques années, et je vous demande d'ailleurs par avance de pardonner la trivialité de ce récit - ce sont les toilettes.

  Ceux-ci sont situés, donc, à proximité des salles d'examen mais également des salles de naissance, et on le constate vite, à peine refermée sur soi la porte de la petite pièce. Sur toute sa surface, par dizaines et par centaines, de tout jeunes pères, entraînés dans les lieux par un besoin somme toute naturel, ont exprimé la joie tout aussi naturelle de leur paternité toute neuve en gravant sur la porte le prénom et la date de naissance de leur nouveau-né :

« Nathan, 10 janvier 2008 »

« Kevin, 6 août 2010 »

« Lola, 26 mars 2004 »

« Nine, 14 décembre 2002 »

  Je ne sais quel homme – il s'agit forcément d'un père, la jeune mère étant en général, à ce moment-là, immobilisée avec son nourrisson avant d'être transportée en brancard roulant dans sa chambre – a initié ce rite, mais on devine à travers ces inscriptions maladroites laissées au stylo à bille sur le contreplaqué écaillé de la porte des WC l'émotion paternelle de l'usager des lieux, émotion qu'on suppose bien plus forte que celle qu'il ressentira quelques jours plus tard en déclarant la naissance à un officier d'état civil qui l'inscrira pourtant alors sur les registres éternels de la République.

  Nathan, Kevin, Lola, Nine et les autres ont grandi, fait leurs premiers pas, appris à lire et peut-être à nager. Il se peut pourtant qu'aucun d'entre eux ne soupçonne le geste historique de leur père grâce auquel leur prénom restera à jamais connu de la postérité – à moins qu'un coup de peinture ocre ou beige ne l'enfouisse dans l'oubli pour l'éternité.

dimanche 5 août 2012

Les vacances de Madame Proprette

  Cette année, nous ne partons pas en vacances. Mes précédentes grossesses ayant été légèrement compliquées sur la fin, nous avons jugé plus prudent de profiter des charmes de notre région plutôt que de nous en éloigner excessivement. Mon mari vient donc de reprendre le travail après quinze jours de congé à domicile.

  Nous avons passé une très bonne quinzaine. Et pourtant, chaque fois que l'on nous a demandé où nous partions en vacances cet été, et que nous avons répondu rester à la maison, nous avons assisté à la même réaction chez nos interlocuteurs : mutisme éloquent, regard atterré, moue effrayée, expression de pitié intense, haussement de sourcils navré. Certes nous partirons avec un double plaisir l'été prochain, mais la raison qui nous maintient à domicile cette année nous semble de nature à faire oublier les contrariétés et les contraintes qui l'accompagnent.

  J'aurais d'ailleurs tendance à déduire de ces mimiques, qui révèlent un tel besoin viscéral d'évasion entre juillet et août, que la vie quotidienne de ceux qui les manifestent est un véritable enfer de septembre à juin, et si c'est le cas je m'estime assez heureuse pour ne pas ressentir les mêmes impressions dix mois sur douze.

  D'autant que nous ne sommes pas les seuls à ne pas partir pour d'agréables destinations de villégiature cet été. J'en veux pour preuve nos voisins, Madame Proprette et Monsieur Propre, qui sont en congé eux aussi depuis deux semaines et qui n'ont pas quitté leur domicile pour autant. Les uns et les autres, nous avons su occuper agréablement nos vacances en fonction de nos goûts et de nos contraintes, et chaque jour nous avons pu le constater.

  Pendant deux jours, à chaque fois que nous sortions ou entrions dans l'immeuble, nous pouvions admirer la nouvelle terrasse que Madame Proprette et Monsieur Propre étaient justement en train d'installer devant leur baie vitrée du rez-de-chaussée.

  Un soir, lorsque mon mari est revenu les bras chargés d'une Reine et d'une Napolitaine en provenance du pizzaïolo du bout de la rue, Monsieur Propre venait d'achever de nettoyer à l'éponge sa grosse voiture noire tandis que Madame Proprette donnait un petit coup de chiffon à son paillasson.

  Un après midi, rentrant de la terrasse sur laquelle nous avions pris un pot au soleil, nous avons admiré Monsieur Propre nettoyant la deuxième voiture noire du ménage.

  Plusieurs matins d'affilée, revenant à domicile après avoir passé un moment au parc où mon mari apprend à nos enfants à faire du vélo sans les roulettes, nous avons constaté que Madame Proprette avait minutieusement astiqué le rebord extérieur de ses fenêtres, lavé tous ses rideaux et battu ses tapis.

  Le lendemain, alors que nous prenions un apéritif sur notre balcon, nous avons entendu nos voisins qui nettoyaient leurs volets roulants.

  Un autre après midi, de retour d'un parc où nous avions pris une nouvelle fois une consommation sous un parasol, nous avons constaté aux traînées humides qui s'écoulaient sur le parking qu'ils venaient de nettoyer à grandes eaux la terrasse neuve installée cinq jours auparavant.

  Le lendemain, lorsque nous sommes rentrés d'un pique-nique champêtre, nous avons salué devant l'ascenseur Madame Proprette astiquant avec application l'huisserie de la porte d'entrée de son appartement, côté parties communes. A travers l'entrebâillement, nous avons été éblouis par la propreté immaculée du parquet et la transparence parfaite des vitres. J'ai fait rentrer les enfants le plus vite possible dans l'ascenseur, troublée de réaliser tout d'un coup qu'ils avaient, comme souvent pourtant, les genoux terreux et des traces de chocolat autour de la bouche.

  Enfin, hier matin, mon mari est allé de bonne heure chercher des croissants et des pains au chocolat de façon à savourer particulièrement le dernier petit déjeuner de sa quinzaine de vacances, et alors que nous dégustions nos viennoiseries et que tombaient dans l'indifférence générale des miettes grasses sur le carrelage, nous pouvions percevoir le doux ronronnement de l'aspirateur de nos voisins.

   Nous avons donc passé les uns et les autres d'excellentes vacances à domicile. Il est vrai que je n'échangerais pas les miennes contre celles de Madame Proprette et de Monsieur Propre. Et pourtant je ne vous cache pas que la cuisine aurait bien besoin d'un petit coup de serpillère.

jeudi 2 août 2012

Le berceau de la famille

  Mes prochaines vacances d'été approchent, et différents indices répandus dans l'appartement l'attestent. Une valise à moitié bouclée attend dans un coin, des vêtements microscopiques sortis des cartons ont envahi tout un rayonnage du placard, la poussette canne a été repliée pour laisser la place à l'imposant landau remonté du garage.

  Et, dernier arrivé, le berceau trône dans l'une des chambres. Pour la quatrième fois nous l'avons déménagé, monté et installé. C'est la quatrième fois que je le recouvre de ses parements blancs festonnés, que je noue chaque petit ruban autour des barreaux, que j'y place un drap blanc et une petite couverture, et que j'étends les voilages transparents tout autour du petit matelas. J'ai repensé aux trois occasions précédentes que j'ai eues d'effectuer les mêmes gestes et les mêmes préparatifs : une fois dans une chambre rose, deux fois dans une chambre jaune, et cette fois dans une chambre verte.   

  Et j'ai pensé aussi à celles qui, avant moi, ont noué les mêmes rubans aux mêmes barreaux, et nimbé ce même berceau des mêmes voilages : car voici cinq générations, peut-être plus, qu'il abrite le sommeil des nouveaux-nés de la famille – en témoigne le vernis un peu passé et de discrètes reprises dans les parements. Avant moi, ma mère, ma grand-mère, mon arrière grand-mère, une arrière-arrière-grand-mère et peut-être d'autres avant elles, dans plusieurs régions de France, sur trois siècles successifs, dans différentes demeures pour certaines oubliées, ont préparé le petit lit, imaginant les nouveaux-nés qui viendraient bientôt l'occuper, des nourrissons qui, en prenant place dans la nacelle en bois, ont inscrit leur nom dans l'arbre généalogique dont la branche la plus jeune est en train de s'étoffer.

  En un dernier geste j'ai lissé la surface de la couverture et j'ai tendu le drap pour y faire disparaître les plis. Lorsque, dans quelques semaines ou quelques jours, je me pencherai à nouveau sur le berceau, ce sera pour y regarder dormir un nouveau-né.En attendant

mercredi 25 juillet 2012

Au tout début

  Dans une maternité, il y a un hall où l'on prend un ticket pour attendre son tour. Pas de file d'attente prioritaire pour les femmes enceintes – cela va de soi. Une fois affiché votre numéro, vous vous asseyez devant le guichet : dans une maternité il y a des chaises partout. Le personnel administratif vous demande de décliner votre identité et de fournir votre carte vitale, en échange de quoi vous aurez droit à une grande feuille mystérieuse couverte d'une trentaine d'étiquettes autocollantes mentionnant, sous un code barre, votre nom et votre date de naissance, et dont vous vous demanderez longtemps à quoi elles peuvent bien servir.

  Dans une maternité, on attend beaucoup, on attend la sage-femme qui est en retard, on attend l'infirmière qui doit vous faire votre prise de sang, on attend à l'accueil administratif, on attend aux urgences, on attend dans des couloirs, dans des salles d'attente. De toute façon vous en avez pour neuf mois à attendre, alors... rien ne presse.

  Dans une maternité, il fait chaud. En hiver il fait chaud, en été il fait encore plus chaud, et vous avez le temps de vous en rendre compte pendant les longues minutes que vous passez sur votre chaise dans la salle d'attente.

  Dans une maternité, vous n'existez que sous votre nom de jeune fille. C'est lui qui est marqué sur les trente étiquettes, c'est par lui que les sages-femmes et le personnel administratif vous appelle. Et pourtant, étrangement, tout le monde vous appelle « Madame » : « Madame Nomdejeunefille, c'est à vous. »

  Dans une maternité, on vous parle un langage étrange, fait de lettres et de chiffres. 35 SA, HU 31, DPA 6/04, BIP 80, RCF 154 : quelques mesures obscures, c'est tout ce que vous pourrez savoir sur le petit inconnu qui se prépare.

  Dans une maternité, vous entendez de drôles de bruits. Ici des cris de nourrissons étranges et vigoureux, ailleurs un bruit sourd et rythmé d'environ cent-cinquante pulsations par minute. Vous le reconnaîtriez entre mille, c'est le bruit du cœur d'un bébé qui n'est pas encore né, amplifié, qui résonne dans tout le couloir.

  Dans une maternité, vous croisez de drôles de personnages - outre les sage-femmes en blouses roses et sabots blancs, et les futures mamans à la démarche légère, accompagnées parfois d'hommes aux bras ballants - de minuscules petits êtres couchés dans des berceaux transparents. Vous avez beau avoir déjà des enfants, vous aurez du mal à ne pas les prendre pour des prématurés. Ce n'est que le jour de la naissance que vous comprendrez qu'ils avaient une taille normale : impossible de ne pas oublier à quel point un nourrisson est étonnamment petit.

  Une maternité, c'est un monde un peu à part, souvent à l'extérieur de la ville, un lieu un peu étrange. Et pourtant bien souvent c'est là que tout commence.

mercredi 18 juillet 2012

Anniversaire

  Je me revois il y a un an, le 19 juillet 2011, je venais de créer ce blog tout neuf et de le lancer sur la toile. Un sentiment d'excitation me transportait devant ce support vierge que je voyais s'afficher sur l'écran de mon ordinateur, dont je venais de définir en quelques heures l'apparence, le nom, et la « ligne éditoriale », sur lequel je venais de rédiger une présentation, et où je brûlais de jeter mes premiers billets à l'intention de mes premiers lecteurs.

  Tenir un blog : j'y pensais depuis quelque temps, surtout depuis que tous les membres de mon entourage s'étaient mis les uns après les autres à créer le leur. Mais il me manquait un sujet...

  C'est alors que je suis tombée, un soir, par hasard, sur des blogs tenus notamment par des médecins qui y relataient, sous un angle souvent plus humain et psychologique que médical, des anecdotes, souvent insolites, parfois touchantes, sur leurs patients – des anecdotes qui n'auraient vraisemblablement jamais été écrites à une époque où les blogs n'auraient pas existé. J'ai passé une ou deux heures à les lire, quand l'évidence m'est apparue : toute vie, aussi banale soit-elle, qu'elle se déroule dans un cabinet médical, dans un bureau quelconque, au sein d'un foyer familial, ou ailleurs, regorge d'épisodes saillants, d'émotions, de surprises, de coïncidences, de découvertes. Des banalités dont on ne ferait pas un roman, mais dont le récit aurait toute sa place sur un blog.

  En un tel jour, il est d'usage pour le blogueur qui fête l'anniversaire de son blog de le célébrer par un billet, et, bien souvent, de quantifier sa popularité en décomptant le nombre d'articles écrits, le nombre de commentaires postés, les statistiques de fréquentation et autres données chiffrées dont je vous ferai grâce. Il est aussi d'usage de reconnaître tout ce que ce blog a apporté à son auteur : des réflexions, des rencontres virtuelles, voire réelles, des heures de distraction, le plaisir d'écrire, celui de lire d'autres blogueurs, des moments d'émotion à la lecture du premier commentaire – et de tous les suivants. J'ajouterais pour ma part qu'à la longue un blog finit quasiment par prendre une personnalité, une existence en tant que telle, si bien qu'il cesse d'être le simple reflet de la vie de son auteur pour en devenir en quelque sorte un élément doué de son énergie propre, un moteur qui va jusqu'à donner sa raison d'être à certains moments vécus dont le récit « ferait un bon billet », une entité vivante qui finit par évoluer dans un sens que son rédacteur n'avait pas toujours prévu, et qui, par le biais des commentaires, lui échappe d'une manière extrêmement plaisante, souvent surprenante et toujours enrichissante.

  Qu'importe finalement la notoriété chiffrée d'un blog, son classement sur les annuaires, sa côte de popularité face à l'ensemble innombrable des blogs existants sur le web ? Le plaisir est le même, pour l'auteur d'un modeste blog, de se savoir lu par un petit comité de lecteurs fidèles qui ont la gentillesse de lui porter de l'intérêt.

  Et je m'adresse en particulier à ceux de ces lecteurs qui sont aussi blogueurs : sous quelle impulsion avez-vous un jour ouvert un blog ? Comment a-t-il évolué au fil du temps ? Et quel plaisir tirez-vous de sa rédaction ? J'attends avec impatience vos commentaires, voire vos billets si le sujet avait le bon effet de vous inspirer...

mardi 10 juillet 2012

Épilogue

  Pour patienter entre les différents rendez-vous de ma journée glucose, j'avais emprunté à mes parents, chez qui j'avais déposé les enfants, un livre distrayant et drôle, un livre que j'avais déjà lu mais de ceux qu'on ne se lasse pas de relire.

  Je l'ai ouvert entre l'entretien avec le médecin et la rencontre avec la diététicienne, assise sur une chaise dans un couloir de l'hôpital, bien contente de pouvoir penser à autre chose qu'à ma ration de glucose et à mon équilibre alimentaire.

  Et puis, alors que j'entamais en souriant le second chapitre, un petit signet a glissé sur mes genoux. C'était un morceau de ticket de caisse soigneusement déchiré, plié en deux, qui avait servi de marque page au précédent lecteur de ce livre, et qui y était resté, oublié, pendant des années.

  Pendant plus de six ans : en dépliant le morceau de papier, j'y ai reconnu l'écriture familière de ma grand-mère, celle qui ne sortait jamais sans emporter des pansements pour soigner les égratignures de ses petits-enfants. Entre une annotation un peu mystérieuse, peut-être un livre qui lui aurait été recommandé, et le nom de la boutique qui avait émis le justificatif suivi du nom familier de la rue où celle-ci est située, j'ai découvert, de son écriture, une ancienne adresse où j'avais vécu quelques mois lorsque j'étais parisienne, peu de temps avant mon mariage. J'ai reconnu le numéro de l'immeuble, que j'avais oublié, j'ai repensé au week-end que j'avais passé chez elle depuis Paris, et au couloir où se trouvait la boîte aux lettres qui avait détenu les courriers qu'elle m'avait adressés – parmi les derniers qu'elle ait rédigés de cette même écriture qui surgissait devant moi, par hasard, car l'année suivante ma grand-mère n'était plus.

  J'ai fini ce livre, parmi les derniers qu'elle ait lus, et je l'ai rendu à mes parents à qui, comme moi, elle avait dû l'emprunter. J'ai gardé le signet : peut-être le glisserai-je dans un autre ouvrage où il me servira de marque-page ; peut-être le retrouverai-je, un jour, avec surprise et émotion, dans une salle d'attente ou sur un quai de gare.

jeudi 5 juillet 2012

Âge tendre

  Il y a quelques jours, à l'approche des vacances scolaires, l'enseignante de la classe de moyenne section de mon fils aîné a organisé une sortie scolaire dans le parc voisin. Une petite troupe d'une trentaine d'enfants a traversé le boulevard pour passer la journée sur les pelouses et l'aire de jeu du jardin public, sous la surveillance aigüe d'une bonne dizaine d'adultes, nécessitée par l'âge encore très tendre des écoliers.

  Trente enfants de quatre ans et demi ou à peine cinq ans, trente enfants qui s'en sont donné à 

cœur joie à dévaler les toboggans, à sauter à pieds joints, à se rouler dans l'herbe, à ramasser des pommes de pain et à agiter des branches d'arbre. Trente enfants, dépassant rarement les cent-dix centimètres de haut, qui commencent à peine à perdre leurs dents de lait, découvrant avec émerveillement l'existence de la petite souris et croyant encore fermement à celle du Père-Noël ; trente enfants qui ont toujours peur du noir, des loups et des crocodiles ; trente enfants qui pleurent quand ils se cognent et rient en faisant des grimaces ; trente enfants qui mangent la serviette nouée autour du cou, trente enfants qui sucent encore leur pouce et s'endorment en serrant contre eux leur nounours ou leur poupée.

  Trente enfants qui ont déjà bien grandi, mais qui sont encore si petits.

  Tous sont rentrés ravis de cette journée au grand air. Pourtant mon fils m'a rapporté, non sans une certaine perplexité, la réflexion de l'un des ses camarades :

- Tu sais Maman, Simon m'a dit : « Tu as un sac à dos Winnie l'Ourson ! C'est pour les bébés. »

  Ils en ont pour longtemps à vouloir paraître plus âgés qu'ils ne le sont. Jusqu'au jour où ils guetteront leur première ride et leurs premier cheveu blanc...

dimanche 1 juillet 2012

Une bonne année

  Souvenez-vous... Il y a six mois, j'avais découvert dans le carnet d'évaluation de mon fils aîné, scolarisé en moyenne section, que ce dernier avait, certes, fait “un bon trimestre”, mais qu'il avait besoin de grandir encore.

  Ce qui m'avait un peu étonnée, sachant qu'il avait alors quatre ans et que j'imaginais alors – naïvement – que sa croissance se poursuivrait naturellement dans les mois et les années qui suivraient.

  C'est alors avec anxiété que j'ai attendu l'évaluation de fin d'année. Entre temps, mon fils a fêté son cinquième anniversaire, ses pantalons ont raccourci et il a changé de pointure. Mais qu'en pensent les spécialistes de l'éducation ?   Son développement s'est-il arrêté net au premier trimestre, ou bien s'est-il poursuivi tout au long de l'année ? Et si ce n'est pas le cas, comme semblait le craindre l'enseignante, que faudra-t-il envisager ? Le redoublement, l'orthophoniste ou peut-être le centre aéré cet été, voire l'hospitalisation ?

  J'ai eu la réponse vendredi en recevant la toute nouvelle évaluation. Reconnaissant l'écriture appliquée de l'enseignante, j'ai pris connaissance de l'appréciation que j'appréhendais depuis des mois :

"Très bonne année scolaire pour XXX, il a grandi petit à petit."

  Vous imaginez mon soulagement. Le développement cognitif et affectif de mon fils ne s'est pas interrompu au premier trimestre de l'année scolaire !

  La conclusion s'impose et je la découvre sous la plume de l'institutrice :

"Le voilà prêt pour la grande section."

  J'en suis on ne peut plus ravie. Je crains seulement que la nouvelle enseignante ne diagnostique au sujet de son élève, en décembre prochain, la même nécessité de poursuivre sa croissance...

jeudi 28 juin 2012

Maman bobo

  Hier midi, je sors de l'école avec les enfants, et, comme cela arrive souvent, l'un d'eux tombe sur ses genoux que le port du bermuda laisse découverts. Rien de grave, une éraflure très superficielle comme il y en aura des dizaines d'autres dans le courant de l'été. Mais ce n'est pas une raison pour ne pas pleurer vigoureusement, en réclamant :

- Maman, j'ai mal, je veux un pansement.

  Ma grand-mère, qui connaissait l'âme enfantine et les vertus réconfortantes d'un morceau de sparadrap, ne sortait jamais sans emporter dans son sac à main quelques pansements qu'elle s'empressait d'appliquer sur nos blessures lorsqu'arrivait l'inévitable chute lors d'une promenade familiale. J'avoue être moins prévoyante et moins attentionnée, car je n'ai encore jamais reproduit cet usage.

- Cela va passer, ce n'est rien, on verra à la maison s'il faut mettre un pansement, ai-je dit comme chaque fois, en pensant intérieurement que d'ici à notre retour la douleur aurait disparu.

  Mais le hasard fut plus clément que je ne le suis moi-même. A ce moment précis, une dame d'un certain âge, sortant de l'école où elle vient de déposer ses petits-enfants, approche derrière nous d'un pas menu et silencieux.

- Un pansement ? répète-t-elle.

  Et, s'arrêtant à notre hauteur, en l'espace d'une seconde, elle sort de son sac à main bien rangé un petit étui dont elle extrait un pansement, me le tend, et repart aussi furtivement qu'elle était arrivée. J'ai mis le pansement au genou et du baume au cœur du petit blessé, et nous sommes rentrés.

  Il est heureux le temps où la sollicitude d'une grand-mère et un peu de sparadrap suffisent à apaiser les plus grands chagrins.