dimanche 6 septembre 2015

Mission accomplie

Faire se préparer rapidement les enfants, descendre à l'arrêt de bus, se dire de ne pas se tromper de ligne, monter dans le bus qui arrive, se rendre compte trois arrêts plus loin qu'on s'est quand-même trompé de ligne, faire appel à ses très vagues souvenirs de la topographie de la ville, descendre au terminus, chercher la correspondance pendant cinq minutes sur la place, monter dans un deuxième bus, vérifier qu'on part dans la bonne direction, descendre à destination dans un quartier inconnu, y chercher le centre commercial, trouver l’ascenseur, faire l'achat prévu (sans oublier plan de la ville, ça pourrait servir), chercher l'arrêt de bus (celui de la ligne qu'on aurait dû prendre à l'aller), monter dans le bus (sans erreur cette fois), ramasser les tickets tombés par terre, mettre le frein à la poussette, installer sa fille sur un siège, récupérer sa fille qui hurle de terreur parce qu'une vieille dame s'est assise à côté d'elle, entendre une grande clameur dans le bus et apercevoir en se retournant la poussette renversée, roues en l'air et bébé en dessous, remettre à l'endroit l'enfant cascadeur (qui ne s'est rendu compte de rien), tâcher de ne pas manquer l'arrêt auquel il faut descendre, pousser le portillon, essayer trois clés avant de trouver celle de la boîte aux lettres, ouvrir la porte d'entrée, poser ses affaires – et souffler de fierté en sortant le précieux sésame du sac de courses...

…le petit cahier de dessin oublié dans la liste des fournitures scolaires.


mardi 1 septembre 2015

Riche

Il y a une quinzaine de jours, j'avais emmené les enfants dans un supermarché à proximité de notre nouveau chez-nous, afin d'effectuer quelques petites courses.

D'ordinaire, lorsque je me promène avec mes cinq enfants, je suis abordée au moins une ou deux fois dans les rues ou les rayons des magasins par des commerçants ou des passants qui me demandent invariablement s'ils sont tous à moi, si certains sont jumeaux (voire triplés, pour les mieux inspirés), et, souvent, me félicitent pour cette belle descendance (la quantité tenant peut-être lieu de qualité, peut-être ?).

Mais cette fois, la conversation n'a pas suivi exactement le même cours. La cliente qui m'a interpellée dans le magasin, alors que j'étudiais avec concentration le rayon des chipolatas-merguez, me demandant s'il valait mieux les acheter par douze ou par vingt, a bien commencé par me demander « s'ils sont tous à vous ? ». C'était une femme aux traits fins, d'une soixantaine d'années, et je lui ai répondu positivement.

          - Vous êtes riche, m'a-t-elle alors affirmé d'un ton à la fois doux et convaincu.

C'était la première fois que je me l'entendais dire. Puis elle m'a raconté, avec une nuance de mélancolie dans le regard, que ses deux petites-filles vivent aux États-Unis, et qu'elle venait de leur envoyer un petit livre glissé dans une enveloppe tout juste déposée par elle à la Poste.

          - Vous êtes riche, a-t-elle répété avant de poursuivre son chemin, vous êtes très riche.


Et je suis repartie, les bras chargés - comme toujours lorsque je pars pour de « petites courses » - d'énormes sacs, prête à remplir mes placards, ayant vidé mon portefeuille, avec mes cinq bouches à nourrir, toute ma richesse qui me suivait sur ses dix jambes.