dimanche 23 octobre 2011

Savoir dire non

Acte 1, juillet dernier, au jardin public, le parc Arborique

  Je rencontre Madame Ducour, une maman de l'école malheureusement pas encore partie en vacances. Madame Ducour va reprendre, à la rentrée prochaine, la responsabilité de la « commission bidule » de l'association des parents d'élèves de l'école. L'association, dont tous les parents sont membres d'office, compte une dizaine de commissions diverses destinées à animer la vie de l'établissement, organiser la fête de fin d'année, les ventes de gâteaux, le choix des livres de bibliothèque – bref, une vraie petite entreprise.

  Madame Ducour a besoin de monde pour la « commission bidule ». Pour différentes raisons, je ne suis pas du tout intéressée. Une autre commission, pourquoi pas, mais la « commission bidule », non. Pourtant je suis bien élevée, très polie, et je l'écoute d'un air vague et aimable, me composant une attitude savamment distraite destinée à lui faire comprendre que je n'ai aucune envie de prendre part à la « commission bidule », et essayant de changer de sujet le plus vite possible : « Et sinon, vous partez où en vacances ? »

  Je la quitte peu de temps après, fière de ma stratégie très efficace et de ma grande diplomatie. La « commission bidule », ce sera sans moi.

Acte 2, début octobre, dans la cour de l'école

  Je viens de récupérer mon fils à la fin de la matinée, l'esprit serein, le sourire aux lèvres, et je m'apprête à rentrer déguster un excellent déjeuner pâtes-steack hâché avant de reprendre le chemin de l'école une heure plus tard. Quand tout à coup, Madame Ducour surgit devant moi et, de but en blanc, me demande « Tu es toujours d'accord pour faire partie de la « commission bidule » ? »

  Non, je n'ai jamais dit que j'étais d'accord pour faire partie de la « commission bidule », et qui lui a permis de me tutoyer ? Prise au dépourvu, je baragouine que peut-être, je lirai votre mail, euh ton mail, on en reparle.

  Je rentre manger mon steack en me demandant ce qui a bien pu échouer dans ma fine stratégie du mois de juillet. Heureusement, j'ai confiance en mes talents, je vais inventer une excuse bidon, la « commission bidule » ce sera sans moi.

Acte 3, le lendemain, toujours dans la cour de l'école.

  « ALBANE ! » Madame Ducour m'interpelle d'une voix forte alors que je file déguster mon jambon-purée avec les enfants. Non mais ce n'est pas vrai, maintenant elle m'appelle par mon prénom, pourtant je ne me souviens pas lui avoir dit comment je m'appelle.

  « Alors Albane, tu as réfléchi pour la « commission bidule » ? »

  Un peu hésitante, mais sûre de l'effet escompté, je sors mon excuse bidon : « C'est-à-dire que ça va être compliqué cette année, mon mari va prendre de nouvelles fonctions, il va être très occupé, je vais tout devoir faire moi-même à la maison, j'ai peur de ne pas avoir le temps, ou peut-être juste pour donner un petit coup de main ponctuellement ».

  Regard vide de Madame Ducour.

  « Non mais tu sais, nous aussi c'est pareil, ça ne prend pas beaucoup de temps. On fait une réunion jeudi, si tu préfères à cause de tes enfants, on peut la faire chez toi ? »

  Je savais bien que mon excuse était bidon, mais Madame Ducour aurait dû comprendre que ça voulait dire non et me laisser tranquille. Et au lieu de ça, elle me propose de faire la réunion chez moi ! « On se rappelle », j'ai dit : toujours adepte de la tactique « gagner du temps ». Car mon but reste identique. La « commission bidule », ce sera sans moi .

Acte 4, le jeudi suivant

  La réunion de jeudi a été fixée par mail, mais j'ai pris bien soin de n'y répondre qu'après trois relances de Madame Ducour trois jours de suite dans la cour de l'école, afin qu'elle comprenne bien mon manque d'intérêt pour la chose. Sylvie (recrutée d'office, ce qui ne sera pas mon cas !) s'est proposée pour accueillir la réunion chez elle. Par la plus grande des malchances (ou était-ce un prétexte habile inventé par mon cerveau génial ? Personne ne le saura jamais.) une malencontreuse fuite d'eau m'empêche de prendre place au sein de la nouvelle composition de la « commission bidule ». Elles verront bien qu'on peut se passer de moi, finalement. La « commission bidule », ce jeudi matin, c'était sans moi.

Acte 5, le lendemain

  J'allume mon ordinateur. Tiens, encore un mail de Madame Ducour. Tiens, il est adressé à la directrice de l'école.

  « Madame la Directrice,

Je vous informe de la nouvelle composition de la « commission bidule » : moi-même, Sylvie X, Marie Y, et Albane. »

 

Voilà comment j'ai intégré la « commission bidule ». Je fais comment maintenant pour en sortir ?

6 commentaires:

  1. C'est très kafkaïen ! Très drôle à lire mais peut-être moins en vrai, mais bon vous allez le gagner ce procès... Bon courage !

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  2. renvoyer un mail à la directrice en mettant madame commission bidule en copie en apportant la rectification que tu ne fais pas partie de la dite commission?

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  3. Eh bien.... bonne chaaaaaance......! Il eut fallu paraitre peut-être indélicate mais dire un vrai "non". "Que ton oui soit oui, que ton non soit non" ! Et tu peux me dire par mail ce qu'est la commission bidule en vrai ? ;)

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  4. Comme Virginie ! Envoyer un mail à la directrice en mettant en copie Mme Ducour... Et la prochaine fois, ne pas hésiter à dire NON dès le départ, bien clairement ! ;-)

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  5. <a href="http://24 octobre 2011 à 20:29

    @ labelette, Virginie et Aurélie : merci pour votre soutien et vos suggestions, je n'ai plus qu'à préparer ma nouvelle stratégie ;)

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