mercredi 4 septembre 2013

Il faut sauver le petit lapin gris

Un lundi matin du mois de juillet (ou peut-être était-ce un jeudi du mois d'août – mais qu'importe).

Un jardin public en pleine ville, un soleil qui chauffe déjà fort malgré l'heure matinale, peu de monde à part mes quatre enfants qui s'amusent sous ma surveillance.

10h37 : depuis le banc où je suis assise, deux policiers municipaux traversent mon champ de vision en parcourant l'allée principale du parc.

10h41 : « Maman, tu as vu, l'un des deux policiers portait un petit lapin dans ses mains. » Par habitude j'accorde une attention légère à ces propos, ayant déjà entendu parler auparavant d'un squelette enterré sous le toboggan, d'un voleur caché dans un arbre et d'un crocodile tapi dans les égouts.

10h43 : retour des deux policiers municipaux. Au temps pour moi : l'un d'eux porte effectivement un petit lapin gris dans les bras.

« Vous avez un jardin, Madame ? Vous ne voudriez pas adopter ce lapin ? »

Je n'ai pas de jardin et guère l'envie d'adopter un quelconque léporidé à quelques jours de mon départ en vacances, n'en déplaise à mes enfants qui accourent assister à la conversation.

« On l'a trouvé dans la rue, on voulait le laisser dans le jardin, mais il nous suit. »

« Cela doit être un lapin domestique, ajoute l'autre policier. Si on le laisse, il va se faire dévorer par un rat ou écraser par une voiture. »

« Qu'est-ce qu'on va bien pouvoir en faire alors ? »

10h48 : Les tergiversations policières se poursuivent quand soudain bondit une dizaine de puces sur le bras de l'agent en train de caresser la fourrure du lapin.

« Bon sang ! » s'exclame le policier en lâchant l'animal à terre.

10h52 : La décision est prise. Il faut sauver le petit lapin gris.

« J'appelle le PC. »

Le policier dégaine son talkie-walkie qui grésille en s'allumant.

« Allô PC, vous me recevez ? »

« 5 sur 5 Brigadier, je vous écoute ».

« On a un gros problème. Un petit lapin gris. »

« Un petit lapin gris ? »

« Ouais, on voulait le relâcher mais c'est un lapin domestique, il va se faire dévorer. Et puis il est plein de puces. »

« Je vois. Il faut sauver le petit lapin gris. J'en parle au chef, je vous rappelle. »

10h54 : Après quelques instants, le talkie-walkie grésille à nouveau.

« Brigadier, ici le PC. Bon, le chef a décidé, vous allez conduire le lapin chez un vétérinaire. »

« OK, mais on fait comment, il est plein de puces ? »

10h56 : Décision est prise d'aller demander un carton vide dans l'un des immeubles de bureaux d'à côté. Pendant ce temps le petit lapin gris et ses puces prennent du bon temps sur la pelouse.

11h03 : Retour de l'agent de police muni d'un carton et de son couvercle.

« Je leur ai dit : il faut sauver le petit lapin gris. Ils m'ont trouvé une boîte vide. »

11h04 : Au mépris du danger, l'un des agents s'empare courageusement du lapin qui se laisse enfermer dans la boîte en carton.

« Est-ce qu'il va mourir ? » me demande l'un des enfants.

11h06 : Les deux policiers sortent du jardin public, portant leur précieux chargement, les talkies-walkies rangés à leur ceinture, le pas lent et la démarche grave.

On a sauvé le petit lapin gris.

 

lapin-gris.jpg

 

 

 

 

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14 commentaires:

  1. Bravo, j'ai énormément aimé cette histoire, notamment grâce à une qualité de narration de haut niveau, fine et sensible !

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  2. Merci pour ce bon moment de rire depuis le TGV ! Enfin la police montre un visage humain envers les petits animaux, depuis le temps que j'attendais une nouvelle de ce genre !

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  3. ...ne me dite pas que ces faits sont réels ....ou alors les personnages principaux n'étaient pas des agents municipaux ....tout est bien qui finit bien bonne journée Laetitia

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  4. Oh la la, mes abdos me font mal, je n'en peux plus de rire... Après Il faut sauver le Soldat Ryan, nous voilà bien avec maintenant "il faut sauver le petit lapin gris!".... Heureusement que la police veille !

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  5. L'histoire est mignonne et amusante et vous la contez fort bien. Mais, comment dire, elle me laisser quelque chose d'amer au fond du gosier. Tout le monde s'accorde à dire que le pays va mal, insécurité...et nos agents sont occupés à sauver des lapin, je n'ai pas tout à fait le même sens des priorités qu'eux...

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  6. Ils sont touchants ces agents ... Finalement, je me demande si par chez moi, il n'y a pas des agents aussi sympathiques. Et dire que depuis toutes ces années, j'ai accusé le restaurant chinois de me voler mes chats. Peut-être était-ce simplement le fait d'agents zélés!

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  7. Qu'elle belle histoire! Merci de nous l'avoir contée...

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  8. C'est une blague ? Sinon, je suis heureuse de voir un peu d'humanité chez les agents !!!

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  9. Hélas, l'histoire ne dit pas ce qu'est devenu le petit lapin gris. Ni ses puces...

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  10. Je suis restée bloquée sur les puces. Il a beau être mignon et gris ce petit lapin, les puces bloquent totalement ma capacité à m'attendrir... Bon et puis c'est vrai quoi, les policiers n'ont pas autre chose à faire que secourir les lapins gris pleins de puces ;-)

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  11. C'est vrai de vrai?! Punaise!! tu as su le destin du lapin plein de puces après?

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  12. C'est l'essentiel (et de toute façon, les puces ne se transmettent pas par wifi !)

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