C'est
l'histoire d'une carte de vœux, qu'un petit garçon prépare dans sa classe, et à qui la maîtresse demande, comme à chacun de ses
camarades, d'apporter une enveloppe timbrée à l'adresse de la personne à qui le petit garçon voudra l'envoyer.
C'est
l'histoire d'un facteur, que le petit garçon croise souvent en
rentrant de l'école avec sa maman, ses frères et sœur, à l'heure
du déjeuner, un facteur qu'il ne connaît pas très bien,
silhouette pressée juchée sur son vélo, mais dont il reconnaît le
sourire sous la casquette qui le protège des intempéries et le son
de la voix saluant sa famille, un facteur qu'il a vu une ou deux
fois, sur le palier, remettre à sa maman un recommandé ou proposer
un calendrier pour l'année à venir, un facteur qui aurait l'âge
d'être son grand-père et qui a le regard et le sourire d'un
grand-père.
C'est
l'histoire d'un gestionnaire qui travaille dans un centre de la
Poste, c'est l'histoire de la maîtresse de classe du petit garçon
et c'est l'histoire aussi, un peu, de sa maman.
***
Le
petit garçon aurait pu choisir, comme ses camarades, d'adresser sa
carte de vœux à son grand-père, à sa grand-mère, à un oncle, un
cousin, une tante ou un ami. Mais le petit garçon – d'où lui
venait cette inspiration ? - décida d'adresser sa carte au
facteur de sa maison, dans la rue ***.
La
maman du petit garçon, voyant sa ferme détermination, lui remit une
enveloppe, sans timbre, ainsi libellée :
« A
l'attention de Monsieur le facteur de la rue *** »
Car
la maman du petit garçon ignorait l'adresse du facteur dont elle ne
connaissait même pas le nom, mais elle se disait qu'un jour elle
rencontrerait le facteur, à l'heure du déjeuner, et qu'elle lui
remettrait la carte de vœux du petit garçon.
Alors
le petit garçon remit l'enveloppe à sa maîtresse.
Un
jour la maman demanda au petit garçon s'il rapporterait bientôt la
carte et l'enveloppe, pour la remettre au facteur quand il le
rencontrerait. Mais le petit garçon lui répondit :
«
Non Maman, la maîtresse a dit qu'elle la donnerait à son mari, et
son mari la donnera au facteur. »
La
maman en fut un peu étonnée, et puis elle oublia l'enveloppe et la
carte, jusqu'au jour où, alors qu'elle traversait la rue avec le
petit garçon et ses autres enfants, elle tomba sur le facteur qui,
malgré la pluie qui tombait à verses, arrêta son vélo et mit pied
à terre.
« J'ai
reçu une très jolie carte d'un petit garçon », dit-il.
Et
avec chaleur il remercia le petit garçon, avant de filer poursuivre
sa tournée.
Le
petit garçon souriait, et sous la pluie on voyait son regard pétiller.
Le
lendemain, dans la boîte aux lettres, la maman du petit garçon
trouva une enveloppe, non timbrée, à l'adresse du petit garçon, et
dont l'expéditeur était le suivant :
« Monsieur
le facteur de la rue *** »
La
maman remit l'enveloppe au petit garçon, et le petit garçon fut
tout réjoui d'y trouver une jolie carte où le facteur avait exprimé
tous ses vœux pour le petit garçon et sa famille.
Le
lendemain, la maîtresse de classe expliqua à la maman du petit
garçon que par une extraordinaire coïncidence, son mari, qui était
gestionnaire dans un centre de La Poste, avait pu remettre la carte
au directeur du facteur, et que le directeur du facteur l'avait
donnée au facteur, et que le facteur en avait été très touché,
et que ses collègues en avaient été un peu envieux, disant :
« Mais quand donc un petit garçon nous écrira-t-il, à nous
aussi ? »
Et
le lendemain, devant toute la classe, la maîtresse remit au petit
garçon une petite voiture en miniature à l'effigie d'un camion
jaune de la Poste.
Et
le petit garçon en fut extraordinairement fier et ravi, et jamais il
n'oubliera le bon facteur de la rue ***, et sans doute, c'est en tout cas ce que se disait la
maman, sans doute le facteur se souviendra longtemps du petit garçon de la rue
*** qui, une année, lui avait envoyé une carte de vœux.