jeudi 23 février 2012

Le carnaval de l'école

  Mardi dernier, mardi gras, a eu lieu le Carnaval de l'école de mes enfants : l'après midi la plus attendue de l'année, à égalité avec la fête de l'école du mois de juin.

  C'est avec un enthousiasme inhabituel et non dissimulé que mes enfants se sont préparés et déguisés, après le déjeuner, pour rejoindre leur établissement scolaire. Une épée, un bouclier et un pistolet prudemment rangés dans un sac, les costumes enfilés, invisibles sous les manteaux, à l'exception du chapeau de shérif porté par dessus le bonnet, nous sommes partis pour l'école.

  Dans la cour, un spectacle insolite s'est offert à nous : des dizaines de créatures costumées évoluant bruyamment dans un climat d'agitation et d'excitation palpable. Des chevaliers par quinzaines, de nombreux cowboys, cinq ou six clowns, quelques animaux – un dalmatien, un dinosaure, en larmes d'ailleurs, et deux ou trois lapins – plusieurs exemplaires de batman et de spiderman, un bataillon de pompiers, quelques pirates, occupés, pour beaucoup, à croiser le fer, le sabre, le revolver ou je ne sais quelle bat-arme, dans des combats inédits et vigoureux.

  Et puis, un peu à l'écart de cette agitation virile, les filles. Un cortège de princesses, reines et fées en grande discussion, dans un doux bruit de froufrou, revêtues de somptueuses robes aux tons pastel – rose pâle, bleu pâle, jaune pâle – diadèmes étincelants sur le front, baguettes magiques à la main, ailes colorées dans le dos, sous une profusion de paillettes, rubans, perles, tulles et dentelles. Un spectacle chatoyant qui tranchait avec l'habituelle sobriété de leurs tenues, et celles de leurs mamans d'ailleurs, qui déploient rarement une telle féminité exacerbée dans leur habillement. On se demande comment ce goût pour les robes de princesses et les contes de fées survit de façon aussi unanime chez toutes ces petites filles, mais, si j'en crois mes fils, le spectacle de leurs camarades revêtues de leurs splendides atours a suscité beaucoup d'admiration chez les garçons. Il semble que les féministes n'ont pas encore gagné leur combat...

  En ce jour exceptionnel, même les enseignantes ont joué le jeu. Pas de robe de princesse, certes, à l'âge adulte les fées se transforment en sorcières, et plusieurs institutrices, tout de noir vêtues, arborent un chapeau tordu et une longue cape. La directrice, plus souriante que je ne l'ai jamais vue, une spatule à la main, accueille les enfants revêtue de son tablier et coiffée d'une toque de cuisinier. Il n'y a que les parents d'élèves qui détonnent, aujourd'hui, avec leur habillement terne, au milieu de cette foule bigarrée... à l'exception de cette femme, là-bas, qui m'a bien l'air de s'être déguisée en top model saison automne-hiver. Non, à y regarder de plus près, il s'agit simplement de Miss Arborique.

  Les parents quittent un à un l'école, on aurait presque envie d'enfiler un costume et de rester festoyer avec nos enfants. C'est sans regret aucun, et à peine un au-revoir, que ceux-ci nous laissent partir, pourtant, et les portes de l'école se referment sur ce petit monde tout occupé à s'amuser comme jamais...

  Trois heures plus tard, je viens récupérer mes enfants : les joues sont rouges, les regards brillants. Madame la directrice a quitté son costume de chef, les enseignants ont l'air un peu fatigué ; le ressort du revolver est cassé, et l'épée démontée, endommagés dans de rudes et nombreux assauts. Demain l'école, encore jonchée ce soir de confettis, aura repris son allure respectable et un peu austère, les bureaux s'aligneront à nouveau en face des tableaux noirs qui reprendront leur studieux service. Mais pour quelques heures, dans les yeux des enfants, l'établissement scolaire s'est transformé en palais des mille et une nuits, en château de conte de fées, en caverne d'Ali Baba. Et, sur le chemin du retour, en les écoutant raconter, volubiles, leur après midi de carnaval, ce sont quelques bribes enchantées de notre propre enfance qui surgissent en nous avec force.

  Vivement l'année prochaine.

2 commentaires:

  1. Si bien raconté... J'aimerais moi aussi retrouver l'enthousiasme de mes 4 ans et me ballader à nouveau dans la rue dans mon costume de libellule !

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  2. C'est toujours étonnant, en effet, de constater à quel point le goût du déguisement est naturel et évident chez les enfants...

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