mardi 10 juillet 2012

Épilogue

  Pour patienter entre les différents rendez-vous de ma journée glucose, j'avais emprunté à mes parents, chez qui j'avais déposé les enfants, un livre distrayant et drôle, un livre que j'avais déjà lu mais de ceux qu'on ne se lasse pas de relire.

  Je l'ai ouvert entre l'entretien avec le médecin et la rencontre avec la diététicienne, assise sur une chaise dans un couloir de l'hôpital, bien contente de pouvoir penser à autre chose qu'à ma ration de glucose et à mon équilibre alimentaire.

  Et puis, alors que j'entamais en souriant le second chapitre, un petit signet a glissé sur mes genoux. C'était un morceau de ticket de caisse soigneusement déchiré, plié en deux, qui avait servi de marque page au précédent lecteur de ce livre, et qui y était resté, oublié, pendant des années.

  Pendant plus de six ans : en dépliant le morceau de papier, j'y ai reconnu l'écriture familière de ma grand-mère, celle qui ne sortait jamais sans emporter des pansements pour soigner les égratignures de ses petits-enfants. Entre une annotation un peu mystérieuse, peut-être un livre qui lui aurait été recommandé, et le nom de la boutique qui avait émis le justificatif suivi du nom familier de la rue où celle-ci est située, j'ai découvert, de son écriture, une ancienne adresse où j'avais vécu quelques mois lorsque j'étais parisienne, peu de temps avant mon mariage. J'ai reconnu le numéro de l'immeuble, que j'avais oublié, j'ai repensé au week-end que j'avais passé chez elle depuis Paris, et au couloir où se trouvait la boîte aux lettres qui avait détenu les courriers qu'elle m'avait adressés – parmi les derniers qu'elle ait rédigés de cette même écriture qui surgissait devant moi, par hasard, car l'année suivante ma grand-mère n'était plus.

  J'ai fini ce livre, parmi les derniers qu'elle ait lus, et je l'ai rendu à mes parents à qui, comme moi, elle avait dû l'emprunter. J'ai gardé le signet : peut-être le glisserai-je dans un autre ouvrage où il me servira de marque-page ; peut-être le retrouverai-je, un jour, avec surprise et émotion, dans une salle d'attente ou sur un quai de gare.

9 commentaires:

  1. Grâce à toi, j'ai repensé à mes grand-mères qui étaient des femmes formidables et à qui je pense tellement souvent. Merci à toi de m'avoir accordé une opportunité supplémentaire de fouiller dans mes souvenirs. La semaine dernière, je me suis rendu à la dernière adresse de l'une d'entre elles, alors que je ne l'avais pas prévu.

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  2. Chère Albane, A la lecture de votre post,j'arrive à visualiser cette scène ....telle 'la première gorgée de bière' ...Continuez ainsi a nous régaler par vos écrits . A bientot Laetitia ps:quel etait le livre?

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  3. J'oublie régulièrement mes marque-pages dans mes livres. J'aime les retrouver plusieurs années plus tard. J'aime aussi trouver les signets des lecteurs précédents lorsque j'achète mes livres chez Emmaüs. Le livre a ainsi toute une histoire ! Que lisais-tu ?

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  4. Avec une grand-mère partie cet hiver, il ne se passe pas une journée sans ce genre de choses. Là une recette écrite de sa main qu'elle m'avait envoyé, ici une expression qui sort et vient d'elle...L'absence criante mais la présence permanente.

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  5. Oh que j'aime ce billet, Ces souvenirs retrouvés par hasard, dans des fonds de poche, ces marques pages ou annotations dans un roman... ce sont presque les premiers "blogs"... Merci de me replonger dans ces "moments mémoire" si importants!

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  6. Mais que n'as-tu laissé le signet dans ce livre familial ma chère Albane ?! Il va falloir que j'en fabrique un autre et que je te l'envoie pour remplacer, mais ce ne sera pas tout à fait la même chose...

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  7. Je dirais sobrement, comme Top : bel article !

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  8. <a href="http://18 juillet 2012 à 02:48

    Merci, chère Belette, je continue ma cure de glucose, on va maintenant passer aux truffes au chocolat hongroises. Sache pour autant que je n'ai rien contre les pommes de terre à l'eau...

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