jeudi 26 avril 2012

Jeanne est une suiveuse

  Jeanne a trois ans, bientôt quatre, ses parents habitent dans le quartier, et elle fréquente la même école que mes enfants. Le matin, souvent, je fais une partie du chemin en compagnie de son père qui la dépose dans sa classe avant de conduire la petite soeur chez la nourrice. Plus rarement, je rencontre leur maman, en général déjà partie à cette heure-là pour la capitale où elle occupe d'importantes responsabilités au sein de la Bibliothèque Nationale de France, département Antiquité.

  Les parents de Jeanne se sont rencontrés sur le tard, lui a dépassé la quarantaine, elle en approche rapidement. Avec ses cheveux relevés en chignon, son air concentré, son style vestimentaire classique, un peu vieillot, la maman de Jeanne ne dénote certainement pas dans une bibliothèque. La fréquentation de l'école et des autres parents l'a tout de même poussée à abandonner ses jupes au genou portées avec des ballerines pour des jeans ou pantalons. La maman de Jeanne a toujours beaucoup aimé l'école, le jour de la rentrée de sa fille de deux ans et demi en toute-petite section, elle exprime le souhait que l'institution scolaire transmette « le goût d'apprendre » à cette dernière.

  Les parents de Jeanne sont plutôt sympathiques. A force de les voir au parc, sur le chemin de l'école, nous nous sommes invités une ou deux fois à dîner. « On devrait faire cela plus souvent, sortir en laissant les enfants, ça fait du bien. ». Les parents de Jeanne sont souvent fatigués : leurs filles les réveillent la nuit, et leur rythme de vie, avec les trajets vers Paris pour elle, les déplacements professionnels à l'étranger pour lui, et les différentes garderies, baby-sitters et nourrices pour leurs enfants, est assez compliqué.

  Les parents de Jeanne nous ont reçus dans la maison mitoyenne qu'ils ont acquises il y a deux ans dans le quartier. La maman de Jeanne voudrait un bureau plus spacieux pour travailler à domicile et ranger ses livres – elle rédige un mémoire – , elle se demande s'ils ne vont pas déménager bientôt. Le papa de Jeanne fait du golf et de la planche à voile, pendant les vacances ils partent sur la côte dans la maison familiale.

  Les parents de Jeanne se soucient beaucoup pour leurs filles. Ils aimeraient être plus présents auprès d'elles, c'est difficile avec leurs professions. Ils observent anxieusement leur développement, celui de Jeanne surtout, qui est plus « dans l'affectif », la petite soeur est plus facile. Ce qui les préoccupe le plus, c'est ce que leur a dit la maîtresse au sujet du comportement de Jeanne en classe. Depuis plusieurs mois, souvent, ils m'en reparlent entre 8h20 et 8h25, les sourcils froncés, l'air inquiet. Quand nous les avons invités à dîner aussi, et au parc. Les mois passent mais l'enseignante ne voit pas d'amélioration. Jeanne ne progresse pas beaucoup, de ce point de vue là. Bien-sûr, elle a su écrire son prénom à l'âge de trois ans et demi, mais pour le reste, c'est assez inquiétant.

  Car Jeanne est une « suiveuse ». A l'école elle observe ce que font ses camarades, et elle les imite. Elle ne prend jamais d'initiative. Parfois même il lui arrive de jouer seule dans son coin.

  Ils ne le disent pas, mais cela se déduit de leurs propos : les parents de Jeanne, avec son trench beige à lui, son chignon strict à elle, derrière leur poussette Mac Laren, auraient tellement aimé que leur fille soit une leader.

mardi 24 avril 2012

Une vie extraordinairement banale

  Je ne sais pas si vous êtes comme moi, mais j'ai beau être bien persuadée de mener une vie tout à fait banale, il me reste toujours à l'esprit comme l'étrange et irréductible conviction que mon existence suit un cours exceptionnel bien éloigné du cours normal de celle de mes contemporains.

  Par exemple, on ne pourrait faire un roman de la façon extrêmement banale dont j'ai rencontré mon mari. Deux personnes qui font connaissance au cours de leurs études, dans le cadre de leur profession, ou chez des amis communs, quoi de moins exceptionnel ? Elles se présentent l'une à l'autre, s'apprécient, se trouvent mutuellement, pour d'obscures raisons, un je ne sais quoi que les autres n'ont pas, se fréquentent, et, au bout d'un moment, décident de se marier. Et pourtant, reste cette dérisoire impression d'inédit et d'exception.

  Le jour de leur mariage, elles réunissent leurs proches et leurs amis lors d'une journée parfaitement conventionnelle. Cérémonie, échange des consentements, bouquet et petits fours, coktail, discours, table d'honneur et pièce montée : au même moment le même jour, des centaines d'autres mariées en robes blanches ouvrent le bal au bras de centaines de jeunes époux portant uniformément un costume trois pièces et une perle piquée dans la lavallière. Et malgré cela, le jour de leurs noces reste gravé dans leur souvenir comme un jour unique et à jamais inégalé.

  De même, chaque année je conduis mes enfants chez un médecin qui me confirme que leur courbe de croissance et leur développement suivent parfaitement les normes. Et pourtant je me surprends parfois à admirer l'un de mes rejetons en m'exclamant, par exemple, intérieurement : « C'est vraiment extraordinaire comme il pousse son petit train en disant tchou tchou ! ». Des milliers d'enfants dans le monde sont probablement en train de jouer au train en disant tchou tchou, mais chacun de leurs parents les regarde avec la même conviction que, vraiment, le leur est différent des autres, et promis à une destinée meilleure que les autres.

  D'ailleurs le phénomène remonte souvent à leur naissance. Ce même jour, des centaines de nouveaux-nés aux poings serrés et aux yeux bleus ont poussé leur premier cri, revêtu leur premier pyjama et reçu leurs premiers soins, et le même jour des centaines de parents s'en sont émus comme d'un miracle absolument inédit, recevant avec bonheur les félicitations attendries de leurs proches pour la naissance d'un individu qui passera totalement inaperçu parmi la masse de ses contemporains tout le reste de sa vie.

  Il en est de même dans beaucoup d'autres domaines. Votre chef est le pire qu'on puisse imaginer, vos amis les meilleurs dont on puisse rêver, vos déceptions amicales ou sentimentales les plus douloureuses qui aient jamais été vécues, votre chien le plus affectueux des animaux de compagnie, vos vacances les plus réussies qu'on puisse imaginer.

  Pourquoi devons-nous malgré l'évidence nous défendre contre le sentiment fugace et persistant que notre existence suit un cours tout à fait extraordinaire ? Est-ce un leurre nécessaire que la nature inscrit en nous pour soutenir notre instinct de survie au milieu d'un monde indifférent ? Est-ce le fait que nous ne disposons que d'une seule vie, et que par conséquent, tout ce qui nous arrive prend à nos yeux un caractère exceptionnel que nous étendons à tort à tout le genre humain ?

  Ou bien est-ce que notre vie, aussi anonyme et modeste soit-elle, serait réellement une pièce irremplaçable et essentielle à l'ordonnancement du monde ?

  Quoi qu'il en soit, j'aurais tendance à penser que ce sentiment, réfractaire à tout raisonnement, est partagé par beaucoup. Je serais curieuse de savoir ce qu'en pensent les extraordinaires lecteurs de ce blog...

jeudi 19 avril 2012

Exhaustif

  Vous avez été nombreux à lire mes conseils en matière de création de salon de coiffure, et je vous en remercie. Certaines, notamment Margot et la Belette, m'ont fait remarquer à juste titre que je n'ai pas évoqué l'usage, largement répandu pourtant, de baptiser un établissement de ce genre d'un nom humoristique. C'est une lacune de ma part, je le reconnais, à moins que ce ne soit mon goût naturel pour le raffinement et l'élégance qui m'ait fait omettre de mentionner cette source d'inspiration. Je complète donc de suite mon article.

  Deux options principales s'offrent à vous : TIF et HAIR. Sur ces deux mots un nombre infini de noms spirituels et souvent désopilants peuvent être imaginés : Posi'tif, Diminu'tif, ou bien Capil'hair et Adult'hair en sont des exemples excellents et du meilleur effet. Notez que hair présente aussi l'avantage de pouvoir être utilisé dans une quantité de lieux : Caval'hair ou Gram'hair situé rue Gramme à Paris, comme nous l'a signalé Margot.

  Certains maîtres à penser de la profession ont même réussi avec génie un combo tel que Faudra tif hair ou Ap'hair i tif – peut-être un peu tiré par les cheveux, mais très inventif tout de même.

  Si cet exercice littéraire vous passionne, je vous renvoie vers le blog Devantures, consacré exclusivement aux noms de commerces humoristiques – dont les salons de coiffure – , non sans condamner fermement néanmoins son état d'esprit très irrespectueux à l'égard de nos estimables artisans coiffeurs et de tous leurs confrères commerçants humoristes.

lundi 16 avril 2012

Secrets de beauté

  Comme tout un chacun, il m'arrive de passer de temps en temps devant un salon de coiffure, et même très souvent depuis que mes enfants sont rentrés à l'école et que sur le chemin, pas très loin de la boulangerie, se trouve l'un de ces commerces. Ayant longuement observé ce genre de devantures, je me suis souvent fait la réflexion suivante :

Pourquoi les vitrines des salons de coiffure sont-elles toujours aussi splendides ?”

  Bien-sûr je ne parle pas des établissement franchisés, des grandes chaînes, des Franck Provost et autres, avec leurs vitrines où rien ne dépasse, leurs lumières tamisées, toutes semblables les unes aux autres. Je m'intéresse aux petits commerces locaux, ceux qui donnent encore tant de vie et d'humanité à nos quartiers, à nos villages, ceux qui, comme le bar PMU et le charcutier-traiteur voisins, s'imprègnent de la personnalité de leur propriétaire, ne cherchant pas l'effet tape à l'œil, mais l'authenticité et le naturel. En toute modestie, suite à des années d'observation méticuleuse, je pense avoir découvert les principes qui président à la conception d'une vitrine réussie, et supposant que nombreux sont parmi mes lecteurs ceux qui souhaiteraient ouvrir ce genre d'établissement, sans pour autant avoir les moyens de suivre un master en “Marketing du salon de coiffure”, je me permets de livrer la synthèse de mes conseils en la matière.

  Tout d'abord, il s'agit de trouver un nom pour votre commerce. Si vous êtes spécialisé en coiffure pour dames, il vous faut choisir une enseigne évocatrice, un nom débordant de féminité et de charme. Par exemple : Cléidaïla, Ophélia, Harmonia.

  Gardez-vous bien de baptiser simplement votre entreprise “Ophélia coiffure”. Préférez un titre tel que “Institut de beauté Ophélia – Coiffure – Esthétique – Soins – Bijoux – Prêt à porter”. Inscrivez cet intitulé sur la vitrine, et ornez votre enseigne d'une délicate silhouette féminine posant debout les mains dans les cheveux ou bien assise la tête penchée regardant ses pieds. Vous pouvez aussi ajouter sous le nom, en petits caractères, l'inscription supplémentaire “Paris” :

Ophélia Coiffure – Soins – Bijoux

Paris

  Ça ne sert à rien, mais ça ne mange pas de pain, comme disent vos confrères boulangers.

  Apportez un soin tout particulier à la conception de votre vitrine. Il est indispensable d'exploiter cet espace pour augmenter votre chiffre d'affaires. Choisissez bien votre concept : coiffeur-bijoutier, ou coiffeur-prêt à porter, ou bien coiffeur-institut de soins, voire coiffeur-vétérinaire (en rapport avec le nom de votre commerce bien-sûr).

  Retenez bien que votre vitrine, aussi fournie soit-elle, ne doit surtout pas empêcher le chaland d'apercevoir à l'intérieur les nombreuses clientes élégamment revêtues de leurs blouses, assises la tête en arrière coincée dans un lavabo. C'est le fameux concept de “vitrine horizontale” exclusif à votre profession.

  Veillez donc à composer une collection – de bijoux, vêtements, soins esthétiques ou vétérinaires – à exposer dans votre vitrine. Pour compenser le manque de visibilité dû à l'horizontalité de la vitrine, misez sur des formes et couleurs voyantes. Foulards à fanfreluches et paillettes, sac à mains vernis multicolores, boucles d'oreille de diamètre au moins égal à un bouchon de vernis à ongles, le tout dans des coloris agressifs – misez sur le vert anis, le rose fushia, l'orange vif.

  Disposez quelques étagères basses, si possible dépareillées (vous trouverez votre bonheur dans les vide-greniers). Placez votre assortiment, intercalez quelques ustensiles : brosses, peignes, soins de beauté.

  Ne négligez pas les affichages publicitaires. Dressez de larges panneaux type “Ridoloins” ou “Peaudebébé”que vous calerez derrière les étagères avec un fer à friser ou un flacon de shampoing. N'oubliez pas les alléchantes affiches présentant des jeunes femmes fraîchement coiffées, visage de trois quart, tête baissée, le regard rebelle, ou bien de jeunes mannequins virils, l'air séducteur, les cheveux en brosse luisant de gel capillaire.

  Pour parfaire l'ensemble, placardez sur votre porte d'entrée (que vous veillerez à équiper d'une petite clochette qui vous signalera l'arrivée des clients) des publicités locales qui vous intègreront rapidement au tissu commercial du quartier : “Concours Miss Région” ou bien “Salon du chien d'appartement” seront du plus bel effet.

  Suivez bien tous ces conseils éprouvés : les clients, sensibles tant au raffinement qu'à l'authenticité de votre devanture, n'hésiteront pas une seconde à confier à vos mains expertes leur précieuse chevelure. Et, si la coiffure n'est pas votre vocation, pas d'inquiétude : ces recommandations sont aussi valables pour les salons de toilettage pour chiens.

 

vitrine

jeudi 12 avril 2012

Décor urbain

  Lorsque, en ville, on parcourt quotidiennement à pied le même chemin, comme c'est mon cas pour conduire et chercher mes enfants à l'école, on finit par connaître par cœur les différentes rues empruntées, de l'éraflure sur le trottoir à la peinture qui s'écaille sur les façades, ainsi que certains passants que l'on croise toujours au même endroit dans les mêmes circonstances.

  Et on arrive aussi à remarquer un certain nombre de véhicules garés à peu près toujours à la même place, qui deviennent autant de personnalités familières.

  Sur le chemin qui mène de chez nous à l'école, il y a souvent une voiture grise, reconnaissable à la quinzaine de crayons à papier ikea accumulés près du tableau de bord. Il y a celle qui abrite toujours une fleur fraîche placée dans le petit réservoir prévu à cet effet. Il y a la voiture ornée d'un autocollant de la fédération française d'athlétisme, qui en mentionne la devise – discutable – : « FFA : on est tous des athlètes ! », la vieille espace familiale arborant à l'arrière un autocollant « pèlerinage Lourdes 2009 », celle qui a placé sur son pare-brise la vignette d'un camping en Bretagne, deux ou trois véhicules au rétroviseur arraché, la voiture jaune vif de « Frédéric, coach sportif à domicile », la fourgonnette années 70 transformée en véhicule publicitaire pour l'agence immobilière du quartier, la camionnette du boulanger, toujours mal garée en pleine livraison devant la boutique, une grosse voiture noire flambant neuf avec ses trois sièges auto alignés sur la banquette arrière, une antique mercedes vert bouteille qui arbore fièrement l'emblème de la marque à l'avant de son capot, une petite citadine noire décorée sur les portières de deux fleurs au bout d'une longue tige et de la réflexion insolite «  un peu d'humour », une twingo d'un vert jaune révoltant pour les yeux, une petite voiture orange, une automobile d'un beau bleu céleste, une toute nouvelle arrivée d'un rose mauve inédit, un joli coupé tout juste sorti de l'usine, et, trop rarement, comme un écrin précieux pour sa conductrice, l'élégante décapotable de Miss Arborique.

  Et, pour ceux qui ne seraient pas sensibles à la mécanique, il y a aussi trois jardinières municipales joliment fleuries, deux chats en observation entre la fenêtre et le rideau, et une haie pleine de chants d'oiseaux.

mardi 10 avril 2012

École d'esthétique

  Lorsque je viens chercher mes enfants à l'école, et quand je ne me sens pas d'humeur à bavarder, ni au contraire à rester plantée seule de longues minutes durant faute d'interlocutrice (au féminin, car si les pères de famille sont nombreux le matin à déposer leurs enfants, ils sont très rares à midi comme à 16h30 – une fois encore, la fréquentation d'un établissement scolaire révèle combien le féminisme est toujours un combat d'actualité), dans ces cas-là je m'arrange pour calculer mon horaire de départ avec une précision telle que j'arrive juste au moment où les portes s'ouvrent, voire une petite minute plus tard.

  Hier, peut-être me suis-je trompée en lisant l'heure, ou bien ai-je marché trop vite, toujours est-il qu'il m'a fallu attendre quelques minutes avant « l'heure des parents » – disons plutôt « l'heure des mamans » ou bien éventuellement « l'heure des nounous », pour les raisons précédemment évoquées.

  J'en ai été réduite à attendre derrière ma poussette en regardant ma montre et en écoutant l'air de rien les conversations alentour. A ma droite, Miss Arborique en personne, les cheveux fauves tombant en cascade dans le dos, toujours aussi bronzée, toute élancée dans son pantacourt en jean délavé et perchée sur les hauts talons de ses petites bottines, en pleine discussion avec une femme d'une cinquantaine d'année, venant chercher les enfants dont elle est la nourrice attitrée. Elle avait quitté l'air fermé et peu avenant que je lui vois en général lorsqu'elle ramène ses jeunes pensionnaires pour déjeuner et s'exprimait avec animation, tenant son petit sac à main coquet dans le pli de son coude, les ongles vernis de couleur ocre rappelant la nuance du rouge à lèvre et la teinte des cheveux au mouvement savamment étudié, les yeux abondamment maquillés derrière des lunettes de monture rectangulaire à carreaux noirs et blancs.

- Ah, les sourcils, en fait je me les fais épiler en institut, explique-t-elle à Miss Arborique qui paraît intéressée au plus haut point.

  Un coup d'œil discret au visage de la nourrice aux lunettes à carreaux me révèle en effet derrière la monture une ligne de sourcils absolument parfaite, un accent circonflexe net et précis au millimètre près, qu'on dirait dessiné au pinceau.

- Comme ça j'en ai pour deux ans tranquille.

- Et Augustin au collège Saint Marc, il s'est inscrit pour le pèlerinage ? Parce que Clémence ne pense pas...

  Les échos d'une autre conversation tenue par deux mères de famille que je connais plus ou moins m'empêchent hélas de saisir l'intégralité des propos échangés par Miss Arborique et son interlocutrice. Je dois tendre l'oreille.

- C'est vrai, ça coûte cher ? interroge Miss Arborique.

- Non, mais c'est comme le cours de soutien en anglais, Augustin trouve que l'enseignante est très claire, en revanche en allemand...

- ... d'ailleurs, tout le monde me dit « Ouh la la, ils sont trop beaux tes sourcils ! »

- Mais je lui ai dit, si tu ne veux pas faire de latin, d'accord, mais dans ce cas tu fais classe européenne.

- Ça ne m'étonne pas. Dans mon institut il y a des abonnements ...

- Non, c'est Jean-Paul qui lui fait réviser ses maths. Tu es au courant pour l'exposé d'histoire-géo ?

- Oui, c'est ce que je disais à mon coiffeur, en revanche pour les mèches...

  Malheureusement les portes de l'école se sont ouvertes et toutes, mères, grand-mères, nourrices, nous nous sommes engouffrées sous le préau. « Bonjour Mesdames » salue la directrice en souriant gravement comme chaque jour, l'air pénétré de l'étendue de ses responsabilités.

  Finalement, j'essaierai à l'avenir d'arriver plus en avance. Avec un peu de chance, la prochaine fois, je bénéficierai d'un cours gratuit sur l'utilisation d'un recourbe-cils.

dimanche 8 avril 2012

Mon boulanger est très empathique

  Assez jeune, une petite boucle à l'oreille, un physique plutôt rond accentué par le tablier rouge noué juste sous la taille, mon boulanger a l'habitude de me voir entrer dans sa boutique sur le chemin de l'école, accompagnée, selon les jours, d'un, deux ou trois enfants et d'une poussette.

  Chaque fois qu'il m'arrive d'acheter du pain, je hisse la poussette sur les marches, je franchis la porte à ouverture automatique, je jette un coup d'oeil à l'étalage pendant que le boulanger s'approche derrière le comptoir, « Bonjour, je voudrais un pain de campagne tranché s'il-vous-plait », je rejoins la caisse, sort mon porte-feuille, attrape le sachet de pain, range ma monnaie, dis « au revoir ».

  Et chaque fois, depuis plusieurs mois, le boulanger me répond « au revoir » et, tandis que je me dirige vers la sortie, me lance en souriant d'un air compréhensif :

« Bon courage ! »

  Je suppose qu'il considère que le nombre d'enfants dont je suis affublée en exige beaucoup. J'ose espérer qu'il ne me trouve pas l'air particulièrement épuisé et négligé – je vous assure que même avec trois enfants je trouve le temps de dormir la nuit et de me coiffer le matin. Mais comme je suis d'un naturel plutôt bienveillant et optimiste, je n'ai jamais tellement pris ombrage de cette interjection pourtant insolite de la part d'un commerçant.

  Néanmoins, la dernière fois, celui-ci a franchi une nouvelle limite.

  Comme d'habitude, je suis rentrée, tenant un enfant dans une main, la poussette vide dans l'autre, j'ai franchi les marches, jeté un coup d'oeil à l'étalage. J'ai vu le boulanger saisir un pain, le trancher dans sa machine, le glisser dans un sachet, avant de se diriger vers sa caisse. Un peu interloquée, car j'étais la seule cliente présente, j'ai fini par comprendre qu'il n'avait même pas attendu de me demander ce que je souhaitais avant de me servir.

  Sous le coup de la surprise, j'ai vérifié « Un pain de campagne, c'est ça ? », il a répondu par l'affirmative, j'ai sorti mon portefeuille, attrapé le sachet, rangé ma monnaie, et je suis sortie en disant au revoir.

  « Bon courage ! » a-t-il lancé en souriant comme d'habitude.

  J'ai peut-être l'esprit de contradiction, mais je crois bien que la prochaine fois je prendrai une baguette.

mercredi 4 avril 2012

Films noirs

  Je connais Emeline depuis un certain nombre d'année. Emeline a beaucoup de qualités, elle est très gentille, douce et enjouée. Mais elle a un don, qu'elle ne soupçonne même pas, pour jeter un froid dans la conversation. Il suffit de lui demander si elle est allée récemment au cinéma. Ne comptez pas sur elle pour aller voir des films à succès : je doute qu'elle ait jamais entendu parler de Twilight, elle ignore que Tintin a été récemment adapté au cinéma, et elle n'a certainement jamais vu de film en 3 D.

  Cela ne l'empêche pas de se rendre de temps en temps dans une salle obscure, assister à la projection d'oeuvres plus obscures encore, d'autant qu'elle oublie généralement leur titre.

“J'ai vu un film, j'ai oublié son nom, c'était l'histoire d'un homme qui meurt dans les attentats du World Trade Center, et avant de mourir il essaie de téléphoner chez lui, il laisse trois messages sur le répondeur, son fils les découvre et cache le magnétophone pour que sa mère ne les entende jamais, et il passe toute sa vie par la suite à tenter de découvrir ce qu'ouvrait une clé laissée par son père, et en fait elle n'ouvrait rien du tout, mais c'était sa façon de faire son deuil et de retrouver son père.”

  Samedi soir, nous avions réuni quelques proches à l'occasion de la venue d'Emeline, tout le monde était bavard et de bonne humeur deux minutes avant, mais d'un seul coup le silence est tombé. Toute vélléité d'aborder un sujet léger ou drôle semblait devenue tout à fait inopportune. Il n'y avait plus qu'à finir d'une traite son verre de martini.

“C'était très bien, j'ai passé tout le film à pleurer, ça m'a beaucoup plu”.

  Pour rompre le silence, l'un des membres de l'assemblée, espérant sans doute qu'Emeline en vienne à parler d'Intouchables, lui demande :

“Et tu as vu autre chose récemment ?”

“Oui, j'ai vu un autre film, il y a quelques mois, c'était l'histoire d'un adolescent qui avait été abandonné petit par sa mère, il finit par la retrouver, mais elle se drogue, elle le bat, il s'enfuit, il tombe dans la délinquance, à la fin il se suicide après l'avoir tuée.”

  Après quelques instants de silence recueilli, Emeline termine, les yeux brillants :

“C'était très beau, j'ai pleuré pendant tout le film. J'ai beaucoup aimé”.

  Tout d'un coup la vie apparaît aussi sombre que le fond d'une bouteille de porto. On n'entend plus que les glaçons qui s'entrechoquent dans les verres.

“C'était avec un acteur connu, rajoute Emeline, inconsciente du malaise général, attendez, comment s'appelle-t-il... ah oui, Tom Hanks.”

“Ah Tom Hanks !” s'écrie le reste de l'assemblée d'une seule voix, soulagée de pouvoir se raccrocher à un élément connu et positif.

  La ronde des biscuits apéritif reprend, le niveau des alcools descend à nouveau dans les verres.

“Et sinon, Emeline, qu'est-ce que tu lis en ce moment ?”

  Qui a posé la question, je ne m'en souviens plus, mais c'était une mauvaise idée.

lundi 2 avril 2012

Un petit clic pour une grande cause

  En tant qu'auteur des « ExtraorIMG 0674dinaires banalités », et au risque de me démarquer de certains blogueurs – qui se reconnaîtront – il vous est apparu que je n'hésite pas à prendre des partis audacieux et à défendre courageusement certaines causes, choisies avec indépendance et anticonformisme. La dénonciation du terrorisme, l'extermination des rongeurs, la promotion des petits cabarets de province, voici des sujets brûlants que j'ai traités sur mon blog de façon à étendre auprès de mes lecteurs la prise de conscience qu'ils font naître en moi.

 

  Une nouvelle cause me paraît digne d'être défendue, une entreprise encore balbutiante et peu connue qui mériterait, à mon humble avis – sans doute un peu en avance sur son temps – une large diffusion et un grand succès.

 

  Il s'agit d'un réseau social qui répond au nom de facebook.


  Pour soutenir ce site internet et son concepteur, j'ai généreusement décidé de créer une page facebook consacrée à mon blog.

 

  Vous aussi, faites une bonne action : en haut à droite de cette page, cliquez sur « J'aime » les Extraordinaires banalités d'Albane. Facebook a besoin de vous.