vendredi 17 février 2012

Prise de risque

  Vous vous souvenez peut-être de la soirée chic que j'avais passée, étudiante, dans l'appartement de Daniel et de Monique, mon parrain et son épouse, que je n'avais pas revus depuis des années. Daniel, d'ailleurs, m'avait confié à cette occasion qu'il disait parfois à Monique qu'à ce rythme là ils ne me reverraient pas avant mon mariage. Assise sur leur jolie banquette de style, mon verre de jus de fruit à la main, j'avais alors pensé intérieurement que Daniel s'avançait peut-être un peu, et qu'il semblait bien sûr d'être convié à cet événement encore hypothétique.

  Une fidèle lectrice m'a demandé, en commentaire, si, depuis cette mémorable soirée, j'avais eu l'occasion de revoir Daniel et sa femme. Il est vrai qu'ils m'avaient vaguement proposé de revenir passer une soirée chez eux, mais ils n'y mirent pas d'insistance particulière et je me suis gardée de les envahir à nouveau.

  J'ai eu par deux fois l'occasion de revoir mon parrain. La première fois, en déplacement professionnel dans la région, il était venu passer une soirée chez mes parents, chez qui je me trouvais justement. Je participai discrètement à la conversation, me contentant d'écouter d'une oreille distraite Daniel évoquant le caractère stationnaire et trop peu ambitieux à son goût de la carrière professionnelle de son épouse, davantage préoccupée que j'étais par le nombre de ballotins de dragées à réaliser, ou peut-être par l'impression des faire-part : il se trouve que j'étais à trois mois de me marier. Le sujet finit tout de même par arriver dans la conversation :

« Le mariage, c'est quand-même une prise de risque, non ? »

  Je suppose que Daniel me trouvait bien jeune pour convoler, mais sa remarque me fit toutefois sursauter. Lorsqu'il quitta mes parents, je l'entendis, depuis ma chambre où je m'étais réfugiée après le dessert, les interroger, dans l'entrée, sur leurs sentiments à propos de cette union bien risquée. J'eus le soulagement d'entendre mes parents assurer qu'ils étaient confiants, mais je doute qu'ils aient réussi à contenir le scepticisme de leur hôte.

  Daniel et Monique ont toutefois assisté à ma « prise de risque », l'air un peu contraint, et c'est donc le jour de mon mariage que je les ai vus pour la toute dernière fois.

  Depuis, nos rapports se limitent à une carte de vœux annuelle, emprunte, pour celle de Daniel, d'un pessimisme de plus en plus marqué : « En dépit d'un contexte économique difficile, des incertitudes quant au marché de l'emploi, et de la crise financière, nous vous souhaitons une très bonne année » ; aux faire-part de naissance que nous leur adressons, et aux félicitations, un peu convenues, que nous recevons en retour : « Que la naissance de votre enfant ne vous fasse pas négliger pour autant votre vie de couple ».

  Emploi, mariage, naissances, l'existence n'est qu'une immense prise de risque...

4 commentaires:

  1. Lorsqu'on aime quelqu'un, la prise de risques est infime de se marier. En ne se mariant pas, on peut risquer de le perdre...

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  2. Je prends le risque de te féliciter pour cet article.

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  3. Sortir ses poubelles le soir représente aussi une sérieuse prise de risques (agressions, glissé sur peau de banane, voiture qui rate le virage...) !

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  4. Je crois que tu lui en demandes beaucoup, là (surtout depuis la perte du AAA).

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