dimanche 5 août 2012

Les vacances de Madame Proprette

  Cette année, nous ne partons pas en vacances. Mes précédentes grossesses ayant été légèrement compliquées sur la fin, nous avons jugé plus prudent de profiter des charmes de notre région plutôt que de nous en éloigner excessivement. Mon mari vient donc de reprendre le travail après quinze jours de congé à domicile.

  Nous avons passé une très bonne quinzaine. Et pourtant, chaque fois que l'on nous a demandé où nous partions en vacances cet été, et que nous avons répondu rester à la maison, nous avons assisté à la même réaction chez nos interlocuteurs : mutisme éloquent, regard atterré, moue effrayée, expression de pitié intense, haussement de sourcils navré. Certes nous partirons avec un double plaisir l'été prochain, mais la raison qui nous maintient à domicile cette année nous semble de nature à faire oublier les contrariétés et les contraintes qui l'accompagnent.

  J'aurais d'ailleurs tendance à déduire de ces mimiques, qui révèlent un tel besoin viscéral d'évasion entre juillet et août, que la vie quotidienne de ceux qui les manifestent est un véritable enfer de septembre à juin, et si c'est le cas je m'estime assez heureuse pour ne pas ressentir les mêmes impressions dix mois sur douze.

  D'autant que nous ne sommes pas les seuls à ne pas partir pour d'agréables destinations de villégiature cet été. J'en veux pour preuve nos voisins, Madame Proprette et Monsieur Propre, qui sont en congé eux aussi depuis deux semaines et qui n'ont pas quitté leur domicile pour autant. Les uns et les autres, nous avons su occuper agréablement nos vacances en fonction de nos goûts et de nos contraintes, et chaque jour nous avons pu le constater.

  Pendant deux jours, à chaque fois que nous sortions ou entrions dans l'immeuble, nous pouvions admirer la nouvelle terrasse que Madame Proprette et Monsieur Propre étaient justement en train d'installer devant leur baie vitrée du rez-de-chaussée.

  Un soir, lorsque mon mari est revenu les bras chargés d'une Reine et d'une Napolitaine en provenance du pizzaïolo du bout de la rue, Monsieur Propre venait d'achever de nettoyer à l'éponge sa grosse voiture noire tandis que Madame Proprette donnait un petit coup de chiffon à son paillasson.

  Un après midi, rentrant de la terrasse sur laquelle nous avions pris un pot au soleil, nous avons admiré Monsieur Propre nettoyant la deuxième voiture noire du ménage.

  Plusieurs matins d'affilée, revenant à domicile après avoir passé un moment au parc où mon mari apprend à nos enfants à faire du vélo sans les roulettes, nous avons constaté que Madame Proprette avait minutieusement astiqué le rebord extérieur de ses fenêtres, lavé tous ses rideaux et battu ses tapis.

  Le lendemain, alors que nous prenions un apéritif sur notre balcon, nous avons entendu nos voisins qui nettoyaient leurs volets roulants.

  Un autre après midi, de retour d'un parc où nous avions pris une nouvelle fois une consommation sous un parasol, nous avons constaté aux traînées humides qui s'écoulaient sur le parking qu'ils venaient de nettoyer à grandes eaux la terrasse neuve installée cinq jours auparavant.

  Le lendemain, lorsque nous sommes rentrés d'un pique-nique champêtre, nous avons salué devant l'ascenseur Madame Proprette astiquant avec application l'huisserie de la porte d'entrée de son appartement, côté parties communes. A travers l'entrebâillement, nous avons été éblouis par la propreté immaculée du parquet et la transparence parfaite des vitres. J'ai fait rentrer les enfants le plus vite possible dans l'ascenseur, troublée de réaliser tout d'un coup qu'ils avaient, comme souvent pourtant, les genoux terreux et des traces de chocolat autour de la bouche.

  Enfin, hier matin, mon mari est allé de bonne heure chercher des croissants et des pains au chocolat de façon à savourer particulièrement le dernier petit déjeuner de sa quinzaine de vacances, et alors que nous dégustions nos viennoiseries et que tombaient dans l'indifférence générale des miettes grasses sur le carrelage, nous pouvions percevoir le doux ronronnement de l'aspirateur de nos voisins.

   Nous avons donc passé les uns et les autres d'excellentes vacances à domicile. Il est vrai que je n'échangerais pas les miennes contre celles de Madame Proprette et de Monsieur Propre. Et pourtant je ne vous cache pas que la cuisine aurait bien besoin d'un petit coup de serpillère.

5 commentaires:

  1. J'inviterais bien Mr et Mme Proprette à la maison. Penses-tu pouvoir leur transmettre mon invitation ?

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  2. Excellentes vacances pour nettoyer... On ne peut pas vraiment appeller ca de la détente, en tout cas ce texte m'a bien fait rire ^^

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  3. Ahahah ! Monsieur Propre et Madame Proprette ont l'air d'avoir de riches personnalités, mais je ne crois pas que j'irai passer des vacances avec eux ! Par contre, les pizzas...

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  4. Pas trop de ménage, ça favorise les contractions !

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  5. <a href="http://20 août 2012 à 20:06

    C'est une idée ! Ils pourraient même revenir pendant quelques jours après mon retour, il y a toujours à faire, non ?

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