mardi 19 juillet 2011

Suicide virtuel

    Il y a tant à dire sur facebook ! Facebook vous permet de communiquer plus facilement avec vos proches : voici la description officielle de ce réseau social. Dans les faits, facebook est plus souvent un destructeur de communication – j'y reviendrai en vous parlant de Math, un de ces jours. D'ailleurs Gustave Borjay a abordé la question avec beaucoup d'humour sur son blog.
  Facebook, c'est surtout une galerie géante où chacun se crée une petite vitrine pour se livrer à l'admiration des autres. On se propose à l'observation de ses « amis » et cela tient lieu de communication. Par voie de conséquence, facebook est un formidable moyen d'observer ses proches. Mieux : d'observer les proches de ses proches, de parfaits inconnus qui n'ont pas tout à fait compris comment régler leurs paramètres de confidentialité, ou qui, tout au contraire, jugent leur vie assez passionnante pour captiver le monde entier.
  C'est ainsi que j'ai pris connaissance du profil de Guillaume Julliot, ami d'un de mes « amis » – au sens facebookien du terme s'entend. A lire son profil, Guillaume, 26 ans, passionné de football, un peu moins passionné d'orthographe, affiche des opinions politiques audacieuses : « anti cons » - pardon pour la grossièreté. Passionné de jeux facebook, Guillaume a atteint un haut niveau dans le jeu « cityville » dont les annonces innondent son « mur ». Entre deux de ces publications, on découvre néanmoins le drame : Guillaume vient de quitter sa douce moitié, ou peut-être est-ce le contraire. Il a du mal à passer le cap, il souffre. Surtout le jour où Guillaume découvre que celle-ci file à nouveau le parfait amour, et ça ne le fait pas rire du tout, malgré les mdr* amers qui ponctuent ses statuts.
  Un soir, le 14 juillet dernier, Guillaume se sent vraiment très mal. À 20h31, il publie le statut suivant :
« Tro dur ce mal de vivre jen peu plus, marre de cette vie »
  A 22h17, Guillaume, au bord du gouffre, publie :
« pardon pour mon geste les amis. Je vous aime. c parti. »
  J'imagine ses proches découvrant ce statut. Un suicide annoncé sur facebook, cela s'est déjà vu. Les amis de Guillaume se préparaient pour le bal du village ou le feu d'artifice quand la menace tombe. Leur soirée est gâchée, certes, mais l'essentiel, c'est Guillaume. Guillaume ! Affolement généralisé. En deux heures et demi, pas moins de 68 commentaires. Des proches inquiets s'attachent à reprendre contact avec le désespéré. « Guillaume, fais pas de c....ries » ! « tu sais la vie vaut toujours la peine d'être vécue » « Nous fais pas ça Guillaume » : les tentatives pour détourner Guillaume de ses funestes intentions se succèdent. Pas de réponse. Et en plus il ne décroche pas son téléphone. La terreur s'installe : un des amis se décide à envoyer les pompiers sur place. « ils en sont où ? » « Qui peut nous donner des nouvelles ? »
  Je ne prolongerai pas l'insoutenable suspens inutilement : Guillaume est vivant, bien vivant. Les pompiers l'ont trouvé un peu démoralisé, certes, mais pas assez pour l'hospitaliser. Le soulagement est total chez ses proches.
  D'ailleurs, pour Guillaume, cela va beaucoup mieux. Il a gâché la soirée de 14 juillet d'une quinzaine d'amis, mais maintenant il sait qu'il compte à leurs yeux. J'imagine qu'entre deux parties de Mario kart il regardait un par un s'afficher les commentaires plein de compassion et d'inquiétude, et cela lui a fait chaud au cœur. Quand il a lu que les pompiers allaient sonner chez lui, il en a été quitte pour cacher la wii et la kro qu'il était en train de boire – il faut être sérieux quand-même dans la vie – et se composer une attitude un peu désespérée, mais pas trop, il n'avait pas envie non plus de passer la nuit en psychiatrie. Le lendemain, Guillaume a publié un nouveau statut, éclatant d'optimisme «  Merci à tous ceux qui m'aident à passer ces moments difficiles ». Grâce à eux, il peut tourner la page. Il est passé au niveau 29 de Cityville.
 
 
 
*mort de rire

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