samedi 8 octobre 2011

Palme d'or

  J'attendais l'événement depuis des semaines, avec une impatience croissante. J'avais libéré ma soirée, réservé la date, noté celle-ci dans mon agenda, fait garder les enfants, prévenu Monsieur, pris toutes mes dispositions. Le film de l'année ! Avant-première en présence de la réalisatrice, salle comble, scénario génial, brochette d'acteurs surdoués, dialogues ciselés, bande son du tonnerre, de l'action, beaucoup d'émotion, une bonne dose d'humour. Applaudissements à tout rompre à la fin de la séance, un succès monstre.
  « Une journée dans la classe de moyenne section », ainsi s'intitulait le film réalisé par l'enseignante de mon fils, projeté hier au cours de la réunion des parents.
  En fait, j'exagère un peu, vous n'avez rien manqué. Le gros intérêt du film, c'est quand-même d'apercevoir son cher rejeton et de constater qu'il est bien plus intelligent et bien plus beau que les autres, et si vous n'avez pas d'enfant dans la classe, vous risquez de trouver le temps un peu long. La scène « joue avec ton carton en salle de motricité » manque un peu de rythme, au bout de quatre minutes à voir des gnomes pousser leurs emballages et se cacher dedans, on s'ennuie un peu. En revanche, on retient son souffle dans la scène haletante « la classe de moyenne section descend l'escalier pour se rendre en récréation » : lequel va tomber le premier ? Combien d'autres enfants va-t-il entraîner dans sa chute ? Je vous rassure, ils sont tous arrivés vivants en bas, mais je ne sais pas combien de prises ont été nécessaires. Idem, on aurait aimé accélérer la séquence « Achille dessine sa maman » ou encore « les enfants du groupe bleu jouent au jeu des escargots ». En revanche, quelle joie d'entendre tous ces adorables bambins réciter d'une seule voix la magnifique poésie « Si j'étais tout le temps à la maison » dont je vous ai longuement parlé, avec les gestes en plus ! Voilà de quoi étreindre le cœur de leurs heureux parents. Tout aussi émouvant, la chanson entonnée en chœur par les trente deux petites voix, sans compter l'interprétation sirupeuse diffusée par le lecteur-CD, trente-deux petites voix parfaitement dissonantes, désaccordées, inharmonieuses, un massacre musical qui n'avait pas l'air de choquer la maîtresse. Un seul regret, la voix-off quelque peu irritante, avec son ton haut perché un peu infantilisant, du genre « Alors Jeanne, explique-moi ce que tu as fait là ? » devant un gribouillage informe, ou bien « Non Arthur, est-ce qu'on dit « t'es moche » à sa maîtresse ? ».
  Bref, j'ai quand-même passé un moment formidable.
  D'autant plus qu'il a mis fin aux douloureux instants qui le précédaient : avant la diffusion du film dans la salle d'éveil, nous étions invités, nous, parents, à visiter la salle de classe de nos enfants. Et là, c'est toujours pareil : depuis le jour où je suis rentrée en CP en ayant sauté la grande section et où je me suis retrouvée toute perdue dans la cour des grands, j'ai toujours plus ou moins l'impression de ne pas être à ma place en collectivité, et j'aime toujours aussi peu les rentrées scolaires. Hier soir, ça grouillait de mamans, certaines maquillées comme pour un grand soir – quelques papas étaient là aussi – et visiblement elles se connaissent toutes. Et que je te tutoie, et que je t'appelle par ton prénom, et que je suis la meilleure amie de tout le monde. J'ai dû rater le week-end d'intégration des parents. Les seules personnes que je connais un peu étant par malheur absentes (les mauvaises mères !), j'en ai été réduite à faire semblant de me passionner pour le poisson rouge dans son aquarium et pour le bac de duplos au fond de la classe. J'ai même pris mon courage à deux mains pour me rapprocher d'un groupe ou d'un autre, et prendre part à la conversation, mais rien n'y a fait : je suis retournée me donner une contenance devant le coin cuisine.
  Autre moment mémorable, à l'issue de la projection du film : les questions des parents ! Est-ce que vous allez emmener les enfants à l'opéra, est-ce que vous avez un projet « fil rouge » cette année, est-ce qu'il y a des problèmes de violence dans la classe (réponse positive, gloups), est-ce qu'il y a des objectifs à atteindre en moyenne section... Quant à moi, j'aurais surtout voulu demander si mon fils a des amis, s'il met bien son manteau en récréation, si c'est bien vrai que Gaspard lui a donné un coup de poing, s'il ne pleure pas trop longtemps parfois le matin, mais je n'ai pas osé, évidemment, la maîtresse m'aurait regardée d'un drôle d'œil, et la maman de Gaspard aussi d'ailleurs. Alors je suis restée bien sagement assise tout au fond en écoutant l'institutrice nous dire que « le matin, on fait des mathématiques » et que, lorsqu'un enfant n'est pas sage, « c'est l'occasion de faire de la philo, savoir quels mots qu'on peut dire, quels mots qu'on peut pas dire ».
  Finalement, j'aurai retenu deux choses : la grammaire, ça attendra la grande section ; et pour la descente des marches, à Cannes, il y a encore du travail.

3 commentaires:

  1. Mais trop lol quoi ! Comment j'ai hâte d'avoir des enfants rien que pour connaître ça et pouvoir à mon tour en parler dans mon blog...

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  2. merci pour cette expérience hors du commun ;) pas encore maman mais je pense que je serai un peu comme toi, à rester en dehors du clan des meres-je-connais-tout-le-monde-et-je-commère-parce-que-c'est-cool !

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  3. <a href="http://9 octobre 2011 à 02:26

    On n'y a pas eu droit, aux scènes de violence, il y avait un bébé de trois semaines dans la salle...

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